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Autour d'une relation économique insensée entre la CARICOM et Ayiti

Publié le 03 juillet 2011 par A1y8i0t4i

Dans toute relation entre individus, groupes, institutions ou sociétés, il y a toujours des intérêts en jeu, et l'objectif premier de chaque partie est de maximiser le plus possible ses avantages. C'est une notion économique fondamentale incontournable qui indique que les bonnes décisions ne sont pas toujours bonnes dans tous les moments. L'observation de ce principe oblige quiconque à tailler son comportement sur mesure pour mieux se positionner sur la courbe temporelle qui épouse toujours le contour d'un contexte. Donc, décider ou ne pas décider de faire une chose peut être correct en soi, mais le quand détermine la justesse d'une position. Tout pour dire qu'actuellement, la réintégration d'Ayiti dans la CARICOM n'est pas une décision économique sage. Si l'intérêt du pays pivote sur un mieux-être économique, celui de la CARICOM apparemment courtise le politique. Un engagement que Ayiti a du mal à appréhender. D'un tel rapport résulte un déséquilibre très préjudiciable pour le pays.
Pour asseoir mon argument, je me réfère aux propos du secrétaire général de la CARICOM, M. Edwin Carringnton, et du professeur Eddy Labossière rapportés par Le Nouvelliste, No 37421 du Mercredi 5 juillet 2005. Pour le secrétaire général, cette réintégration est "une victoire pour la démocratie" réaffirmant la tradition démocratique dans la région. De son côté, Ayiti s'illusionne sur le terrain économique pour accélérer sa descente dans l'abysse de la pauvreté. Avec regret, je prends le contre-pied du professeur qui croit que Ayiti a d'énormes avantages à y tirer. Voulant avancer que ceux-ci ne peuvent être déchiffrés, via ce texte, j'argumente d'une part que les Caricomiens n'ont aucun intérêt économique en Ayiti, et d'autre part, j'élabore le rationnel économique devant définir les relations économiques d'Ayiti avec les autres, ce qui va à l'encontre de la logique du professeur.

I : L'absence d'intérêt économique des Caricomiens

Partant du principe que la vocation naturelle de la CARICOM est l'économique, il est clair que Ayiti ne présente pour elle aucun avantage. Rationnels, étant les Caricomiens, s'ils acceptent Ayiti en leur sein, ce n'est que par caprices politiques ; et sans hypocrisie, M Carrington le laisse entendre. Je reconnais que le politique peut affecter l'économique, mais je trouve absurde qu'un pays cesse de jouir des avantages économiques d'un autre parce que le politique va mal chez ce dernier. En ostracisant Ayiti, les Caricomiens acceptent de perdre les millions à gagner sur le marché ayitien. La réalité est qu'il n'y a rien à gagner. Si Ayiti avait une importance économique pour eux, je pense que le politique serait d'un ordre inférieur, déjà qu'ils ne sont affectés en aucune manière. Qu'on m'explique l'acceptation de la Chine communiste comme membre de l'Organisation mondiale du commerce conçue sur des valeurs démocratiques !

Considérant sa taille dans la région, le marché ayitien devrait être un appât pour le reste de la Caraïbe. Telle devrait être la raison justifiant l'intérêt de la CARICOM en Ayiti, et aussi un atout majeur de négociation sur lequel Ayiti devrait jouer pour faire entendre sa voix dans ce marché commun. L'ironie est que l'économique, qui est l'essence même de cette communauté, ne moule pas sa relation avec Ayiti. Si c'était le cas, Ayiti y serait tolérée sans être humiliée.

Actuellement, Ayiti comme marché potentiel ne présente aucun avantage compétitif pour les Caricomiens. En effet, toute tentative de pénétration du marché ayitien se solderait en des coûts de présence très élevés. Ils ne sont pas prêts à faire face au faible pouvoir d'achat du pays qui ne leur permettrait pas d'écouler leurs produits, pendant que deux autres pays s'y sont déjà solidement implantés. Sachant que la République Dominicaine et le Panama sont mieux lotis qu'eux en terme de compétitivité sur le marché ayitien, ils ne vont pas s'aventurer dans l'immédiat, s'ils sont des maximisateurs.

Les caricomiens comprennent vite que Ayiti ne peut leur permettre de maximiser leurs avantages économiques. Y entrer déclencherait une course compétitive fiévreuse au risque de subir des conséquences économiques regrettables. S'ils ne sont pas aussi compétitifs qu'eux, l'espace à s'approprier est quasiment nul. Il suffit de jeter un coup d'oeil au bas de la ville pour identifier les produits respectifs de ces deux pays offerts à un prix accessible sur le marché ayitien.

Leur seule porte d'entrée serait peut-être de se créer une niche avec un produit que Ayiti a besoin et que les deux autres pays n'offrent pas encore. Un tel cas n'est pas évident, parce que ceux-ci répondent déjà aux besoins en nourriture, vêtements et chaussures de la population ayitienne. Couper une part alléchante du gâteau est en réalité illusoire pour les Caricomiens. S'il est clair que le terrain économique ne va pas être le leur, quel avantage vont-ils tirer d'Ayiti ? Aucun qui se dessine dans l'immédiat.

Si l'analyse qui précède fait abstraction d'un avantage économique pour eux, seul le politique pourrait justifier la faveur faite à une Ayiti désespérée par sa récente expulsion. Ce serait un avantage pour Ayiti, seulement si elle offrait un produit répondant aux besoins des Caricomiens. Dans un tel cas, ceux-ci joueraient bec et ongle pour davantage écarter Ayiti de leur sein. Il ne faut pas se leurrer avec l'idée de solidarité régionale ; c'est un concept vide auquel il faut éviter de s'accrocher.

Partout, c'est la jungle économique où il est question des avantages à maximiser. Etant donné qu'ils jugent difficile la pénétration du marché ayitien en raison de son très faible pouvoir d'achat, de la présence dominante des deux concurrents précités, et du fait que le pays n'a rien à leur offrir, la relation économique est vide de sens. Bon gré mal gré, ils acceptent de faire cesser les supplications d'Ayiti pour la réintégrer. Pendant que les Ayitiens se noient dans des rêves de gains économiques, eux, ils jouent le pion politique sans laisser deviner leur stratégie de jeu (ou dévoiler la vraie raison).

II : Absence d'arguments économiques valables

En admettant que c'est l'économique qui motive les Caricomiens, Ayiti plonge la tête en avant dans le trou. S'il est un fait que toutes les industries locales du pays ont virtuellement disparu et que la production du pays est quasiment nulle, comment peut on penser que le pays va tirer un avantage dans un tel arrangement économique ? S'il n'est pas apte à produire pour répondre à ses besoins les plus pressants, comment peut-on imaginer un rapport d'échange équitable avec les autres ?

Le concept de marché en soi entend l'échange des biens, qu'il y ait un moyen intermédiaire d'échange ou pas. C'est-à-dire, quand on rencontre deux ou trois individus qui s'engagent dans une transaction ou qui se sont mis d'accord sur un principe, ils ne font que concrétiser la nature du marché par un transfert de biens ou par le respect d'un engagement de l'un vis-à-vis de l'autre. En effet, il y existe un avantage mutuel dans ce rapport. Les différentes parties jouissent d'une variété de biens qu'elles ne peuvent pas se procurer sans l'apport des autres. En cédant un bien, chaque partie reçoit le bien dont elle a besoin, pendant qu'elle n'est pas en mesure de le produire avantageusement.

C'est une caractéristique de tout type de marché, et la CARICOM n'en est pas exempte. Dans un tel marché, il faut voir les possibilités d'échange entre les différents pays de la Caraïbe qui logiquement devraient se spécialiser dans la production d'un bien spécifique, afin de jouir de l'avantage comparatif des coûts de production. Cette stratégie leur permettrait, non seulement de se pourvoir du bien à satisfaction, mais aussi de réaliser un surplus capable de faciliter leur entrée équitable dans le jeu d'échange.

A défaut de quoi, il faut éviter d'entrer dans un accord de marché de libre-échange avec quiconque. Cependant, s'il est souhaitable de le faire, avant de s'y engager, le principe cardinal de maximisation de ses avantages exige de mettre en place des structures capables de faire démarrer la machine productive avec compétitivité. Ainsi, se positionner dans le moyen terme ou le long terme sur la courbe temporelle est une décision rationnelle à prendre. Violer cette loi économique fondamentale, c'est se désarmer au point de sombrer dans la pauvreté.

Les arguments du professeur tournent autour du fait que les Caricomiens et Ayitiens "pourront échanger plus facilement leurs biens et services". C'est correct suivant l'idée de bénéfice mutuel que doivent tirer les différentes parties en arrivant à satisfaire une diversité de besoins. Cependant, il faut savoir de quels biens et services il s'agit dans le cas d'Ayiti. En rendant effective tout de suite l'intégration, il n'y a pas de biens et services que Ayiti puisse offrir aux Caricomiens en contrepartie des leurs que malheureusement elle en a toujours besoin.

Les deux secteurs, le tourisme et l'artisanat ayitien, dont parle le professeur n'ont jamais été et ne seront jamais des secteurs porteurs dans le développement économique d'une société. Quand ils sont présents dans le processus, c'est comme accompagnateur d'un développement économique déjà mis en branle arrondissant les chiffres de l'emploi. Pour le moment, le tourisme est le point fort des Caricomiens, et l'artisanat ayitien comme connu et promu ne se mesure pas à l'aune de l'artisanat qui a frayé le chemin de l'industrialisation dans l'histoire économique de l'Homme. Concrètement, quels sont ces biens et services que Ayiti va pouvoir offrir aux Caricomiens via ces deux secteurs ?

Souvent, un secteur touristique courtise une clientèle avec un haut niveau de revenu pour alimenter le flux des devises dans un pays, pourvu qu'il y ait un panorama attrayant à montrer. Les Caricomiens n'ont pas ce niveau de revenu souhaitable pour se pavaner dans les rues immaculées du pays, photographier ses chics bidonvilles et déguster un appétissant patekode sous un anbadra. Ils ne sont pas plus pauvres que les Ayitiens, mais ils sont aussi pauvres que les Ayitiens. Eux aussi sont en partance permanente pour les Etats-Unis quand ce n'est pas le Canada ou l'Angleterre en quête d'un mieux-être. Ayiti ne peut pas parler de ses plages, car ils en ont autant et de très jolies qui sont des lieux favoris du mouillage des bateaux de croisière venant des pays du Nord. De tels ports seraient fermés aux Ayitiens qui viendraient chez eux pour y demeurer illégalement.

L'artisanat ayitien, de son côté, n'a pas les caractéristiques permettant de dynamiser le développement du marché local qui est clé pour tout développement économique. Ce serait des produits recherchés par des touristes quand ils viennent. Comme la plupart des Caricomiens seraient incapables financièrement de venir y jouer au touriste et d'acheter des produits qui sont d'ailleurs à meilleur marché chez eux, que faut-il espérer d'un tel secteur sans la capacité de provoquer des effets d'entraînement en amont et en aval qui est une condition sine qua non pour le développement économique d'un pays ?

Il importe de noter que tout développement économique d'une société se fait par la production locale des biens demandés par toute une population. De surcroît, de tels biens comme la nourriture, les vêtements et les chaussures demandent d'être renouvelés constamment dans le temps. L'artisanat ayitien n'a pas ces caractéristiques nécessaires au développement des industries locales sur lesquelles reposent le développement économique de toute société et l'amélioration des conditions de vie des gens.

La discussion montre que la réadmission du pays au sein de la CARICOM n'a pas sa raison d'être. Les Caricomiens et les Ayitiens ne peuvent pas tenir l'argument rationnel de tout agent économique qui cherche toujours à maximiser ses avantages. Le comportement des Caricomiens vis-à-vis du pays est très clair et montre qu'ils comprennent et respectent cette loi économique fondamentale. Leur continuel rejet de la persistante demande d'Ayiti d'y faire partie, pour des raisons de langue, de système politique et autres en parle fort. Aujourd'hui, suivant leur humeur, ils décident si Ayiti doit y rester ou pas. Ils ne sont même pas sûrs d'eux-mêmes si la touche politique donnée à leur relation avec Ayiti est juste.

La raison économique est totalement inexistante pour les deux parties en raison de la crainte des Caricomiens de vouloir confronter des concurrents déjà forts sur le marché ayitien et de l'incapacité productive d'Ayiti de leur fournir des biens et services à leurs goûts. Le principe de maximisation de ses avantages dans la logique du développement économique rend difficile la tâche de tous ceux qui, pour une raison ou une autre, souhaitent justifier la persistance du pays de faire partie de la CARICOM.



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