Si depuis quelques années le vieux continent réalise enfin que la part francophone du Canada a son lot de créativité de quoi concurrencer nos réussites internationales de Daft Punk à Justice, seul les similaires dynamismes électro à la Mister Valaire trouvent leur large, façon de dire, public demandeur de concert. Pourtant depuis un an déjà internet propose à qui en veut un petit album, Odessa, signé Voilà!. Malgré la conjonction effectuée par quelques fans de Youtube à Facebook aucun buzz n’a propulsé Voilà! vers l’indispensable blabla médiatique quant à la reconnaissance, du moins, l’écoute, de préférence.
En six morceaux donnés sur leur Myspace ou, pour les plus solidaires, en vente pour cinq euro sur le Itunes Store, Voilà! démontre une sensibilité sans borne, un jeu d’écho d’instruments à instruments à la façon des plus habiles mouvements de pistes dont on pensait Tricky, dans son genre où il est toujours roi, seul détenteur. Mais Voilà!, quatre jeunes hommes aux allures bourgeoises mais dénuées de pédanterie, s’est divisé individuellement chaque ligne d’instrument pour se faire un groupe dit à l’ancienne : un piano, deux guitares jamais mêmes dont l’une se transforme en violon ou contre-basse quand besoin en est, et une batterie jamais encombrante, toujours lyrique à son arrivée. Il suffit d’écouter Bosnie-Herzegovine, sept minutes de jouissance purement musicale, pour comprendre qu’en effet le lyrisme est presque la condition d’existence de chaque note. Ça commence comme une brise, ça pianote comme en rond puis ça s’emballe révélant des cordes frottés qui indiquent le chemin, montant, suivit par le tout.
Aussi puissant qu’une oeuvre classique et aussi moderne que l’inédit, BH devient un grand, un très grand moment de musique dés que la batterie se met à répondre à l’emballement qui semble ne s’arrêter que lorsque la sensibilité auditive ne peut plus suivre ce surplus d’émotion. Ce pourquoi au milieu BH se calme avant de reprendre en un élan attendu comme on attend une bonne nouvelle. Troisième des six créations de l’album, Odessa ne se contente pas de BH et s’ouvre sur un Embryon au titre révélateur d’une naissance en cours, c’est ainsi que commence la plongée, comme une introduction à une histoire simple mais grandiose, quelque chose de quasi-biblique, une divine tragédie à la gloire de l’acte. Une fois la levée faite le tout s’élance d’une mollesse certaine, Embryon est maîtrisée, le groupe s’affirme.
Et puis il y a La Neige, le cinquième bout de cet élan sans parole. Tradition du bruit oblige c’est par une agile composition de cymbales et de murmures qu’est introduit le piano, encore une fois initiateur d’un crescendo aidée d’un choeur aigu, jusqu’à l’envolé accoudée de l’électricité d’une guitare grattée nerveusement. L’ensemble donne une idée de l’espace comme dirait Baudelaire, creuse le ciel même, écrivait le même.
Entre ces merveilles il faut avouer que les chansons chantées sont bien moins convaincantes quoique originales et pas trop mal écrites. Mais Voilà! s’illustre mieux sans mots, dans un mélange anachronique d’inventivité d’un nouveau genre, une sorte de romantisme musicale qui n’abandonne pas sa nostalgie à la ringardise. C’est beau, mais ça bouge. Que demander d’autre à la musique ? L’expression « faites-tourner » prend ici une valeur dont l’art se révèle la résultante. Donc écouter, en parler, c’est les faire exister. Lady Gaga attendra.