MY LITTLE PRINCESS d’Eva Ionesco

Publié le 03 juillet 2011 par Celine_diane

Il était une fois une petite fille, et une mère photographe. Tout a l’air d’un conte de fées ; pourtant, c’est un cauchemar. Le cauchemar d’une enfance sacrifiée, d’une princesse que l’on déshabille, que l’on capture dans l’objectif, dans des poses lascives et suggestives. De la pédopornographie que l’on maquille en art, que l’on justifie. C’est aussi, et surtout, le cri d’une femme, Eva Ionesco, qui offre ici- un premier film maîtrisé, en forme de catharsis. Son histoire, elle la raconte avec pudeur, sensibilité, onirisme. Et ce n’était pas gagné ! Le sujet est lourd à porter, le prisme autobiographique toujours très casse-gueule. Lorsqu’il s’agit de dire l’horreur vécue, d’hurler la haine, de poser en image douleurs passées et intimité, d’autres auraient pu sombrer dans le sordide. Ce n’est pas son cas. Dans My Little Princess, elle évite tous les écueils redoutés. Elle ne pose pas sur sa mère le regard d’une adulte, qui voudrait cracher ses rancoeurs, mais, celui de la petite fille qu’elle était- qui cherchait l’affection manquante dans de la pellicule.
En plus d’y raconter son vécu, et d’évoquer ses traumatismes avec un recul admirable, elle y questionne l’art et ses limites, l’art et ses possibles dérives. Faut dire qu’elle a du beau monde de son côté. Déjà, la toute jeune Anamaria Vartolomei, saisissante de justesse, crédible en baby doll bafouée, tour à tour paumée et revancharde. Ensuite, l’incroyable Isabelle Huppert, en mère artiste et foutraque. Chacun des personnages qu’elle incarne écrase le précédent. A chacun de ses rôles, elle est Autre- offrant aux regards des possibles infinis. Ce duo sublime à l’écran, écho au duel dérangeant de la vraie vie, se déchire et s’aime avec intensité, est mis en scène avec tact et maturité. Lorsqu’elle verse dans la fantasmagorie, la réalisatrice sait ce qu’elle fait. Lorsqu’elle théâtralise le propos pour éviter de trop psychanalyser les choses, elle sait encore ce qu’elle fait. Voilà, finalement, le véritable art.