L'OTAN 21 : une lecture par V Pertusot

Publié le 02 juillet 2011 par Egea

Vivien Pertusot, jeune chercheur qui vient de publier un focus stratégique de l'IFRI sur les partenariats de l'OTAN, me fait savoir qu'il a fait paraître une fiche de lecture sur "l'OTAN au 21ème siècle" dans la revue internationale et stratégique (nº 82 (2/2011) : ici) : mille mercis à lui.

O. Kempf

Le sondage annuel Transatlantic Trends montre que les Français restent majoritairement favorables à l’OTAN. En 2010, 60 % estimaient que l’OTAN était encore essentielle à la sécurité du territoire français. Pourtant, l’OTAN pourrait être définie pour beaucoup comme un « grand machin » – expression que le général de Gaulle utilisait pour l’ONU. Le retour de la France dans les structures intégrées de l’OTAN a déclenché quelques débats qui ont montré à quel point la compréhension sur cette organisation était pauvre et datée.

Olivier Kempf, blogueur et professeur à Sciences Po Paris, publie L’OTAN au xxie siècle pour combler cette lacune. Son objectif est audacieux : décortiquer la réalité de cette organisation et fournir une analyse lisible de son fonctionnement et de ses activités. L’auteur découpe son ouvrage en quatre grands thèmes. Tout d’abord, il revient sur l’histoire de l’Alliance et détaille le fonctionnement complexe des structures civiles et militaires. Ensuite, il se penche sur les États membres et leurs apports à l’OTAN. Il consacre à ce sujet d’importantes réfl exions sur le rôle de la France et analyse sans ambages exagérées le poids des États-Unis. Puis, il délimite quatre élargissements : l’élargissement géographique – le premier avec les nouveaux membres, le second avec les partenaires –, l’élargissement de la zone d’intervention, et l’élargissement du périmètre fonctionnel. Enfin, il s’interroge sur les défis de l’Alliance, parmi lesquels le terrorisme et « les armes à eff et de masse » – on note en l’occurrence l’absence étonnante de la cybersécurité.

Le propos présenté par Olivier Kempf est extrêmement détaillé. Si pour beaucoup, l’OTAN semble se résumer à ses opérations en Afghanistan, la lecture de cet ouvrage contredira cette perception erronée. La tonalité générale de l’ouvrage est d’insister sur le fait que l’OTAN de la guerre froide s’est profondément métamorphosée et qu’elle est aujourd’hui une organisation qui n’a jamais été aussi active, élargissant par exemple son champ d’action à des activités civiles dans le cadre de l’approche globale, à la lutte contre le terrorisme autant par des relations avec ses partenaires que dans le cadre de son opération Active Endeavor.

L’ouvrage aborde surtout en filigrane une question récurrente : à quoi sert l’OTAN ? Cette question rationnelle n’a jamais été aussi difficile à aborder. D’ailleurs, personne n’est réellement convaincu par les réponses qui sont apportées. La raison est que l’OTAN n’est pas aujourd’hui une organisation qui lutte contre une menace précise, mais plutôt une organisation dont le corps de métier est de fournir et de garantir de la sécurité. Une réponse dont les ramifications sont évidemment très larges, d’où l’utilité de cet ouvrage.

Néanmoins, L’OTAN au xxie siècle faillit sur certains aspects. Tout d’abord, sa publication correspond au sommet de Lisbonne et donc le nouveau Concept stratégique n’est pas totalement traité. En outre, tout le travail d’implémentation post-Lisbonne est en cours d’élaboration et pourrait réellement changer certains aspects partout, avec tout le monde, sans limite. Peut-être est-ce volontaire, mais alors aurait-il fallu être plus critique et poser la question de l’OTAN en relation avec une forme de compétition avec l’ONU. L’auteur ne le faisant pas, son procédé semble plus relever de l’eff et de style.

Vivien Pertusot Carnegie Europe

NB égéa : Sachez que j'évoquerai les questions du concept, de l'après Lisbonne, de la cyberdéfense et des relations OTAN-ONU dans un ouvrage à paraître cet automne : voici pour les "oublis" signalés. Quant à reprocher de ne pas traiter des conséquences du sommet de Lisbonne pour un ouvrage publié avant le sommet, c'est un peu comme l'oeuf et la poule : quand on analyse l'histoire en marche, l'analyse est immédiatment corrigée par ce qui se passe juste après qu'elle a été prononcée.

Enfin, il est assez amusant d'entendre des reproches similaires des deux côtés de l'échiquier : j'entends les "anti-otaniens" me reprocher de ne pas être assez critique, et les pro-otaniens d'être trop distants. Je prends cette convergence du même reproche, de différentes parts, comme un compliment : celui d'avoir été assez neutre dans l'explication, sans être pour autant fade.

OK