Je ne sais ce qui me parle à toute heure du jour, dès que le regard s’accroche aux frêles ramures – du bout incertain du sentier qui disparaît, comme une voix, comme une présence vaporeuse, un signe familier qu’elle m’adresserait avec constance mais sans insistance, avec une discrétion, une délicatesse désarmantes.
Dans la lumière du soir ou la clarté vive des matins, qu’il vente ou que rien ne bouge, hormis un chant d’oiseau, haut suspendu, je tends l’oreille vers un murmure à peine perceptible, une sorte d’appel tout bas ou très loin. J’écoute, je regarde, sans comprendre ce qui me retient, me captive tant. Peut-être la distance, ses tremblements, ses incertitudes, la magie des lointains, des chemins qui s’enfoncent, l’air plus proche et plus sensible sous le fin voilage des feuillages ou le regard qui se perd avec bonheur et douleur, se noie dans une épaisseur mouvante le prolongeant de ses formes vivantes – je ne sais, peut-être plus simplement ce mystère qui affleure dès que l’on prête attention aux moindres choses de ce monde.
Tout alors devient bouleversant : le caillou dans la lumière, la tige souple d’une fleur qui balance, comme si l’existence criait, hurlait de cette voix immense et muette qui fait tout l’espace. Nous imaginons mal les liens vivants qui existent entre les choses et notre cœur le plus intime, les échanges secrets, les rapports aussi profonds qu’imperceptibles qui se nouent dans le silence d’un regard attentif.
Trop près, c’est la chaleur animale, la cécité de la pierre, dure et ténébreuse en son centre. Trop loin, nous nous refermons sur l’espèce. Entre les deux, il y a l’espace de l’amour, le regard de l’esprit, la distance d’un grand souffle où l’étincelle de vie se déploie dans toute sa gloire.
Philippe Mac Leod est écrivain et a publié plusieurs recueils de poésie. Son dernier ouvrage, Sens et beauté, est paru aux éditions Ad Solem.