[Europe - Eva Joly] Video : La gauche face à la crise grecque: le débat Joly/Trouvé

Publié le 02 juillet 2011 par Yes

Alors que la gauche grecque s’apprête à faire voter un deuxième plan d’austérité, qui suscite la colère des syndicats et des indignés, Mediapart lance une série de débats sur l’avenir de la zone euro et les réponses apportées par la gauche française, qui prétend au pouvoir l’an prochain mais qui est restée largement silencieuse sur le sujet.

Premier volet: un face-à-face entre Eva Joly, candidate à la primaire écologiste, et Aurélie Trouvé, coprésidente d’Attac et candidate malheureuse à la tête du FMI.

Cet entretien entre Aurélie Trouvé et Eva Joly a été réalisé dans les locaux de Mediapart, le 28 juin, avant les résultats de la primaire de l’écologie…
Eva Joly – Aurélie Trouvé: impressions sur le… par Mediapart

Imaginons: vous êtes députée au Parlement grec. Voteriez-vous le nouveau plan d’austérité, ou rejoindriez-vous les indignés à l’extérieur de l’Assemblée?

Aurélie Trouvé. J’irais sur la place avec les indignés. Il ne faut pas voter ces plans d’austérité. D’abord parce qu’ils sont inefficaces: cela fait des mois que la Grèce s’enfonce dans la récession. Ces plans sont aussi injustes: le peuple paie à la place de la finance. C’est elle qui a plongé les pays dans la crise économique, ces pays qui ont versé des centaines de milliards d’euros pour renflouer les banques. C’est une dette illégitime, odieuse, et il faut en faire un audit pour l’annuler partiellement, après examen.

Eva Joly. En réalité tous les pays européens ont pris 20% de PIB d’endettement avec la crise de 2008. Aujourd’hui, l’endettement grec est de 300 milliards, soit 150% du PIB. Les Grecs ne peuvent pas faire face. Ils doivent donc refuser le plan tel qu’il est annoncé, parce qu’il est injuste, et parce que les conséquences politiques de cette politique d’austérité sont ingérables. Les Grecs ont déjà eu une réduction des salaires de 20%. Beaucoup de salariés gagnent 600 euros aujourd’hui. Environ 40% de la population ne peut plus payer de l’électricité. Les limites sont atteintes.

En même temps, des problèmes de société épouvantables, comme la corruption, ne sont pas réglés. Il y a des exemples terribles d’impunité dans la classe politique. Cela crée des tensions qu’il va falloir régler, si l’on veut imposer un plan d’austérité.

Par ailleurs, je partage avec Aurélie l’idée qu’il faut auditer cette dette odieuse et que le plan d’austérité est une façon de reculer l’échéance, pour permettre aux banques privées de transférer l’endettement sur le public. Il faut prendre le problème à la racine et dire: les Grecs ont triché, c’est vrai, et, s’ils n’avaient pas triché, avec l’aide de Goldman Sachs, dont un ancien membre va diriger la Banque centrale européenne (l’Italien Mario Draghi, ndlr), ils ne seraient pas rentrés dans l’euro. Mais la France le savait, l’Allemagne le savait, Eurostat le savait. Ils sont complices.

Mais ces cas de comptes maquillés, de corruption ou d’évasion fiscale font-ils de la Grèce un cas à part en Europe, ou n’ont-ils fait qu’aggraver une situation commune à bon nombre de pays européens?

Eva Joly. Cela aggrave la situation, mais c’est le propre d’un Etat faible, qui ne profite pas aux pauvres. C’est la classe dirigeante qui s’enrichit dans une impunité totale. Je pointe encore une fois le lien qui existe entre la lutte contre la corruption, les paradis fiscaux, le blanchiment d’argent, et la lutte pour la transformation écologique et contre l’austérité. C’est caricatural en Grèce: l’Etat faible n’a pas su faire payer des impôts à ceux qui peuvent en payer.

Aurélie Trouvé. Tout à fait d’accord. En Grèce, la baisse des recettes fiscales s’explique par les cadeaux faits aux riches. Il y a eu des dépenses faramineuses dans la défense. Avec la complicité entière de l’Allemagne ou la France qui continuent de vendre des frégates ou des hélicoptères militaires. Il y a une complicité de ces pays, tant que cela sert les intérêts des grands détenteurs de capitaux. D’où la nécessité d’un audit de cette dette, qui permettrait de mettre à contribution les grands créanciers privés. En Equateur par exemple, le président, quand il est arrivé au pouvoir, a déclaré qu’une partie de sa dette était illégitime.

En Grèce, tout cela sera évidemment insuffisant si l’on n’agit pas à la source: une régulation drastique de la finance. Il faut une taxe sur les transactions financières, dans les actes, et pas seulement dans les discours. Il faut refonder la politique monétaire en Europe. Il est tout à fait anormal que la BCE ne puisse pas prêter directement à des taux raisonnables. Tant que l’on ne fera pas comme la Fed, les pays seront obligés de faire appel aux marchés financiers, à des taux d’intérêt exorbitants, ce qui permet à la finance – sauvée par les Etats – de faire des profits mirobolants.

Eva Joly. Peu importe comment s’est créée la situation grecque; il faut partir de telle qu’elle est. Dire que cet endettement n’est pas supportable. Ensuite, dire qu’il faut restructurer cet endettement de 30% – nous savons le faire, via le Club de Paris. Tout le monde doit prendre sa part. Il y a les riches Grecs, qui n’ont pas payé d’impôts, qui détiennent à peu près 30% de cet endettement. 30% de restructuration, cela correspond à un taux d’imposition assez raisonnable. Ensuite, la BCE détient environ 50 milliards: elle doit aussi prendre sa part, soit en abandonnant une créance, en rallongeant le temps de remboursement, ou en jouant sur les taux d’intérêt.

Et enfin, les banques privées doivent participer. C’est là que le bât blesse. La BNP n’a aucune envie de prendre les six milliards d’engagements qu’elle a. Si elle fait cela, ses bonus sautent, et ils ont été, cette année, particulièrement croustillants. L’aide publique à la Grèce, en réalité, c’est l’aide à nos banques privées. Les Allemands sont très réalistes quand ils demandent la participation des créanciers privés. La France, elle, est tout à fait complice. Parce que notre président de la République a des visiteurs du soir, qui défendent leurs intérêts.

C’est-à-dire?

Eva Joly. On a vu une photo fameuse, dans Paris Match, où l’on voit Christine Lagarde et Michel Pébereau (alors président de BNP Paribas, ndlr). Les décisions sont prises ainsi.

Mais justement Nicolas Sarkozy vient de proposer que les banques privées investissent 70% des sommes remboursées par la Grèce dans des emprunts grecs à long terme…

Eva Joly. On est en période électorale. Il a bien senti que cela ne passe plus.

Aurélie Trouvé. Cela va être tout à fait insuffisant car la contribution du privé sera très faible. On sait très bien que la Grèce est incapable de rembourser la majorité de sa dette. C’est juste une fuite en avant, sans régler les racines du problème.

Mais n’est-ce pas une amélioration?

Aurélie Trouvé. Sarkozy a été obligé de lâcher un tout petit peu de lest. Mais c’est lui qui traîne des pieds en Europe et a peut-être la position la pire de la zone euro.

Eva Joly. Lors des négociations sur la nouvelle réglementation des institutions financières, le parlement européen voulait que le montant des bonus ne puisse pas excéder le montant des rémunérations fixes. Angela Merkel était d’accord, la France non. Nous avons dû céder sur un compromis autour du terme «équilibre», qui n’a même pas été transcrit dans les réglementations internes françaises. Chaque fois qu’il y avait un texte européen qui réglementait les banques ou les paradis fiscaux, la France traînait les pieds. C’est toujours le grand écart entre la rhétorique du président de la République et les actes. Et de toute façon, sur cette proposition précise, il n’y a rien de sérieux. Augmenter encore l’endettement de la Grèce de 100 milliards, c’est de la folie furieuse.

On parle aussi beaucoup ces derniers mois d’une autre piste: celle d’une sortie de la Grèce de la zone euro, assortie d’une dévaluation. Qu’en pensez-vous?

Eva Joly. C’est une folie aussi. L’endettement de la Grèce est en euro, elle n’exporte rien, ses constantes macro-économiques sont mauvaises: comment pourrait-elle payer le reste de son endettement?

Aurélie Trouvé. Il y a trois positions. La position néolibérale propose de continuer avec une zone euro fondée sur l’orthodoxie monétaire, qui combat avant tout l’inflation sans s’occuper de l’emploi. Il y a une position de repli national, à mon avis irresponsable, parce que sortir de l’euro et donc revenir à une monnaie nationale signifie qu’on pourra continuer la guerre commerciale et monétaire comme avant, mais en abandonnant toute idée de solidarité au sein de l’Europe. Notre position est donc d’être pour une autre Europe, pour une autre politique monétaire qui ne soit pas au service des grands détenteurs de capitaux et au détriment des salariés, retraités et chômeurs. Il faut aussi une vraie politique sociale et fiscale, avec une vraie harmonisation vers le haut.

Et là je m’adresse à la politique Eva Joly: les partis de gauche dominants, et en premier lieu le Parti socialiste, ont été pour l’instant sur la première position, sociale-libérale. On a déjà eu le différend en 2005, y compris avec les Verts, car nous disions que le Traité constitutionnel européen ne pouvait pas sortir l’Europe de l’ornière. Notamment parce que dans le traité de Maastricht, la BCE ne peut prêter aux Etats membres et qu’il grave dans le marbre l’orthodoxie monétaire. Cette position a-t-elle évolué au sein d’Europe Ecologie-Les Verts? Y a-t-il une vraie volonté de rompre avec cette politique néolibérale? Et donc quid des traités européens?

Eva Joly. Le groupe des Verts au parlement européen porte l’idée que la BCE doit pouvoir émettre des eurobonds (obligations européennes, ndlr) et prêter aux Etats. Tout comme nous pensons qu’il faut aujourd’hui rééchelonner la dette grecque. Mais nous pensons que le traité de Lisbonne (qui a remplacé le TCE rejeté par la France et les Pays-Bas, ndlr) est un progrès démocratique car il donne plus de pouvoir au parlement. Malheureusement le parlement européen reflète les majorités des Etats, qui sont aujourd’hui ultralibérales. J’attends que les opinions publiques européennes envoient au parlement des députés qui pensent que le néolibéralisme nous a menés droit dans le mur.

Mais le traité de Lisbonne, que vous défendez, empêche justement la BCE de faire ce que vous demandez, à savoir racheter directement la dette d’un des Etats membres…

Eva Joly. L’Europe s’est construite dans les crises. Nous sommes aujourd’hui dans une nouvelle crise: on en sortira par le haut ou l’Europe éclatera. Moi je fais le pari qu’on s’en sortira. Les textes traduisent des compromis à un moment T de l’histoire; il faut les faire évoluer.

Aurélie Trouvé. Mais êtes-vous d’accord que, pour cette autre Europe-là, on sera obligé de refonder les traités?

Eva Joly. C’est la pratique politique qui compte. La Suède a vécu comme une monarchie de droit absolu dans les textes, cela n’empêchait pas l’évolution des mœurs politiques. Devant la crise, il ne faut pas que nous nous arrêtions aux textes. Et c’est déjà le cas puisque la BCE a prêté à la Grèce…

Vous pensez donc que vous pourriez appliquer votre politique dans le cadre des traités, en faisant simplement évoluer leur application et en changeant les majorités politiques dans les Etats membres?

Eva Joly. C’est la realpolitik qui doit prévaloir. Et donc le rééchelonnement de l’endettement de pays de la zone euro.

Aurélie Trouvé. Mais vous savez qu’il y a une cour de justice européenne qui s’appuie sur ces traités. Ils sont malheureusement une colonne vertébrale de l’Union européenne. Alors certes, à un moment, on a été obligé de forcer les choses, y compris de violer certains articles, mais cela ne résout rien au fond. Il y a des articles, comme sur la libre concurrence, qui empêchent toute politique sociale au niveau européen, et qui gravent l’Europe dans le néolibéralisme.

Eva Joly. Moi je pense que l’urgence est la situation de la zone euro. Et c’est à partir de cette urgence que nous allons construire l’Europe de demain. C’est mon espoir, notamment avec une politique commune à la zone euro, et donc une politique fiscale et un contrôle budgétaire communs. L’Europe a toujours avancé dans la douleur.

Le débat sur la gouvernance a justement été relancé ces dernières semaines. Jean-Claude Trichet vient de proposer un ministre des Finances de la zone euro. Qu’en pensez-vous?

Eva Joly. C’est une bonne idée, mais pour gérer quel budget? Il n’y a, pour le moment, pas de ressources propres européennes, ou alors elles sont très faibles. Il faut un budget européen de l’ordre de 5% des PIB nationaux (contre 1% aujourd’hui, ndlr).

Aurélie Trouvé. Avec l’élargissement, la commission et le parlement ont demandé une augmentation de la contribution des Etats membres. La France et l’Allemagne ont dit non. On est dans une régression de l’Europe politique et une avancée de l’Europe du libre-échange. Je souhaite vraiment que les partis de gauche, et EELV, le disent clairement.

Eva Joly. Nous pensons que la solution est européenne et que c’est en créant des barrières universelles à l’accès au premier marché solvable du monde que nous allons sauver l’Europe sociale. Je pense notamment à l’idée de limiter l’accès au marché européen à des produits venus d’usines qui respectent les règles de l’OIT. C’est-à-dire que les produits chinois ne sont acceptables que s’ils respectent les règles internationales sur le travail.

Aurélie Trouvé. Mais le problème dans le libre-échange, c’est que notre premier compétiteur aujourd’hui est l’Allemagne. Or c’est le pays qui fait sans doute le plus de dumping social par rapport au reste de l’Europe. Bien sûr, Attac n’est pas pour remettre des frontières nationales à tous les pays, mais le plus important est d’harmoniser vers le haut les normes sociales au niveau européen. C’est vrai qu’Angela Merkel a eu une position assez courageuse sur la mise à contribution des créanciers privés pour la dette grecque. Mais, dans le même temps, l’Allemagne porte une responsabilité lourde dans la situation actuelle: elle a une politique depuis le début des années 2000 de dumping social pour exporter, et a ainsi créé un déséquilibre total avec les pays latins. Elle est d’ailleurs aujourd’hui réfractaire à une harmonisation sociale vers le haut.

Eva Joly. C’est une revendication importante. Mais je maintiens que l’Allemagne ne viole pas les règles de l’OIT! Il faut ces barrières à l’entrée sur le marché européen. Par la suite, nous sommes évidemment pour avoir des textes instaurant des minima sociaux.

Aurélie Trouvé. Mais, en Allemagne, dans le secteur agricole, il y a des saisonniers, notamment à l’Est, qui n’ont pas de Smic, et sont payés 300 ou 400 euros par mois. Les différences de conditions sont énormes au sein de l’Europe. Comment fait-on?

Eva Joly. Il y a la nouvelle politique agricole commune en 2013, qui va aller vers une agriculture plus paysanne. Nous réglerons l’ensemble des problèmes à ce moment-là.

Une partie de la crise de la zone euro est pourtant liée à ces déséquilibres entre les pays, avec des modèles de développement qui entrent en concurrence, avec une Allemagne tournée vers l’export qui profite des politiques d’incitation à la consommation de ses voisins. Pensez-vous qu’il faille rééquilibrer ces modèles? Et, si oui, au nom de quoi peut-on le demander aux Allemands?

Eva Joly. Les normes européennes, il n’y a que cela de vrai. Sur le travail, sur les retraites, les congés maternité… Pour cela, encore une fois, il faut que les pays élisent des députés qui ne pensent pas que le tout-libéral soit la solution. L’Europe reflète aujourd’hui l’opinion dominante.

Aurélie Trouvé. C’est au nom du transfert de richesses que l’on peut demander une réorientation de l’économie allemande. Ces plans d’austérité en Allemagne, en Grèce ou en France, sont un transfert de richesses sans précédent des salariés, retraités et chômeurs vers les grands détenteurs de capitaux. Malgré la prise de conscience générale des méfaits du néolibéralisme, on a une avancée concrète, sans précédent, de ce néolibéralisme. On voit d’ailleurs des mouvements de plus en plus importants au niveau européen – et je pense que cela va continuer –, mais mon interrogation porte sur les partis européens. A quand une prise de position du groupe Verts ou du Parti socialiste européen sur une annulation partielle de la dette grecque ou au moins un arrêt des plans d’austérité? A quand la revendication d’un Smic européen?

Eva Joly. Ce sont des revendications que portent les Verts européens. Nous faisons ce que nous pouvons. Nous déterminons l’ordre du jour de beaucoup de commissions. Par exemple, celle que je préside sur le développement a fait un grand travail sur la lutte contre les paradis fiscaux. Vous me direz qu’il n’y a certes pas encore de résultat concret mais le parlement européen a voté l’idée que les règles de l’OCDE sont insuffisantes, et nous allons maintenir la pression.

Je suis d’accord avec vous pour dire le transfert de richesses des salariés vers les détenteurs du capital est devenu insupportable et que c’est un vol de richesses, notamment pour le secteur bancaire. Après 2008, et le plan de sauvetage qui a coûté aux contribuables du monde entier 2.000 milliards de dollars, pourquoi n’avons-nous pas réussi à endiguer la spéculation? On se réveille en 2011 avec exactement les mêmes problèmes, c’est-à-dire les mêmes cercles d’influence et les mêmes lobbies qui empêchent la réglementation. Dans ce cadre, je prétends que nous, les Verts, sommes parmi les seuls à porter la revendication de l’intérêt général.

Mais pensez-vous alors qu’il soit lisible que le groupe Verts vote trois parties sur six du «paquet gouvernance» au parlement européen?

Eva Joly. C’est une question de crédibilité. Nous étions profondément engagés dans les négociations. On a obtenu des avancées. Si in fine on ne vote pas, ou contre, on perd toute influence pour négocier. Cela a été un arbitrage difficile mais on a fait ce qui paraissait le mieux pour l’intérêt général.
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Comment expliquez-vous, pour finir, que le débat français soit aussi peu tourné vers la crise de la zone euro, dont un pays membre est menacé de faillite sous deux semaines?

Aurélie Trouvé. Pour nous, c’est une catastrophe que la représentante du PS, Martine Aubry, se félicite de la nomination de Christine Lagarde au FMI, que le PS n’ait quasiment rien à dire sur la position de Nicolas Sarkozy sur la crise grecque, et qu’il n’ait rien à proposer en termes d’annulation partielle de la dette ou d’audit.

Aujourd’hui, la réponse se trouve en grande partie dans les mouvements populaires et citoyens. Il y a des mouvements d’indignés partout en Europe; il n’y a jamais eu autant de mobilisation au Royaume-Uni. D’ailleurs, pour eux, le mouvement des retraites en France a aussi été un signal. Nous devrions tous demander un audit pour l’annulation partielle d’une dette illégitime, dans un grand collectif d’associations, syndicats, réseaux citoyens, partis politiques, etc.

Eva Joly. A Londres, le premier paradis fiscal du monde, on a vu des manifestations devant les compagnies dont les maisons-mères sont justement dans des paradis fiscaux. C’est dire la prise de conscience du rôle de l’impôt et de ce système absolument épouvantable qui ne pèse que sur les pauvres et les classes moyennes.

En France, en revanche, le débat sur les questions macroéconomiques est consternant. Nous ne discutons pas des vraies questions. Tout tourne autour de petites phrases… Pourtant, quel intérêt?

Comment l’expliquez-vous?

Eva Joly. A cause de la tentation démogagique. On ne peut expliquer ces questions en 20 secondes. Or il n’y a que les slogans qui paient.

Aurélie Trouvé. Il y a un slogan tout simple: «les peuples avant la finance». C’est vrai que c’est très compliqué à expliquer, mais il faut des slogans simples. Et du temps. Il n’y a jamais eu de changement politique dans l’histoire sans un mouvement populaire. Et vice versa. Le néolibéralisme a mis des décennies à se construire. Nous aussi , nous mettrons certainement des dizaines d’années à imposer une système alternatif. Souvent les gens sont un peu désespérés, mais, au niveau idéologique, on a fait des progrès.

Mais, Eva Joly, comment pouvez-vous imaginer un contrat de gouvernement avec le PS tel que le décrit Aurélie Trouvé?

Eva Joly. Cette évolution, c’est la «Tonyblairisation» du PS. C’est justement pourquoi EELV est indispensable. Nous portons l’avenir et les vraies révolutions. Il faut qu’EELV soit fort pour imposer au parti socialiste ces nouvelles visions.
Eva Joly – Aurélie Trouvé: la crise grecquepar Mediapart

Entretien face à la crise grecque (Mediapart) | Eva Joly.