L’idée d’un label pour l’entreprise sociale défendue par le Mouves – un label défini par des pratiques et allant au-delà de l’affirmation des statuts d’économie sociale – a été reprise en 2010 par le rapport Vercamer, le rapport parlementaire mandaté par le premier Ministre pour développer l’économie sociale et solidaire.
Cette idée est actuellement en cours d’approfondissement au sein de la Commission Label du Conseil Supérieur de l’Economie sociale et solidaire (ESS), instance qui rassemble les pouvoirs publics et les acteurs du secteur, en charge de l’élaboration des politiques publiques en faveur de l’ESS. Ce Conseil se réunira à nouveau le 18 octobre 2011, sous l’égide de Mme Bachelot, Ministre des Solidarités.
Cette idée est également à l’étude au niveau européen, dans le cadre de la Communication sur l’entrepreneuriat social que prépare la Commission pour l’automne 2011, sous l’égide du Commissaire européen Michel Barnier, en charge du marché intérieur et des services.
Nous revenons ici sur les différents enjeux et les propositions du Mouves sur le sujet.
Pourquoi un label ?
Etre lisible et visible, audible et compris hors de l’ESS. Instrument de reconnaissance et de crédibilité auprès des consommateurs, des acheteurs et investisseurs publics et privés.
Mesurer le poids et impact (nombre, salariés…) des entreprises sociales, développer une capacité d’observation et d’analyse de leurs pratiques (modèle économique, gouvernance…).
Pouvoir fonder des politiques publiques en faveur des entreprises sociales (contreparties).
Eviter les récupérations et dérives (social washing).
Quels critères ?
Le Mouves propose une vision de synthèse dynamique pour les « entreprises sociales et solidaires ». Une vision basée sur les pratiques, qui cherche à concilier au mieux l’approche par les statuts et celle par les finalités.
L’approche proposée, à affiner, approfondir et amender avec l’ensemble des acteurs du secteur, est articulée autour de 4 grands critères, simples, accessibles, appropriables dans et hors de l’ESS, et pouvant justifier des contreparties positives :
- Projet économique ou entrepreneurial
- Finalité sociale ou sociétale
- Lucrativité nulle ou limitée
- Gouvernance démocratique ou participative
Le premier critère porte sur le modèle économique de l’entreprise, le second sur son but, le troisième sur son rapport à l’argent et au profit, le dernier sur son rapport au pouvoir.
Chaque critère peut être évalué à travers un faisceau d’indicateurs détaillé dans le document de synthèse sur les critères d’attibution du label entreprise sociale et solidaire proposé par le Mouves au travaux du Conseil Supérieur de l’ESS.
Exemple sur le critère « finalité sociale ou sociétale » :
Critère Faisceau possible d’indicateurs
Finalité sociale ou sociétale Finalité sociale ou sociétale : réponse à l’intérêt général, aux besoins sociaux mal/peu satisfaits, épanouissement et émancipation des personnes, protection de l’environnement
Finalité sociale ou sociétale (dont environnementale), inscrite dans l’objet social ou le pacte d’actionnaires. Peut se traduire de manière plurielle :
- par les bénéficiaires: personnes fragilisées (revenu, emploi, territoire…), clients sociétaires (mutuelles…).
- par les salariés : personnes fragilisées (insertion, handicap…), salariés sociétaires (ex. : Scop),
- par l’offre : à caractère social, sociétal ou environnemental, attestés par un label ou certification (ex.: Max Haavelar, AB…).
Existence d’outils et d’indicateurs pour évaluer cette finalité dans la durée.
…Il y a autant « d’entreprises sociales et solidaires » que de possibilités de croisements de ces 4 critères.
Cette approche, de type « référentiel », s’inscrit dans une vision ouverte, souple, à géométrie variable.
Il est possible et nécessaire d’identifier un socle minimum de fondamentaux, définissant la base de labellisation et d’appartenance, via la vérification d’indicateurs indispensables pour chacun des 4 critères (correspondant par exemple à une notation d’au moins 5/10).
Pour autant, la labellisation ne doit pas se limiter à une photographie statique mais aussi inciter l’entreprise à s’engager dans une démarche de progrès de ses pratiques, sur chacun des axes.
La mise en œuvre du label doit alors prévoir un travail de benchmark continu (études de cas, bonnes pratiques…) pour établir progressivement une expertise, une « jurisprudence » sur le sujet, notamment pour les critères délicats à objectiver (ex. : finalité sociale ou sociétale).
Cette approche peut et doit enfin s’articuler aisément, de manière cohérente, avec les nombreux agréments et certifications existants :
- Agrément entreprise solidaire
- Agrément d’utilité sociale de la Scic
- Conventionnements Insertion par l’activité économique, Entreprises adaptées, etc.
- Reconnaissance d’intérêt général pour les associations
- Conventionnements sectoriels (services à la personne, tourisme social…)
- ISO 26 000 (sur la responsabilité sociale des organisations)
- …
Quelles modalités de mise en oeuvre ?
A la lumière des expériences existantes en France et à l’étranger, les entreprises en théorie concernées par ce label (plusieurs milliers d’entreprises a minima) ne l’adopteront avec succès, que s’il y est associé des mesures incitatives, des contreparties, des avantages.
Ces contreparties pourraient se construire autour des 4 axes suivants, chacun d’eux étant illustré par de premières pistes de travail :
- Révéler de nouvelles opportunités de marché. Exemples : accès préférentiel aux marchés publics, au niveau national et territorial, aux 100 M€ issus du Grand emprunt, aux investissements des particuliers dans le cadre loi TEPA / ISF, etc.
- Favoriser la R&D et l’innovation. Exemples : être éligible à des aides Oséo et Crédit Impôt Recherche dans le cadre de leurs dépenses d’innovation et de R&D sociale.
- Progresser dans « la preuve » de leur impact. Exemples : avoir accès à un fonds d’ingénierie permettant de travailler le « langage de la preuve » (retour social sur investissement, mesure de la performance sociale…)
- Progresser dans ses pratiques, rechercher l’exemplarité. Exemples : avoir accès à un fond d’ingénierie permettant de progresser en matière de responsabilité sociale (lien avec ISO 26 000).
Les collectivités territoriales, notamment les Régions, ont un rôle clé à jouer dans les contreparties du label. De nombreux élus en charge de l’ESS ont d’ailleurs manifesté leur intérêt pour cette démarche de labellisation. Ils y travaillent déjà, notamment pour affiner leurs critères d’octroi d’aides publiques ou de marchés publics.
Enfin, le Mouves propose que ce label soit gérée sous forme d’une entreprise sociale à gouvernance multi-parties prenantes (collèges). En effet, dans un contexte de marge de manœuvre financière très limitée pour l’Etat, la mise en œuvre du label ne peut reposer sur un financement public. Elle doit être fondée sur un modèle économique viable, basé d’abord sur des ressources privées.
Pour aller plus loin
Synthèse sur les critères et indicateurs proposés par le Mouves, avril 2011.
Présentation de premières propositions sur les modalités de mise en œuvre d’un label (gouvernance, modèle économique et offre, etc.)(octobre 2010)
Note du CEGES sur les plus-values de l’économie sociale et solidaire, octobre 2010
Vers un label « Entreprise sociale et solidaire » // Mouvement des entrepreneurs sociaux.