Coup de cœur sur papier glacé, coup de foudre au toucher, la collection work in progress de Benoît Rafhay est un délice de mode que l'on a envie de consommer sans modération. Tout juste diplômé de Francisco Ferrer, le jeune homme au visage encore juvénile et au look hors norme totalement assumé évite avec habileté tous les clichés estudiantins pour nous offrir des créations modernes, portables et dignement professionnelles. Une matière phare : le cuir. Une époque revisitée : les années 80. Le ton est donné. Pourtant, on pourrait croire qu'il a plongé sa main directement dans la boîte de Pandore : du cuir !? Certainement l’une des matières les plus difficiles à travailler ! Autant ça peut être démentiel si on le maîtrise, autant il est extrêmement difficile de le dompter. Et quand c'est la chute, c'est la rue d'Aerschot qui sourit. Les 80's ?! Vu et revu ! Il fallait posséder une ingéniosité ultra inventive pour sortir de cette torpeur angoissante, une époque qui a déjà été rognée jusqu'à la moelle par maintes et maintes grandes maisons. Mais là est la surprise ! Un essai transformé, avec une modernité monstre qui s'inscrit complètement dans l'ère du temps. Son cuir, importé d'une tannerie éthique finlandaise, respire une douceur digne des plus beaux daims. Quant à ses coupes, elles gardent cet esprit cher à l'âge d'or de Grace Jones avec une focalisation sur les épaules, qui donne un sens tout particulier à l'allure. Notons aussi ce traitement quasi géométrique de la couleur qui n'est pas sans rappeler un certain Thierry Mugler. Mais alors, qu'est-ce qui fait la différence avec Benoît Rafhay ? C'est grâce à une réflexion simple mais indispensable et à une conception des détails de structure que Monsieur Rafhay va complètement changer l'interprétation de la silhouette : il relaie les chichis et autres fioritures au banc des accusés, les épaules sont donc bien là mais elles sont simplement appuyées, pas exagérées. Sans oublier le plus important : une épure chère à Madame Philo, plus que présente et tellement actuelle. Les silhouettes sont aériennes, elles s'inspirent des 80's sans forcer le trait. Le fantôme d'Eli & Jacno plane, les synthétiseurs jouent une new wave dark, voire carrément gothique, mais simplement en fond. Il est passionné par cette époque, certes, mais il a compris qu'il ne fallait pas en faire le point central. Alors se dégage une sorte de sobriété chic sur fond de romantisme dark. Tout ces aspects s'accordent harmonieusement avec un classicisme épuré et très soir qu'une clientèle spécifique mais pas exclusive s'octroiera sans souci. À l'instar d'un Rick Owens, Benoît Rafhay propose une mode ultra caractéristique, peut-être un peu à l'écart mais seulement dans l'approche, car ce qu'il a compris, c'est que ses vêtements doivent d'abord être créés pour être désirés. Accessible, portable et donc vendable, original et pourtant surfant sur les tendances de ces dernières années, Maestro Rafhay fait cohabiter sous le même toit les envies des modeuses les plus blasées avec ses passions, sans concession, tout ça avec panache. On verrait bien Florence Welch, Chloë Sevigny et autres arty's à la recherche d'une originalité précieuse porter ses créations sans rougir. La New-Yorkaise en sera certainement plus friande que la Parisienne, mais comme à l'image de son dernier job chez Henrietta Ludgate, c'est la Londonienne qui va péter les plombs pour son design et danser en Rafhay jusqu'à épuisement dans les nuits chaudes de l'East London. Dans tous les cas, il a sans nul doute un bel avenir devant lui ! Ce qu’il reste d’intéressant maintenant, c'est de voir quelle tournure, quelle évolution va prendre son imaginaire autant que son travail de coupe. Porterons-nous un conceptuel Benoît rivalisant avec un Monsieur Owens ou marcherons-nous d'un pas décidé comme les filles soir de Balmain ? Certainement rien de tout cela, car la surprise autant que le risque sont maintenant une signature évidente du look Rafhay. So... to be continued. Bien à vous.