Y a des publies comme ça, que je me demande comment vais-je les entamer, parce que le sujet est énorme, parce qu'il y a copieusement velu à dire dessus, parce qu'il y a tellement de sources d'information à lire, à synthétiser... Y a des publies comme ça, que je repousse, repousse, mais il arrive toujours un moment où il faut que je les entame, sinon mon blog ne serait pas complet (et il ne le sera malheureusement jamais), ou disons plutôt qu'il y manquerait un (des) sujet(s) essentiel(s). Et c'est pas cool pour un blog qui se veut être la crème des blogs... pardon, qui est la crème des blogs. Aussi je me suis lancé, un jour, d'au milieu du mois de février 2011, tout en me disant que cette publie en 12 actes allait sans doute me prendre des plombes, de longues plombes bien interminables avant que je ne puisse la publier. Et je ne vous parle pas des photos à trier, travailler, parce que pour une fois, l'on pouvait photographier (alléluia) et croyez-moi, j'ai fait dru sur ce sujet (plus de 250 photos). Vous avez même droit à 2 séries de photos. Une première série d'octobre 2007, avec les échafaudages à l'intérieur, et une seconde série d'août 2010, avec les échafaudages à l'extérieur (on voit bien la différence).
Aujourd'hui donc, je vais vous parler de la fabuleuse église consacrée à St Jean (de) Népomucène, qui se trouve sur le monticule de la montagne verte ("Zelená Hora", chaque second monticule en Tchéquie se nomme la montagne verte, c'est comme les troquets en Alsace, chaque second troquet s'appelle à l'Arbre Vert), en la commune de "Žďár nad Sázavou", et que l'on doit au fabuleux génie architectural "Jan Blažej Santini-Aichel", dont je vous avais déjà parlé à propos de quelques de ses chefs-d'oeuvre comme "Kladruby", "Plasy", et "Mariánská Týnice", et pour lequel je développe une admiration ineffable au fur et à mesure que je découvre ses quasi-divines créations (je vous préviens, cette publie va comporter bon nombre de superlatifs élatifs et logieux, tellement j'en suis dingue du Jean-Blaise). Mais commençons par les protagonistes, histoire de vous familiariser avec les acteurs de la divine publie.
St Jean (de) Népomucène (entre 1340 et 1350, vers 4 heures moins quart - 20 mars 1393)
Alors le concernant, vous pouvez lire les détails dans ma publie sur "Kladruby", aussi je ne vais vous faire que quelques rappels nécessaires pour bien comprendre l'histoire de l'église à icelui consacrée. Jean (pas encore saint) fut brutalement assassiné pour raison politique fin XIV ème siècle. La légende religieuse raconte que non, que ce n'était pas politique, mais que le confesseur de la reine (Jean) avait refusé de déballer la confession lubrique d'icelle à son mari le roi (histoire de cocuterie), lequel le fit torturer, puis noyer afin qu'il dise tout (une fois mort). Mais Jean ne dit rien (même vivant), et sa langue restée dans sa bouche est devenue le symbole de sa foi, de sa force, et de son courage. La légende raconte que lorsque son corps putride fut retrouvé par les pêcheurs sur les berges de la "Vltava, une couronne de 5 étoiles brillantes auréolait sa tête boursouflée (des mouches ouais, pas des étoiles). En 1719, l'on découvrit dans son cercueil, lors de l'exhumation, un bout de quelque chose en matière humaine, et de suite, le monde fut persuadé qu'il s'agissait de la langue du Jean (une étude anthropologique menée en 1973 prouva qu'il s'agissait d'un bout de sa matière cérébrale, et pas de sa langue). En 1721, Jean fut béatifié par le pape, et en 1929, il fut canonisé par le pape aussi, mais un autre. St Jean (de) Népomucène fut alors adoré de par les curetons comme de par les laïcs, et sa gloire se répandit bien au-delà des frontières de la Bohême.
Jan Blažej Santini-Aichel (3 février 1677 - 7 décembre 1723)
Bon, globalement, la biographie, vous pouvez la lire sur Wikipédia. A nouveau, ça vous dit l'essentiel, mais c'est laconique au possible, c'est partiellement pompé sur la version tchèque, et c'est sans sel ni poivre, sans goût, fade en un mot. Sinon en vachement plus mieux, vous pouvez encore lire sa biographie rapide dans la même publie que le St Jean (de) Népomucène: "Kladruby". Et juste pour compléter, j'aimerais encore signaler qu'aujourd'hui, de nombreuses oeuvres sont attribuées à Jean-Blaise, parfois à raison, mais parfois à tort. En fait, il est relativement difficile d'en affirmer la paternité avec certitude, lorsque les documents d'époque ne sont plus. Ceci-dit, parmi cette soixantaine/centaine dont on n'est pas toujours sûr, il est des édifices qui ne font aucun doute, et parmi ceux-là, une dizaine est considérée parmi les experts mondiaux comme des chefs-d'oeuvre architecturaux de son époque. Et notre église en la montagne verte en fait partie. C'est une des réalisations du maître des plus abouties, construite alors que Jean-Blaise oeuvrait au pinacle de son art si caractéristique: un style personnel et baroque inouï, pimenté d'une pincée de gothique (on parle en Tchèque de baroque gothisant). Malheureusement, il décéda prématurément en décembre 1723 à l'âge de 46 ans, de qu'on ne sait pas quoi. Selon ses derniers souhaits, il fut enterré dans le petit cimetière près de l'église St Jean-Baptiste en la garenne ("kostel sv. Jana Křtitele v Oboře"), dans le quartier italien de la rue italienne (aujourd'hui "Šporkova [Jánský vršek]"). L'église fut désacralisée par Josef II en 1784, achetée aux enchères par le sonneur de cloches près de St Nicolas (apparemment un métier qui paye bien), puis transformée en maison d'habitation, aujourd'hui au numéro 322/3 de cette rue ("Šporkova"). Des fouilles menées en 1986 mirent à jour les restes de notre église dont l'origine serait une rotonde de la mi-XII-ème siècle. Quant au cimetière, il fut transformé en jardin, sans que l'on ne connaisse le sort des ossements de "Jan Blažej", à l'instar des "Jíljí Sadeler", "Jan Antonín Quittainer" ou "Anselmo Lurago", enterrés là pour tenir compagnie à Jean-Blaise. Aujourd'hui, une croix et une plaque commémorative apposée sur le mur de l'ancien cimetière et portant mention "ZDE NA BÝVALÉM HŘBITOVĚ U SV. JANA V OBOŘE JE POCHOVÁN MALÍŘ A RYTEC JILJÍ SADELER 1570-1629" en rappellent l'existence.
Sinon pour ceux qui seraient intéressés, ils trouveront dans poi.cz une liste complète des oeuvres de l'architecte "Santini", avec les coordonnes GPS (à mettre dedans, le GPS). Les explications sont en Tchèque, ok, mais je doute que vous ne trouviez quelque chose d'aussi complet en Français (et si oui, faites-moi savoir où c'est). Pour info, ce site est extrêmement bien fait, extrêmement complet, et surtout extrêmement gratuit, contrairement aux sites identiques extrêmement français. Il contient tout ce qui pourrait vous intéresser en République Tchèque (et un peu ailleurs aussi, mais vraiment un peu), en passant par les radars fixes comme de tronçon ou mobiles (inutiles), les attractions touristiques... enfin tout ce que les possesseurs de GPS connaissent sous l'appellation POI, ou "points d'intérêt" en Français.
Václav Vejmluva (19 septembre 1670 - 17 mars 1738)
Le troisième larron est l'instigateur de la construction, l'abbé du monastère de "Žďár nad Sázavou", localisé (le monastère) juste en dessous du monticule de notre sujet. Né dans une famille de brasseur (son papa était malteur dans la brasserie cistercienne du monastère de "Staré Brno"), ce grand couillon de "Václav" manifesta nettement plus d'intérêt pour la religion que pour la bière (l'andouille de compétition). Ainsi à l'âge de 18 ans, il entra comme novice au monastère de "Žďár", où il ne resta même pas un an: le 19 octobre 1689, un terrible incendie ravagea le monastère comme l'église, et par manque de logement comme de travail, les moines durent temporairement s'exiler dans les monastères avoisinants. "Václav" n'y perdit pas au change, puisqu'il fut affecté à la 19 ème compagnie des prieurs à genoux, dans la prodigieuse abbaye de "Plasy". Ainsi en 1690, il fit ses voeux de religion et exprima sa profession de foi cistercienne auprès du fameux abbé "Ondřej Trojer". Ensuite il entra au séminaire à Prague, fit des études de croyance en dieu tout puissant, en la vierge Marie virginale et en Jésus messie salvateur, pour finalement et une fois tout appris, revenir au monastère de "Žďár nad Sázavou" alors presque reconstruit. Là, il devint économe, intendant, et bras droit secrétaire de l'abbé local. "Václav Vejmluva" s'attela si bien à sa tache, avec un tel zèle doublé d'une réelle compétence, que l'abbé le proposa tout naturellement comme son successeur à la tête du monastère. Lorsqu'en 1705, icelui rendit son âme à dieu qui lui avait prêtée, "Václav Vejmluva" fut logiquement élu par la commission, ordonné par l'évêque de "Olomouc", et confirmé à son poste par l'empereur d'Autriche, tout ça à l'âge de 35 ans. Sous sa gérance, l'abbaye prospéra au point qu'elle eut compté en son temps le maximum de moines de toute son existence. En 1735, eurent lieu les célébrations des 30 ans de règne du "Václav", comme des 500 ans de la fondation du monastère de "Žďár". En fait, entre 1232 et 1234, une première poignée de moines vint de "Osek" à "Nížkov" (10 km à l'Ouest de "Žďár nad Sázavou") afin d'y fonder un nouveau monastère et défricher les environs pour les rendre exploitables par le gueux. Les ensoutanés eurent à peine le temps de s'installer dans du provisoire, alors désigné sous l'appellation "Cella sancti Bernardi", et ils eurent à peine le temps de construire une église en bois (en 1235?), qu'ils furent rappelés à "Osek" par leur abbé, lequel trouvait le coin trop inhospitalier pour ses frocards: un des moines aurait eut une relation avec un ours, avant de se faire bâfrer par une meute de loups, jaloux. Les cisterciens remirent le couvert en 1252, en s'installant à nouveau dans du provisoire alors désigné sous l'appellation "Fons Beatae Mariae Virginis", mais avec nettement plus de succès cette fois-ci (l'ours étant décédé) puisque ce peuplement sera le vrai départ du monastère de "Žďár nad Sázavou". Mais retour au sujet. Donc en 1735, eurent lieu les célébrations qui marquèrent le début du déclin. Le 9 mai 1737, éclata un incendie d'origine criminelle inconnue qui détruisit une grande partie des édifices, et tout particulièrement la bibliothèque que l'abbé bibliophile avait mis des années à garnir d'ouvrages introuvables. Trois jours plus tard, abattu par ce tragique évènement, "Václav Vejmluva" alors âgé de 67 ans reçut une apoplexie dans la tête. Diminué physiquement comme psychiquement, l'abbé expira moins d'un an plus tard, le 17 mars 1738.
Et maintenant l'histoire de l'église de St Jean (de) Népomucène sur le vert monticule à "Žďár nad Sázavou".
Prologue
La première rencontre entre l'abbé et l'architecte se serait tenue en 1706, dans l'auberge d'à l'arbre vert, lorsque le grand amateur de beau "Václav Vejmluva" expliqua au grand créateur de beau "Jan Blažej Santini" sa vision de l'architecture, ainsi que ses besoins pour le monastère. Les 2 bougres se tombèrent mutuellement dans les yeux, et après 14 bières envoyées dans le fond du goulot, l'architecte reçu sa première commande de l'abbé: la réfection intérieure de l'église monacale comme du cloître. Bon, je vous passe les détails parce que je prévois, un jour, vous en faire une publie complète, sur le monastère de "Žďár". Quoi qu'il en soit, le génie s'en sortit génialement, et en 1709, l'abbé lui confia la construction du cimetière d'en bas ("Dolní hřbitov") sur lequel à nouveau je ne vous dis rien, parce que je prévois, un jour, vous en faire une publie complète, sur le cimetière d'en bas. Ne cessant de briller par son insolent talent, Jean-Blaise reçut encore d'autres commandes "mineures" après 1709, comme l'hospiçàvieux près du monastère, ou encore l'auberge aux 3 étoiles ("U tří hvězd"). Aucun de ces 2 édifices ne survécut jusqu'à aujourd'hui, et d'ailleurs on n'est même pas totalement sûr qu'ils soient de Jean-Blaise. La paternité lui a été attribuée sur la base d'analyses et de dessins d'époque, en particulier d'une gravure à l'eau forte de 1634 appartenant aux Mansfeld (pour vous dire si c'est bancal). Et pour l'anecdote, le nom du bistrot supposé du Jean-Blaise, aux 3 étoiles, n'est sans doute pas une coïncidence. Non seulement les étoiles furent une obsession chez not' boug' (cf. plus loin), mais de surcroit il naquit dans la maison dite "aux 3 étoiles" à Prague, dans le quartier de "Pohořelec". Mais revenons à notre sujet.
Et donc l'abbé comme l'architecte s'appréciaient. L'un avait le pognon, l'autre le talent. Pis arriva avril 1719, lorsqu'en exhumant la dépouille de Jean (de) Népomucène, l'on découvrit ce que l'on pensait être sa langue. L'abbé en fut tout secoué, en lisant la gazette, s'imaginant le miracle du tonnerre de dieu, et téléphona immédiatement à Jean-Blaise, comme quoi qu'il fallait vite vite qu'il vienne à "Žďár", au troquet d'à l'arbre vert, qu'il y avait un vrai boulot à la clé. En quelques bocks de bière, l'un avait expliqué la vision du projet à l'autre, et de par leur longue complicité, ils tombèrent vite d'accord (sauf sur le prix). L'abbé avait tout simplement l'intention de construire une église à pèlerins, dédiée à la langue de Jean (de Népomucène). "Et paf, tiens, vas-y Jean-Blaise, fais-moi une propale en couleur" avait-il dit, le moine. Et après la gueule de bois, en quelques mois (fin septembre 1719, soit en 5 mois), Jean-Blaise dessina un miracle. Un miracle unique, personnel, hors sentier battu architectural, hors standard religieux, hors norme commune. Un édifice inouï basé sur la symbolique de St Jean (de Népomucène), sur les attributs de sa langue et des étoiles sur sa tête, enfin z'allez voir plus loin, dans la partie "symbolisme".
Prélude
Bon, alors on avait les plans de l'église du tonnerre de d'là, et maintenant fallait lui trouver un emplacement digne de sa splendeur, emplacement suffisamment vaste afin de pouvoir accepter les pèlerins que l'abbé voyait déjà accourir des 4 coins du monde entier. Le choix se porta tout naturellement sur le monticule dit la forêt noire ("Černý les"), de par sa ressemblance noire avec son homonyme "Schwarzwald". L'endroit était touffu, pentu d'accès, et planté d'arbres d'essences diverses. Qu'à cela ne tienne, hop, on déforêsta la forêt, on la repeignit, et de forêt noire, elle devint montagne verte, ce qui n'est pas sans rappeler le lieu de naissance de St Jean, près de "Nepomuk", où petit, il fut mordu au gland par un écureuil alors qu'il s'en vadrouillait en forêt vêtu d'un flottant tricoté trop large à l'entrejambe par sa tata Berthe... Juste pour vous dire qu'il y en partout, des montagnes vertes, en République Tchèque.
Entrée en matière
Evidemment, la construction d'un tel chef-d'oeuvre ne s'improvise pas, aussi dès août 1719, l'on commença à mesurer, creuser, commander, entasser, réserver... Le 16 mai 1720 l'on posa la première pierre, et la pose des suivantes put commencer sous la direction du maître d'oeuvre "Jan Jakub Vogler z Kutné Hory", fidèle collaborateur du maître architecte et pigone (cf. les constructions de "Kutná Hora", "Sedlec", "Želiv"), au point que... Comme-dit au dessus, avant, avant qu'on ne sache, on attribuait la paternité de certaines oeuvres à Jean-Blaise, mais en fait elles n'étaient pas de lui, elles étaient de quelqu'un d'autre, d'un disciple (épigone): la maison à l'ange à "Kutná Hora", le château de "Třemošnice", ou la plus célèbre des oeuvres épigonées, la chapelle St Jean (de) Népomucène de "Běstvina". Toutes ces oeuvres furent attribuées à Santini, avant, quand on ne savait pas, mais maintenant on sait qu'elles furent dessinées et construites par "Jan Jakub Vogler", et pas par Jean-Blaise. Des, qui voulaient faire Santini quand ils seraient grands, il y en eut tout plein: "Donát Morazzi z Chrudimi", "František Benedikt Klíčník z Brna", "Matěj Ondřej Kondel z Plas", "František Witinhofer ze Žďáru" ou encore l'illustre "František Maxmilián Kaňka", qui finit par développer son propre style et s'imposer comme un des plus fameux architectes baroques après Santini et "Dientzenhofer". Bon, et j'en suis où de mon histoire... Ah oui...
Acte premier: érection
En 1721, le gros oeuvre était terminé. Il ne restait plus qu'à poser le crépis, meubler, peindre, graisser les gonds de porte, et hop, le 27 septembre 1722, inauguration officielle et bénissement. Mais attention, tout n'était pas terminé, et même le mobilier n'était pas forcément le définitif. En particulier les murs du "cloître", qui ne furent terminés qu'en 1740 (1735 selon une autre source). Alors par "cloître", j'entends ici "partie d’un monastère qui est faite en forme de galeries, avec un jardin ou un préau au milieu", genre le cercle rigolo tout autour de notre église, et pas "cloître", dans le sens "enceinte de maisons où logeaient autrefois les chanoines des églises cathédrales ou collégiales". Ce "cloître" terminé post mortem (cependant issu de la géniale conception de Jean-Blaise), avait pour fonction de protéger les pèlerins de la pluie, et leur offrir un abri pour la nuit. Vers 1722, Santini dessina encore pour l'abbé "Václav Vejmluva" les plans d'une académie (interna) pour jeunes gens de bonnes familles, puis ne sachant quoi faire d'autre, décéda prématurément (en 1723). Il n'eut jamais le plaisir de voir son chef-d'oeuvre entièrement terminé, et notre complexe à pèlerin continua son bonhomme de chemin sans lui.
Acte second: tout roule
Vers la mi-XVIII ème siècle, l'église St Jean (de) Népomucène (canonisé en 1729) devint particulièrement fréquentée, et l'on y organisa nombreuses fêtes religieuses profitant du vaste espace, de l'habitat gratuit pour la populace et des saucisses/frites fraîchement cuites par les moines du monastère adjacent. Et c'est tout pour l'acte second, parce que quand tout va bien, ça n'intéresse personne. Le peuple veut du crime, du sang, parfois du pognon, accessoirement du sexe, enfin un truc qui bouge, qui hurle, et qui soit assez con (avec du poil?) pour que le peuple puisse le comprendre (cf. télé-poubelle et reality-show).
Acte troisième: coup de théâtre
Le 16 juillet 1784, parce que le moine en cuisine avait mal éteint la friteuse, un incendie se propagea dans tout le complexe monacal, jusqu'à la verte montagne, emportant le toit de l'église comme du cloître. Et là eurent lieu des évènements plutôt curieux et singuliers qui méritent une attention particulière. En cette année, l'empereur Josef II en était à sa grande période de réformes, de désacralisation et de dissolution à tout va (cf. mes précédentes publies), mais curieusement, le monastère de "Žďár nad Sázavou" n'était pas sur sa liste noire. Et même mieux, informé du désastre, Zeppy alla jusqu'à proposer une aide financière d'état afin de restaurer le domaine cistercien. Second coup de théâtre: l'abbé "Otto Steinbach z Kranichštejna" (dernier abbé du monastère) refusa l'aide, et réclama même à l'empereur la fermeture du monastère, ce que Josef II accepta sans trop se faire prier. Alors face à un tel comportement, je me suis quand même livré à quelques recherches sur cet abbé Otto, afin de comprendre quelles purent être ses motivations à agir de la sorte? En fait "Thaddäus Nepomuk Bonifaz Otto Steinbach von Kranichstein" (de son vrai nom) avait de toutes autres ambitions que de faire gérant de monastère et côtoyer du moine toute sa vie. Après plusieurs années d'une vie monacale monotone, Otto s'était découvert la passion historique, et ne songeait qu'à une chose: devenir un historien renommé et laisser son nom en lettres d'or dans les annales de la postérité. Aussi à réception du décret impérial de cessation d'activité, Otto plia ses valises à la vitesse d'un pet sur une toile cirée, et prit la route de Prague (en otto?). Là, il devint rapidement membre à part entière de la "haute", de ceux qui sont dans le journal, membre de la sphère dite "autorisée". Son nom fut même cité en un temps comme président de l'académie des sciences, mais comme fort justement le prouvent les sciences, ce qui monte, doit redescendre. Et Otto redescendit aussi vite qu'il était monté. Face à sa féroce détermination de passer à la postérité (par les annales), il fit fi de toute retenue, au point de plagier, contrefaire et s'approprier iniquement des idées et des textes qui n'étaient pas siens (on parle en particulier d'une bibliographie d'Ernest Hemingway...). Il devint infréquentable pour les Praguois, et dut quitter la ville assis sur un âne. Les diverses sources en parlent parfois comme d'un savant rationnel, d'un prétendu plagiaire, d'un franc-maçon, d'un des fondateurs de l'historiographie morave ("Die mährische Geschichtsschreibung"). D'aucuns prétendent qu'il serait mort en 1791 à Vienne d'une mauvaise fièvre. D'autres affirment qu'il aurait feint un suicide afin d'échapper à ses créanciers après plusieurs scandales financiers d'envergure, et qu'il aurait péri bien plus tard, à Bonn. Bref, les diverses sources ("Diplomatische Sammlung historischer Merkwürdigkeiten", "Neuere Abhandlungen der Königlichen böhmischen Gesellschaft der Wissenschaften", "Biographisches Lexikon, Constant von Wurzbach", "Riegrův slovník naučný") ne sont clairement pas unanimes, aussi c'est fort certainement ma femme de ménage qui a raison: "son comportement d'aliéné n'a put avoir qu'une seule cause: une femme. Seule une femme pourrait expliquer un tel comportement déséquilibré empreint de stupre, de luxure, de perversion salace et de vice obscène." Amen.
Acte quatrième: déchéance
Après l'incendie et la fuite de leur abbé, les moines firent une quête auprès de la population afin de poser un toit sur les édifices. Une couverture temporaire fut posée, mais les édifices désacralisés étaient voués à l'abandon. Les objets de valeur furent inventoriés, puis disséminés en divers endroits, sinon vendus. En 1785, l'on servit encore une messe le jour de la St Jean (de) Népomucène, puis plus rien. La désolation s'installa en la montagne verte.
Acte cinquième: semblant de renaissance
A partir de 1791, les voix des habitants se firent entendre, comme quoi, ça serait sympa de re-sacraliser l'église, parce que mine de rien, avec les touristes, les pèlerins, ben ça faisait marcher le commerce local. Les autorités civiles acquiescèrent, et fort curieusement à nouveau, les autorités religieuses non. En fait, l'évêque "Jan Lachenbacher" de "Brno" ne voyait pas d'un bon oeil la réouverture d'un site concurrent qui allait cannibaliser la fréquentation des lieux de pèlerinage de Moravie du Sud. Forcément, le bougre y avait un intérêt certain: son beau frère avait l'exclusivité des saucisses/frites devant les édifices. Aussi le gouverneur en bon politique trouva un compromis qui allait contenter le peuple, comme l'évêque. Ok pour restaurer l'église, mais à condition de ne pas s'en servir comme lieu de pèlerinage, mais comme chapelle mortuaire, et d'y construire un boulevard des allongés autour. Que c'était à prendre ou à laisser. Les habitants essayèrent bien de négocier, le gouverneur s'en foutait franchement un peu, mais l'évêque était intransigeant. Ainsi il rajouta: "et si vous continuez à me les briser menues, j'vous fous l'église à terre et j'vends les matériaux aux enchères sur Internet". Devant ce "pas l'choix", les "qui voulaient sauver l'église" acceptèrent l'idée du cimetière, pis mirent la main à la poche. Grâce aux dons, l'on put entreprendre les nécessaires réparations entre 1792 et 1802: les toits de l'église et du cloître. Les anciens racontent qu'on resservait la messe en l'église St Jean dès 1800, et même que vers 1803, l'on y revit quelques pèlerins (mais sans saucisses/frites). Signalons aussi que suite aux hivers rigoureux de vers 1760, le cloître fut adapté en conséquence. Certains portails d'entrée furent murés, d'autres furent raccourcis en hauteur, et même les chapelles eurent droit à un rapetissement de leurs ouvertures.
Acte sixième: changements de propriétaires et calamités diverses
En 1826, le maréchal "Josef Vratislav z Mitrovic" achèta aux enchères le domaine, le monastère et les terres attenantes. Sensible aux doléances du curé local, il entama les réparations nécessaires, mais point pour longtemps. Il décéda en 1830, et selon son testament, le domaine, le monastère et les terres attenantes passèrent aux mains des "z Dietrichsteina", puis des "Clam-Gallas". Signalons maintenant quelques dates importantes, histoire de vous montrer à quel point on a du bol que ce chef-d'oeuvre soit toujours debout. En 1833, une tempête arrache le toit de l'église. En 1842, un orage met le feu à la charpente. En 1850, un autre orage met le feu au toit. Des réparations entièrement financées par les divers proprios eurent donc lieu entre 1857 et 1860 sur l'église, puis en 1862 sur le cloître. Mais parce que situé sur le sommet de la colline bien exposée, et donc soumis aux intempéries du vent, de la pluie, de la neige, de la grêle, des orages, des sauterelles, des grenouilles, des moustiques, des ulcères bourgeonnant en pustules... le complexe devait (et doit toujours) être retapé plus régulièrement que d'autres, à l'abri dans la plaine. A signaler encore que vers 1840, la colline fut entièrement reboisée par le proprio, et ce boisement dura jusqu'au début du XXI ème siècle, lorsqu'on déboisa la colline à nouveau afin de lui rendre son aspect d'antan, avant jadis. Vers 1885, l'église comme le cloître étaient à nouveau en mauvais état, et l'on dut remettre une couche de réparation. L'église reçut un peu, mais le cloître pas du tout. Et comme cette fois le financement venait de l'état, entre la paperasse, les autorisations, le déblocage des fonds... ben la première guerre totale vint frapper à la porte du monde.
Acte septième: les temps modernes
Après la naissance de la Tchécoslovaquie, l'on changea une partie des fenêtres qui prenaient l'eau. L'église était en mauvais état, et le cloître commençait franchement à se délabrer grave. La seconde guerre totale vint alors frapper à la porte du monde, suivie de la chienlit con-muniste, tout cela repoussant d'autant plus l'indispensable restauration. Signalons pour l'anecdote, qu'en 1955, l'on fit ouvrir la crypte principale du monastère (les fumiers con-munistes y cherchaient un trésor?), et l'on découvrit que le cercueil de l'abbé "Václav Vejmluva" avait été forcé dans le passé. L'histoire ne dit pas par qui, ni si les bolcheviques trouvèrent quoi que soit comme semblant de trésor. Bon, et l'on referma la crypte. Ce n'est qu'entre 1970 et 1980 que l'on fit les réparations les plus nécessaires, mais comme à l'accoutumée en ce temps de paix et de socialisme pour l'éternité aux côtés des camarades prolétaires soviétiques, le boulot fut bâclé, et exécuté selon les normes en vigueur pour la construction des blocs en béton qui poussaient alors dans les pays de l'Est. En 1994, le complexe fut inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, dont le site internet n'est clairement pas à la hauteur de l'organisation. Notez comme le monastère se trouve "près de la frontière séparant la Bohême de la Moldavie", et comme l'église fut "consacrée le 16 mai 1720". Pour un site qui devrait être une référence, sorry, ça pue le bâclé-Internet. Finalement, le cloître fut restauré entre 1996 et 2001, et l'intérieur de l'église entre 2001 et 2008, aussi vous pouvez comparer sur mes photos comment le plafond en particulier a été repeint avec la langue de St Jean (enfin repeint avec un pinceau, mais en forme de langue de St Jean). Et voilà, c'est tout pour la chronique de notre église. Passons à la suite.
Huitième acte: symbolisme
Et c'est là que vous allez voir à quel point Jean-Blaise était génial, sans dec, ça coupe le souffle. Santini était fasciné par les nombres, et vous retrouverez souvent dans ses constructions les suites 3, 5, 7, 12, 24, 36... Mais n'étant pas sectaire, il utilisait aussi les 6, 8, 10 parfois 9 (mais moins souvent). Les plans étaient dessinés au compas, utilisant des segments et des arcs de cercles dont les rayons étaient des multiples du module de référence (étant petit, Jean-Blaise avait reçu un spirographe pour son Noël). Dans le cas concret de notre église, le module de référence est le cercle (cf. le plan, sur mes photos), dans lequel est insérée une étoile à 5 branches au bout desquelles branches (chacune) se trouve une chapelle (de plan circulaire, mais de réalisation ovale). Et justement, le chiffre 5 est ici fondamental. Il représente les 5 étoiles (à 5 branches) au dessus de la tête de St Jean, les 5 lettres du mot latin "tacui" (je me suis tu, genre St Jean n'avait pas cafté au roi la confession de la reine), les 5 lettres du mot français "prout" (j'ai pété), les 5 plaies faites à Jésus, les 5 continents connus à l'époque, les 5 corps de Platon, les 5 doigts de la main droite (et gauche aussi, quelle coïncidence), les initiales de l'abbé "Václav Vejmluva" (V = 5 en chiffres romains), les 5 fois 10 CzK d'entrée réduite (seniors, étudiants)... Dans la construction, vous retrouverez le cinq dans les 5 chapelles, les 5 angelots comme les 5 étoiles (continents) sur le globe du maître autel, les 5 portails d'entrée dans le cloître (à l'origine) dans les 5 chaplettes mineures, les 5 chapelles majeures de plan pentagonal... Selon les sources originelles, le clocher de l'église était fourni de 5 cloches. Elles n'y seraient plus aujourd'hui. Notez aussi comme l'enceinte du cloître est formée de 10 arcs de cercles (2 fois 5), représentant les 10 doigts de pieds permettant d'entrer dans le complexe en franchissant 5 marches.
Aux côtés du chiffre 5, se trouve un autre chiffre important, le chiffre 3. Il symbolise la sainte trinité, les 3 rois mages, les 3 petits cochons, les 3 fois 10 CzK d'entrée super réduite (seniors de plus 75 ans accompagnés de leurs 2 parents, mineurs de moins 3 ans non accompagnés...). Dans la construction, vous retrouverez le trois dans les 3 angelots supportant le globe du maître autel, les 3 statues restantes sur le cloître (originellement 5). Et même mieux, savez vous à quel âge décéda St Jean (de) Népomucène? Non, pas à 3 ans, ni a 5 ans, mais à 53 ans, une combinaison de 5 et de 3. Enorme non? Ceci-dit, cette dernière coïncidence est tirée par les chevaux, parce que bien que l'on sache exactement la date de sa mort (le 20 mars 1393) grâce au rapport de police, l'on n'est en revanche pas sûr du tout de sa date de naissance (sinon qu'elle fut avant celle de sa mort), et globalement on pense quelque chose d'entre 1340 et 1350. Donc oui, il aurait pu avoir 53 ans (le plus communément admis), mais il aurait aussi pu en avoir 43, ou n'importe quoi d'autre d'au milieu.
Pis y a le nombre 10 (2 x 5, genre). Le cloître forme une sorte d'étoile à 10 branches. Le chiffre 8, le complexe est jonché d'étoiles à 8 branches. Le nombre 12, le diamètre du cercle de base de la construction mesure 12 aunes (environ 14,5 m). Le chiffre 1, il n'y a qu'une église dans l'enceinte... Etc...
En dehors des chiffres et des nombres, il est encore des objets symboliques. L'étoile, symbole marial (vierge Marie) mais aussi Santinien. Les étoiles sont présentes partout dans cette construction, à 5, 6 et 8 branches. Ensuite il y a la langue de St Jean (cf. la légende). Notez la forme des fenêtres (genre gothiques) dans les chapelles-lanternes (puits de lumière) de l'église comme du cloître. Notez également le plan global de l'église, comme des chapelles rayonnantes. Tout rappelle un bout de langue. Ensuite vous avez la mitre de l'abbé "Václav Vejmluva" (l'abbé peut être mitré, comme l'évêque), ce sont les fenêtres triangles avec la base concave. Et ensuite vous avez la Ste Trinité, représentées par les fenêtres en vitraux colorés de forme triangle arrondi convexe.
Acte neuvième: l'architecture intérieure
L'intérieur est donc aménagé d'un espace central voûté par un dôme (coupole) à lunettes (demi-cercles) soutenu par 10 colonnes. Cinq chapelles rayonnantes ovales reliées par une galerie cylindrique à arcades coudées en ogives étroites l'enrobent. Au-dessus, 5 tribunes à balustrades surplombent au premier étage les 5 chapelles au sol, tandis que le second étage se compose d'une galerie continue en 10 sections ceinturant la base du dôme. La stucature murale austère se limite à des motifs s'entrecoupant en nervures brisées, rappelant les voûtes maillées des édifices gothiques. Notez la base des nervures aux sommets des murs, se prolongeant sans cassure le long des voûtes créant un mouvement longiligne élancé jusqu'au dôme, imperceptiblement interrompue (la base) par la galerie du second étage. Et comme dans toutes les constructions de Jean-Blaise, la lumière joue un rôle fondamental. Alors que les chapelles latérales comme les tribunes à l'étage sont baignées de lumière directe, l'espace central est illuminé indirectement par les arcs en ogive, où les rayons lumineux se brisent contre les parois. Tous ces éléments créent un sentiment mystique de présence surnaturelle, parfois exalté par un brouillard d'encens percé d'une lueur colorée. Eh oué, les vitraux bariolés ne sont pas là par hasard. En un mot, c'est fabuleux, éblouissant, et splendide.
Acte dixième: la déco du dehors
Commençons par le cloître. Ce dernier servait donc aux pèlerins, afin qu'ils puissent se protéger des intempéries, qui, comme dit, sont plutôt nombreuses ici. C'est une des raisons pour laquelle la plupart des stucatures, comme des nervures de voûtes ont disparu (cf. mes photos, où qu'on voit les restantes, comme les traces des disparues). Aussi compte tenu de ce climat pourave, l'on peut se demander pourquoi, parmi les 5 chapelles majeures, l'une d'entres-elles est encore joliment peinte? On la nomme "allemande", du fait qu'on y servait la messe en Allemand. Mais ça n'a rien à voir avec Santini, parce que les fresques furent peintes en l'entre-2-guerres par l'artiste d'origine allemande natif de "Žďár", "Alois Podloucký". Sur le toit du cloître, au-dessus des portails d'entrée, se trouvaient 5 statues, 5 allégories des 5 vertus de St Jean (de Népomucène): piété, dévotion, humilité, discrétion, assiduité, foi, pureté, abstinence et charité. Eh oui, ça fait un peu plus de 5, mais selon les sources... Et St Jean était tellement vertueux. Du reste y avait même 25 statues et non 5, parce que les 5 principales étaient accompagnées de 4 putti. Aujourd'hui il n'en reste plus que 2, situés aux pieds de l'allégorie de la foi. Pour l'anecdote, les statues ne sont pas vraiment d'origine, du sculpteur "Řehoř Theny" (cf. plus loin), les statues. En fait, elles étaient tellement dévastées par la nature (vents violents, pluies, grêles...) qu'elles n'étaient plus que des ombres, des silhouettes. Les restaurateurs en reconstruisirent donc 3 récemment, sur la base des restes, en déduisant les mouvements comme les éléments manquants à partir d'autres statues d'époque et de sculpteurs semblables ("Matyáš Bernard Braun" en particulier, puisque "Řehoř Theny" fut son élève. Cf. la série d'allégories du vice et de la vertu de "Kuks"). La statue principale est donc celle de la foi, et comme dit, c'est la seule accompagnée des 2 putti. Elle zieute dans une lunette (longue-vue) en direction de l'étoile polaire, en chantant "j'ai deux amours...". Ensuite l'on peut voir la pureté. Elle tient d'une main un bol de lait d'ânesse antiride, et de l'autre main, elle s'en enduit le visage afin que Galliano n'aille pas lui reprocher d'être moche. Et la troisième statue représente l'abstinence. De son pied, elle écrase un mégot de cigarette, porte une chaîne autour de la taille et tient un cierge dans la main à la place d'une bouteille de rouge. Notez que seule la foi est sculptée complète, c'est à dire devant comme derrière. Les 2 autres statues sont seulement de devant, genre si vous les regardez d'en dehors du cloître, de dehors, alors l'arrière n'est pas sculpté.
Et puisqu'on parle décoration, n'oublions pas le cimetière. Inutile de rappeler qu'icelui ne faisait absolument pas partie des plans du génie. Santini avait prévu cet espace pour les pèlerins, accessoirement les cabanes à saucisses/frites, mais l'évêque "Jan Lachenbacher" de "Brno", quant à lui, eut une vision différente fin XVIII ème siècle. Aujourd'hui, on n'enterre plus dans ce champ de navets, et l'on essaye même de déménager la viande froide dans le nouveau séchoir à macchabs, plus loin. L'on projette ensuite d'aplanir à nouveau le terrain, afin de le ramener à la hauteur qu'il avait avant, avant qu'on ne lui colle les gonflés du bide dans le tiroir. Notez le mausolée à soviétiques, spécial armée rouge, garé là au motif qu'ils sont venus libérer le pays des fascistes. Ok, jusque là no souci. Par contre notez la suite: "La paix que vous avez conquise de votre sang, par notre travail sauvegarderons" ("Na věčnou paměť padlým vojínům Rudé armády při osvobozování naší vlasti od fašismu 1945. Mír, který jste krví dobyli, svou prací uhájíme"). Et ça, ben ça pue le con-munisme larvé, déjà en 1945. Cette dernière phrase aurait dû être effacée au marteau piqueur après 1989.
Acte onzième: la déco du dedans
La première chose qui frappe l'oeil en terme de déco du dedans, c'est l'énorme autel principal dont l'acteur (principal aussi) n'est autre que St Jean (de Népomucène). L'oeuvre monumentale, suggérée par Santini en personne, est enchâssée dans une niche prévue spécialement pour, et atteint le second étage de l'église. Elle fut sculptée par "Jan Pavel Čechpauer z Chrudimi" (naissance vers 1695 - décès vers 1728) pour la grande majorité, et par "Řehoř Theny" (12 mars 1695 - 5 mai 1759) pour le St Jean en personne. Bien que considérés par les experts comme artistes de second rang (et pourtant "Řehoř Theny" fut l'élève du fabuleux "Matyáš Bernard Braun"), ils laissèrent là un splendide bout de travail. L'on y voit St Jean s'élever vers les cieux, debout sur un globe comportant 5 étoiles (à 5 branches) représentant les 5 continents (alors connus). Trois anges entourent ce globe en formant un V (5 en romain, mais aussi première lettre du nom de l'abbé "Vejmluva"), et au dessus d'eux, encore 2 autres anges découvrent le baldaquin en arrière plan de tout le décor, comme pour suggérer l'entrée en scène du comédien vedette: St Jean. Pis au dessus de la tête de la vedette, un trio de petits angelots symbolisent le silence du saint: l'un des angelots tient un sceau afin de symboliser le secret de la confession, le second tient une clé, afin de symboliser la clé de la pièce de théâtre, et le troisième joue de l'accordéon afin que les spectateurs ne s'ennuient pas. Dans les chapelles rayonnantes, vous y verrez les 4 évangélistes: Matthieu, Marc, Luc et Jean accompagnés du tétramorphe: le livre (plus souvent représenté par l'homme ailé), le lion, le taureau et l'aigle. "Jan Pavel Čechpauer" commença à travailler sur l'autel comme sur les évangélistes vers 1725, mais décédé prématurément, il fut remplacé par Grégoire ("Řehoř") qui termina le maître autel en 1729. Il est également l'auteur de la chaire, sur laquelle l'on peut apercevoir le martyr de St Jean, lorsqu'à Prague, il est précipité du pont Charles dans la "Vltava", en contrebas. Notez l'erreur chronologique: St Jean ne reçut les 5 étoiles autour de la tête qu'une fois noyé, en signe de récompense, et pas lorsqu'il fut précipité du pont. A ce moment il n'avait pas d'étoile du tout, il avait la trouille, oui, mais pas d'étoile.
Nouveauté lors de la réfection de 2010: le dôme central fut gratifié de la langue de St Jean rayonnante avec des rayons rayonnant tout autour d'elle. Auparavant, il y avait à sa place une étoile à 10 branches. Vous ne pouvez pas louper non plus, toujours au plafond aussi, les 5 petites étoiles en relief, et encore plus excentrées, les étoiles plus grandes en stucature.
Acte douzième: divers et bigarré
Selon mes infos, l'église St Jean (de) Népomucène recèlerait une relique unique, un truc dont personne ne peut imaginer la valeur spirituelle: l'os hyoïde de St Jean. L'os hyoïde (ou os lingual) est un os, auquel se rattachent les muscles de la langue et permettent ainsi la parole. Pour un saint qui s'est tu, disposer de l'os hyoïde comme relique, c'est comme les yeux d'un aveugle, ou la jambe d'un cul-de-jatte.
Jean-Blaise Santini tomba dans l'oublie au XIX ème siècle, sinon dans l'incompréhension voire l'opprobre. Nombreux historiens d'art de la renaissance Tchèque (cf. "Ferdinand Josef Lehner", "Friedrich Radnitzký") ne comprenaient pas son génie, quand ils ne lui reprochaient pas, comme à tous les architectes italiens (d'origine italienne, la plupart étaient tchèques de seconde, troisième et au-delà génération), d'avoir saccagé pour toujours, par leurs reconstructions baroques, des édifices romans, gothiques, et renaissance (l'avant garde des "Josef Mocker"). Pour eux, l'architecte italien était à la construction, ce que l'écrivain allemand était à la langue, un faiseur d'ombre, un phagocyteur, un suppo de l'extinction d'identité nationale tchèque. Oui? Non? Dans notre cas sûrement pas, puisqu'il s'agissait d'une construction ex nihilo. Concernant les reconstructions-restaurations, difficile de prendre position. Personnellement, je dénonce aujourd'hui avec force, ce que ces fumiers de promoteurs assènent aux édifices historiques praguois. Qu'en dira-t-on dans 300 ans? Aujourd'hui, les constructions intemporelles de Santini, techniquement audacieuses et esthétiquement stupéfiantes sont mondialement reconnues comme issues d'un génie prolixe, original et unique. Pas sûr que l'on dise plus tard la même chose des architectes d'aujourd'hui, et de leurs boîtes carrées en verre, aluminium et Placoplatre. Encore moins sûr qu'on en dise quoi que ce soit dans 300 ans.
Epilogue
Ok, "Žďár nad Sázavou" n'est pas à Prague. C'est à 160 km, soit quelques 1h40 en voiture. Mais si déjà vous vous rendez dans cette région de "Vysočina", il est plein d'autres merveilles à visiter dans la région (les villes de "Telč" ou "Třebíč"), et je ne saurais que trop vous conseiller d'y passer plusieurs jours, si déjà vous vous rendez dans cette région (de "Vysočina"). Maintenant si vous combinez la visite de l'église St Jean (de) Népomucène, du monastère de "Žďár", du cimetière d'en bas, et sur la route des monastères de "Sázava" et/ou "Želiv" (encore un, sur lequel Jean-Blaise apposa sa signature), ben ça vous fera une journée bien remplie tassée copieux.
Voilà, une dernière fois je fais part de mon admiration face à ce chef-d'oeuvre que je vous conseille le plus vivement de visiter. Bien que relativement petite, bien que techniquement loin des prouesses de "Plasy", sa conception, ses formes, sa symbolique font de cette église un des plus beaux édifices religieux que j'ai vus, en République nostre comme ailleurs. GPS: 49°34'48.3"N, 15°56'31.4"E