Jacques Attali et Alain Soral, auteur de Comprendre de l'Empire, réunis à la gare de Lyon.
L’État s'affaiblit, car il est saigné aux quatre veines. il est saigné par la décentralisation, qui renvoie des pouvoirs aux collectivités territoriales. Saigné par la construction européenne. Saignée par la globalisation, qui fait remonter la décision au marché mondial. Enfin, saigné par les privatisations, qui ont cédé au secteur privé des pans entiers de l'économie. Aujourd'hui, l’État a perdu la monnaie, presque la défense - depuis la chute de l'URSS, on se demande à quoi sert l'arme nucléaire -, il a perdu la politique industrielle suite aux privatisations et il a perdu la gestion des infrastructures au profit des collectivités locales. il lui reste la gestion des crises et des grands équilibres... Comme l’État est très lent dans ses réformes, il ne combat pas avec les mêmes armes. Le marché - avec l'entreprise comme porte-parole - est par nature flexible et mondial. La démocratie - avec l’État comme porte-parole - est rigide, dotée de frontière. L’État est donc devenu une sorte de Titanic.
Réduire de manière drastique les dépenses de l’État ne contribuerait-il pas un peu plus à l'affaiblir ?
Il est indispensable d'équilibrer les comptes, s'il le faut en relevant les impôts. Or, en France, on n'a pas réduit les dépenses, mais on a diminué les impôts ! Démagogie totale, à droite comme à gauche... On a baissé de 5 points les prélèvements obligatoires en augmentant les dépenses, avec un effet de ciseaux catastrophique. Ce n'est pas nouveau, cela a commencé il y a dix ans avec un gouvernement de gauche.
La rémunération des fonctionnaires est-elle suffisamment attractive ?
il faut beaucoup mieux payer les fonctionnaires, si l'on veut les garder. ils doivent aussi pouvoir passer facilement d'un secteur à l'autre à l'intérieur de l'administration, mais aussi du public au privé. La carrière idéale devrait être : administration, secteur privé et retour dans l'administration. Aujourd'hui, ceux qui quittent l'administration n'y reviennent quasiment plus.