(Réflexion sur l’internet en tant qu’outil de création collectif spontané révolutionnant enfin l’ART)
Partie II (de mauvais goût)
Prenons un exemple au hasard, évidemment : clic
Qu’est ce que c’est ?
1) De la m… : une animation faite avec trois images de mauvais goût sur un ordinateur, une musique techno que même les vendeurs biélorusses de voitures ont cessé d’aimer et un refrain/couplet qui tourne en boucle.
Ainsi, les paroles :
Lui : Regarde mon cheval, mon cheval est fantastique, donne lui un coup de langue
Elle : Mmm, ça a goût de raisins secs
Lui : Si tu l’appelles, il se transforme en avion et redevient normal, quand tu tires sur son kiki.
Elle : Hou, c’est dégueulasse !
Lui : Tu le penses vraiment ? Je ferais bien de pas te montrer où la limonade est faite, douce limonade, douce douce limonade, douce limonade, douce limonade
Lui : Monte sur mon cheval et je te ferais faire le tour du monde et des autres endroits aussi.
Elle : Tu découvriras vite que l’univers englobe plus ou moins tout
Lui : Ta gueule femme, monte sur mon cheval
Le tout répété trois fois.
Evidemment, plusieurs millions de spectateurs pour ça, c’est écoeurant, pouhaaa !
2) ASTAD : Action spontanée tout azimut décomplexée.
Peut-être est-ce dû au spectacle incroyablement affligeant, toujours est-il que plusieurs versions de ce titre ont commencé à voire le jour, tel un exercice imposé. Métal, R and B, dubstep, et encore dubstep, darkwawe, 8bit, transe core, vieux hard-rock…, JAZZ !!! au total, plusieurs dizaines de versions circulent rapidement. On signalera la version « pays de l’est » et surtout, française. Au passage, le clip est souvent revisité tout en gardant un certain respect (voir plus bas) des personnages, voir des images.
Devant le succès du morceau, les premiers fans adolescents s’y attaquent depuis leur chambre et pousse la chansonnette. Une fois de plus, tous les styles pour plus d’une centaine de vidéos. On retiendra forcément la sublime Cira las vegas, LPSilki93 au piano, ou encore Bud Jason.
C’est l’explosion. Qui n’a pas sa reprise de « Amazing Horse » sur le net ?
A chaque fois, le ton est sérieux. L’exercice est solennel : reprendre, en le respectant, un monument… de merde. Chacun conserve les paroles (débiles) et une certaine interprétation originale. Jusqu'à parfois jouer les personnages du clip.
Comme dans ces nombreuses versions musicales, des créations (ça y est, je l’ai dit) visuelles s’appliquent à conserver l’esprit de la vidéo : sa composition, son montage rude, ses éléments: un cavalier, une princesse, une rivière, des planètes, un sexe et de la limonade, des planêtes. Autres liens communs, chaque version est fidèle à l’ambiance composite digitale très cheap. Ce ton « jeu vidéo pourri » est d’ailleurs une grande inspiration pour de nombreux créateurs graphiques qui vont refaire le clip tout en respectant avec application la nudité plate de l’animation minable. En y ajoutant toujours quelque chose : exemple.
Des sketches donc : des gens rejouent simplement la vidéo ici , certains commencent à l’adapter comme d’autres l’avaient fait de la musique. Ici par exemple, deux copines coquines font une petite mise en scène maline. Là, un pas plus loin, des jeunes se prennent toujours pour les personnages du clip mais qui seraient un groupe de rock.
3) Allelouy’art ?
Et ce qui devait arriver arriva : alors qu’on ne savait plus qui était à l’origine du phénomène : un vrai groupe fit son apparition, avec sa version musicale et son clip inspiré par la vidéo de ceux qui se prenaient pour un groupe, puis… des jeunes gens inspirés par cette version en ont fait un clip cheap (vous suivez ?).
Des jeux vidéo détournés du clip (et qui l’incorporent dans le jeu), puis des jeux vidéos inspirés de ces jeux vidéos ne gardent que le cheval qui devient la cible.
D’autres restent plus inspirés par l’aspect 8bit minimal de l’original.
ARRRRRRT !
Le résumé de tout ça est peut-être ce résumé interactif. Cette version Megamix à en effet la particularité de revisiter rapidement tous les courants produits et de devenir un écran ou nous pouvons cliquer pour choisir les versions qui nous intéressent…
La question du départ peut se reposer face à cet ultime OVNI fait d’ovnis inspirés d’un OVNI. Ce dernier montage n’est-il qu’une somme brute de vidéos rapides où peut-on considérer ses contenus comme des variations digitales sur un thème abstrait qui serait : « sérénade moderne d’un cavalier cosmique à une fermière culottée ».
C’est nouveau, c’est créatif, c’est multimédia, c’est spontané, c’est intelligent, cela a beaucoup de recul et de maîtrise sur les courants créatifs modernes…
Serait-ce donc de l’art contemporain ? Serions-nous déjà demain ? Je crains qu’il ne faille admettre que quelque chose a bougé. Duchamp laisse t-il enfin la place à mon voisin ?