Le hasard a voulu que Blue Valentine et Beginners sortent le même jour en salles en France. Les circonstances ont fait que je les ai vus l’un à la suite de l’autre un après-midi de juin. De loin, je ne m’attendais pas à trouver un point commun à ces longs-métrages. De près c’est une autre histoire, une histoire qui passe justement par la narration. Chacun des réalisateurs a choisi de ne pas raconter son histoire de façon linéaire, préférant laisser l’émotion chambouler le récit.
Blue Valentine est l’histoire de Dean et Cindy. Mariés depuis quelques années, parents d’une petite fille, leur couple est au bord de l’implosion. Pourtant tout avait si bien commencé entre eux, comme Derek Cianfrance, le réalisateur, va nous le raconter à coup de flashbacks bien dosés, à mesure que leur histoire prend fin sous nos yeux.Beginners s’attache lui à Oliver, un trentenaire mélancolique qui vient de perdre son père. Ce dernier avait fait son coming out après la mort de sa femme, la mère d’Oliver, cinq ans plus tôt, après avoir tu son homosexualité pendant des décennies. Tandis qu’il rencontre une jeune femme qui le séduit, Oliver se remémore en désordre son enfance auprès de sa mère et les dernières années libérées de son père.
Le vent de liberté qui souffle sur ces deux longs-métrages les rapproche, autant que leur évidente mélancolie. Chez l’un, le couple, sa passion, les espoirs des débuts, les désillusions et les souffrances de la fin. Chez l’autre, les relations filiales, le deuil, la recherche de repères. Blue Valentine nous embarque sur une route amère où les émotions sont fortes, les explosions de joie et d’amertume traversent le film sans pudeur et portées par deux des meilleurs jeunes acteurs du cinéma américain, Michelle Williams et (le canadien) Ryan Gosling. Il est empreint de vérité dans son approche du sujet et son allant sans retenue.
Dans Beginners, la vérité est dans l’ADN, car le réalisateur Mike Mills raconte une histoire largement inspirée de la sienne, celle de ce fils qui apprend que son vieux père est resté dans le placard toute sa vie et en sort à l’approche de la mort. Le personnage central d’Oliver et son rapport à ce père disparu qui le hante encore n’en est que plus vrai. Ewan McGregor, un exemple parfait d’acteur se révélant meilleur de film en film, porte avec délicatesse le spleen du film traversé par ces éclairs de lumière face à Christopher Plummer.
Au sortir de ces deux films, un enseignement pas si éloigné se dégage, où l’on se dit que rien n’est acquis, ni l’amour, ni l’héritage familial. On a beau s’aimer et se ressembler, il arrive un temps où il faut prendre son envol et se définir par soi, et non uniquement par les autres, qu’ils soient vivants ou morts. Ou même canins.