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Raffarin et Le Monde

Publié le 14 février 2008 par Omelette Seizeoeufs

Alain Minc est parti du Monde, une « nouvelle équipe » est censée être en place. Hier, daté de je ne sais quand, nous avons eu le plaisir de lire dans Édito une très belle attaque contre la politique audiovisuelle du Pouvoir. Voici la partie qui m'a plu :

Les pouvoirs publics ont beau jurer, la main sur le coeur, que chaque euro de publicité supprimé sera compensé et qu'il n'est pas question de modifier le périmètre des chaînes publiques, tous les doutes sont permis. Surtout quand l'on entend les responsables de chaînes privées affirmer avec aplomb que les télévisions publiques sont peut-être trop nombreuses et pourraient sans problème fonctionner à moindre coût.

De deux choses l'une : ou bien l'exécutif sait où il va, et il est urgent qu'il le dise ; ou bien il a pris le risque de déstabiliser les chaînes publiques sans en mesurer les conséquences. Ce serait d'une coupable désinvolture.

Est-ce le signe d'un changement ? Espérons. Car, malgré tout, le journal véspéral joue un rôle important dans la formation de la pensée collective du jour. Quand le Monde se met à nous refourguer du sarkozysme refroidi, ce n'est pas bon.

À ce propos, prenons ces paroles dans le récent tchat avec J-P Raffarin, ce même tchat où l'ancien Premier Ministre tente de relancer Valls à gauche ("J'ai de l'estime pour des responsables comme Manuel Valls par exemple"), histoire de mettre un peu de désordre à gauche, sûrement. Prenons donc ces paroles :

Naaba : 9 mois, c'est le temps de gestation chez l'Homme, mais c'est également le temps qu'a passé Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République. Quel est selon vous le résultat de ces 9 mois de gestation ? [...]

Jean-Pierre Raffarin : Pour moi, ces neuf mois sont marqués par le succès du traité de Lisbonne, par l'accord des partenaires sociaux pour un nouveau contrat de travail, par l'augmentation significative du nombre d'heures supplémentaires en France, ou par l'autonomie des universités.

Il est paradoxal que l'on apprenne le même jour ces deux nouvelles : chute de 8 points de Nicolas Sarkozy dans le dernier sondage Sofres et baisse de 200 000 chômeurs dans la France de 2007. En termes de bilan, la baisse du chômage l'emportera.

Il est tout de même curieux que ces deux arguments (glorieuses réalisations de Sarkozy, baisse du chômage) furent formulés en presque exactement les mêmes termes par les éditorialistes anonymes du Monde. J'ai déjà consacré un billet au deuxième point, me demandant pourquoi le journal avait décidé de s'occuper de la communication défaillante du Très Grand Homme (TGH).

Pour ce qui est des réalisations, un éditorialiste anonyme, dans un papier intitulé L'effet boomerang avait écrit ceci :

Quant aux Français, hier stupéfiés ou séduits, les voilà qui grognent et doutent, oubliant ce qui a été fait (le nouveau traité européen ratifié, les régimes spéciaux de retraite alignés, la réforme de l'université engagée, une présidence active et assumée...) pour mieux pointer ce qui ne l'a pas été : le "choc de confiance" propice à la croissance réduit à néant par la récession économique qui menace, et le "président du pouvoir d'achat" contraint à de cruels aveux : "Les caisses sont vides" et, en quelque sorte : "Circulez, il n'y à rien à attendre." (C'est moi qui souligne, o16o.)

L'éditorialiste et Raffarin ne citent pas exactement les mêmes choses, mais les deux phrases sont curieusement semblables dans l'ordre de présentation : Lisbonne, le social, la réforme. Le Monde pousse le bouchon un peu loin en ajoutant une présidence active et assumée, comme si c'était un bien en soi, et en affirmant ensuite que tout ce qu'a fait Sarkozy est bien, mais oublié par la population ; tous ses échecs sont dûs aux circonstances. (Le fait que ce soit justement le "choc de confiance" qui ait vidé les caisses a malheureusement échappé au journaliste. En tout cas, il est difficile de trouver une meilleure défense du TGH.)

Peut-être, tout simplement, que Raffarin avait intégré l'édito et que la formule est sortie toute seule. Où est le mal? Peut-être que c'est une pure coïncidence. Je ne veux pas me lancer dans une théorie du complot, selon laquelle un grand journal qui n'est pas Le Figaro pomperait directement ses éditos dans les argumentaires de l'UMP. Ce qui est remarquable, ici, c'est le fait que les deux discours soient compatibles à ce point. Ecouter un haut responsable de l'UMP ou lire les éditos du journal dit "de référence", cela ne devrait pas être tout à fait la même chose.


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