“Je poursuivrai cette voie, attentive aux plus faibles, attentive aux plus démunis, quelles que soient les circonstances et quels que soient les territoires géographiques, comme mon prédécesseur l’avait engagé dans le cadre des réformes qu’il avait faites” C. Lagarde 29.06.2011
Pour discréditer efficacement un syndicaliste dans l’entreprise, la technique managériale conseille de l’augmenter, le promouvoir, le faire pénétrer dans le giron des dominants, de façon à ce que symboliquement il ne puisse plus incarner ses revendications. À un niveau plus global, le management du discrédit avec promotion de l’idéologie par les symboles bat son plein. La France, ou plutôt les Français renâclent à se convertir totalement à la modernité du libre marché. Rétifs à la mise en l’encan d’un modèle social par le passé survendu, et auquel ils s’accrochent pensant échapper au naufrage. Bien qu’il y ait une certaine frénésie entrepreneuriale, chez N. Sarkozy élu par exemple, les idées essentiellement libérales, celles de l’abstraction du tout marché, n’ont jamais franchi le seuil de quelques pour cent lors les élections. Mais c’est par les élites et l’incarnation symbolique qu’elles se sont imposées. La nomination à la direction du FMI de C. Lagarde, comme un point d’orgue, en montre un parfait exemple.
Par cette nomination, sont ciblés les manifestants de 1995, les anti-CPE de 2006, et les millions de marcheurs contre la réforme des retraites de 2010. Et tous ceux qui résistent aux injonctions de l’économique comme entité supérieure. On pourra rétorquer que c’est faire beaucoup trop des cas de l’hexagone, petit bout de terrain planétaire pas encore totalement subjugué par les sirènes de la mondialisation heureuse. Pas encore.
La nomination de C. Lagarde pourtant se lit dans une continuité, celle d’une oligarchie française et libérale (économiquement) régulièrement promue. Le FMI aura connu deux directeurs de rang français entre 2007 et 2011. Qui fait suite entre 1978 et 2000 à une autre période de présidence française (J. de Larosière et M. Camdessus). Quant à l’organisation mondiale du commerce, depuis 2005 un Français “socialiste” la préside, P. Lamy… La parenthèse régulatrice attribuée à D. Strauss-Kahn ne change pas fondamentalement les objectifs de ses organisations, ni ne remet en cause “l’ordre cannibale du monde” pour paraphraser J. Ziegler.
Si tout ceci n’est qu’un heureux hasard, il est alors très heureux. Non pas une approche complotiste, mais on peut subodorer que ce type de promotion ne dérange pas les zélateurs de la dérégulation. Qui infligent par l’exemple et par le haut une leçon se savoir penser aux renacleurs. Que penser des déclarations du gouvernement français qui voit dans la nomination d’une de ses ressortissantes à la tête d’une organisation internationale, dont l’un des principaux objectifs consiste à rectifier les économies pour les fondre dans la globalisation, comme “une victoire de la France”. Un étrange paradoxe. Que penser aussi du satisfecit quasi unanime tous bords politiques sur cette victoire tricolore ? La course à la nomination de C. Lagarde a pris de façon régressive une dimension nationale, et unanime…
Quantifier les résultats d’une campagne de propagande relève de l’oracle. Mais tout bon publiciste sait qu’il vaut mieux s’activer si on espère avoir prise sur les évènements. Car on pourra pointer le fait que les idées libérales (apparemment) ne percent pas en France, que ce type de nomination/incarnation est inefficace en terme de communication. Mais on ne devine pas ce qu’il en serait sans ses symboles puissamment martelés.
Si le libéralisme n’a jamais gagné les élections sous sa bannière, il l’a massivement emporté dans la structure des principaux partis et organisations. Prenant un poids croissant à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. Avec l’incomparable avantage de retrouver des libéraux (économiques) à chaque accession de gouvernement (que cela soit de droite ou de gauche). Reste à convaincre ou soumettre la base. Pour rendre l’inconvenant inéluctable et s’en contenter dans la parfaite pratique du TINA.
Dans cette perspective la nomination successive de dignitaires français dans l’oligarchie des organisations internationales peut se décrypter comme une volonté de discréditer ce tropisme français à la régulation économique. Une approche archaïque (mais tenace) qui spécule sur le penchant des peuples à s’identifier aux élites. Une inclinaison qui semble être de moins en moins pertinente.
Vogelsong – 30 juin 2011 – Paris