Hier, je me rendais à un rendez-vous dans Paris.
Je marchais sur le trottoir l'esprit occupé, pensant à ce que j'allais dire ou demander, quand soudain, sans crier gare, la devanture bleue d'un magasin a saisi ma perception. J'étais dans mes pensées, et brutalement, dans un regard éblouissant, le bleu est apparu comme un événement sidérant.
Pourtant, rien de spécial dans ce bleu. Il ne s'agisssait que de banals volets en vieux bois, d'un bleu simple, un peu pastel. Mais parce que j'étais tourné vers les pensées, le bleu m'a ramené presque de force à la splendeur du monde.
Maintenant, le bleu était là , devenu brûlant, éclatant, extatique. Et moi j'avais disparu, réduit au silence en un instant par cet événement, cette théophanie. Plus d'observateur, plus de penseur, juste un mystère flamboyant de bleu. Dans cette contemplation, il n'y a pas de temps, pas d'objet, pas de sujet, mais la présence étonnante de la lumière.
Juste le bleu, sans un sujet pour le voir, sans un mental pour le nommer.
Puis, j'ai repris mon chemin, ouvert comme un ciel...la conscience renversée par la joie.
Quand nous sommes identifiés à nos pensées, à notre histoire, le monde est gris, lointain, fantômatique, caché sous un voile sombre. Mais quand il est vécu à partir de la vacuité, les couleurs se mettent à chanter ; les perceptions éclosent en feux d'artifice.
On parle d'éveil, mais celui qui s'éveille c'est le monde !
jlr