Hommage à Dimitri le Révizor des lettres

Publié le 29 juin 2011 par Tudry

Hommage à Dimitri le Revizor...

Dimitri en rougenoirévizor, par N. Maïkovskij


Je ne sais pas. Je ne suis pas de ses proches qui pourrait le dire. Mais, j'aime assez imaginer que, comme moi, Vladimir Dimitrijevic, n'aimait guère ces expressions, très occidentales, « untel est mort » ou « est décédé »... ce langage, finalement, administratif pour évoquer l'acte (et non l'événement) le plus important de tout une vie ! De ceux qui partent, l'Église Orthodoxe parle en ces termes : « né au ciel » ou « endormi dans le Seigneur »... Ces deux formules doivent émouvoir les coeurs, les mettre au contact d'une vérité plus haute que la terre et la poussière qui s'écroule sur les tombes, que ce monde jette sur nos corps endormis...


Pour cet homme-là, singulier, singulièrement fou aux yeux du monde, sa voiture (un peu cabossée, un peu...) était plus qu'un « outil de travail ». Comme tout ce qui le touchait, elle prenait un « je-ne-sais-quoi » de plus... Une sorte de maison ambulante. Oui, il avait quelque chose d'un tzigane du livre ! Un nomade du texte... L'âme (et la voix) d'un violon qui vibrait aux sons intérieurs des mots écrits...


Il est parti dans sa voiture, dans un de ces énièmes voyages entre Lausanne et Paris, lui, « personne déplacée » par excellence, qui, « envers et contre tous » ne se « garait » jamais avec les plus en vue mais avançait toujours sur un chemin escarpé de vérité et de sincérité...


Il est parti.

L'autre jour, l'un de ses proches me disait que Dimitri avait plus oeuvré pour la chute des régimes communistes que Jean-Paul II auquel on attribue tant dans ce « travail »... J'ai souri, notre ami m'a repris en me disant que c'était très sérieux... Je le savais mais je souriais de cette vérité qui semblerait si dérangeante à tous ceux qui, un temps, se réjouissaient de ce « combat » pour la liberté et qui voulurent, pourtant, l'en priver lorsque les événements atroces et inouïs qui frappèrent son peuple le contraignirent, lui, « personne déplacée », à prendre fait et cause, encore et toujours, contre tous pour la vérité et la fidélité !


Il est parti. Dans un voyage. Un exil miniature entre les deux capitales qu'il avait élu et qui l'avaient accueillie... Il est parti, le 28 juin, jour de la Vidovdan, commémoration de la bataille du Kosovo en 1389 ! Hasard ? Ben voyons ! Il est parti quelques jours après un hommage vibrant à un autre Vladimir qu'il aimait tant, venu lui de l'autre terre d'exigeante vérité et fidélité...


Nous lui devons tant de découvertes incroyables, renversantes, palpitantes... Découvertes pressées mais jamais au sens de ce néo-monde de la consommation, dans le sens (l'essence ?) de son avers bien plutôt... découvertes pressantes... comme était, toujours, pressant ces incessants voyages nécessaires à SA maison...

Nous lui devons plus que des livres-objets... Bien plus ! La dette semble impayable... Je n'ai qu'effleuré le sujet en évoquant ce texte si cher à nos deux coeurs qu'est La Colonne et le fondement de la vérité du Père Florensky... Lorsque je scrute une bibliothèque, mon coeur frémis toujours si j'aperçois le dos bien connu d'un livre des éditions L'Age d'Homme... Toujours...


A cette « annonce » mon ami et frère en Christ Emmanuel demande « Qu'allons-nous lire maintenant ? »


De la m... ! En tout cas, d'ores et déjà, voici un autre signe des temps... le dernier éditeur digne de ce nom en Europe est retourné auprès du Seigneur... Le dernier qui savait que ce métier consiste à bâtir une oeuvre de l'esprit, non à produire des « livres-choses »... ! Néanmoins, il avait su s'entourer de personnalités de talent qui connaissaient « l'esprit Dimitrijevic », esprit de liberté et de haute-fidélité; espérons de toute nos forces que l'aventure de résistance se perpétue !!


Toutefois, je ne peux me faire à cette "idée" ; "ce monde" devient plus gris encore, il gagne encore en médiocrité... La force de Dimitri le Révizor fut d'être vraiment une personne derrière chacun des titres publiés de cette "mosaïque colorée" qu'il voulut et sut créer !!

Меморија вечна !