Paris. Le Duc des Lombards.
Mercredi 28 juin 2011. 22h.
Terence Blanchard : trompette
Brice Winston: saxophone ténor
Fabian Almazan : piano, clavier
Joshua Crumbly: contrebasse
Kendrick Scott: batterie
Ambrose Akinmusire, autre trompettiste noir américain, qui jouait la veille au Duc des Lombards, est présent dans la salle.
Solo de trompette pour commencer. Un Blues brillant, cuivré. Puis le groupe part comme un seul homme. C’est vif, agité. Comme Dizzy Gillespie, Terence Blanchard joue des percussions quand il ne joue pas de la trompette. Un cylindre avec des petits cailloux dedans. Ca sonne très américain, puissant, efficace. Le pianiste se double avec un clavier électronique. Le saxophoniste a un gros son digne de son Arizona natal mais il ne me raconte rien. C’est clair que Terence Blanchard s’y connaît en trompette. Techniquement. Mais que dit-il ? Rien qui me parle en tout cas. Pendant ce temps là, la rythmique tourne, variée, puissante, musclée. Techniquement impeccable. Quoi d’autre ? Solo de piano tout en décalages rythmiques bien soutenu par la contrebasse, la batterie et le cylindre percussif. C’est appliqué, ça tricote. Grosse tension impulsée par la rythmique. La maîtrise est impressionnante certes mais encore ? Final impeccable.
Ils enchaînent sans attendre la fin des applaudissements pour ne pas relâcher la tension : le professionnalisme à l’américaine. Intro au piano dans les graves. La trompette le rejoint pour une ballade. Ca ne me gratte pas l’âme comme Eric Le Lann ou Giovanni Falzone. Le groupe part doucement avec le batteur aux balais. C’est toujours aussi maîtrisé mais bon. Ca berce. Chaque musicien fait parfaitement son boulot, surtout le batteur. Il est reparti aux baguettes. C’est en écoutant Terence Blanchard que je m’aperçois combien Booker Little manque à la trompette de Jazz depuis cinquante ans. Terence Blanchard présente ses musiciens de façon très professionnelle et très sympathique, comme les Américains savent le faire.
Un morceau bien cuivré, pêchu. Rythmiquement, c’est à la fois subtil et efficace. Mais, mais…Solo du sax ténor bien impulsé par la rythmique. Ajout d’un effet à la trompette pour doubler le son. Amusant. Terence Blanchard utilise la même trompette que Wynton Marsalis. Ils sont tous les deux trompettistes, Noirs Américains, originaires de la Nouvelle Orléans et anciens membres des Jazz Messengers d’Art Blakey. Le batteur monte en puissance, bien funky. Kendrick Scott est le seul musicien de ce groupe à mon avis. Nappes de clavier froides. La rythmique est vraiment solide et animée par le batteur. Solo de trompette avec une citation des « Feuilles mortes » histoire de faire plaisir au public parisien. Le saxophoniste imite John Coltrane alors que le morceau commençait par une voix de Noir Américain disant : « Dont’ imitate, emulate ». Tout est dit. « Les feuilles mortes » sont exécutées en quatrième vitesse par le trompettiste et la rythmique. Le saxophoniste assiste impuissant à leur fin cruelle. Ca me donne envie de réécouter « Autumn leaves » joué par Stan Getz histoire de me laver les oreilles. Au tour de la rythmique. J’entends mieux le batteur qui lui pulse, vit, vibre. Le pianiste fait étalage de son brio. Il donne un nouvel exemple de la vérité de cette pensée du premier président de l’Académie du Jazz, Jean Cocteau, « Un virtuose ne sert pas la musique. Il s’en sert ».
J’ai lâché prise au dernier morceau. Je n’ai pas applaudi. Le public était ravi. Pierre de Chocqueuse aussi.