De manière adéquate, dans la première salle de l’exposition Torres-Garcia dans ses carrefours, réservée jusqu’au onze septembre par le Musée National d’Arts de Catalogne, le MNAC, (http://www.mnac.cat/index.jsp?lan=002) pour l’inclassable artiste hispano uruguayen Joaquin Torres Garcia (Montevideo, 1874-1949), nous assistons à la confrontation entre deux grands tableaux; les deux faisant partie des dernières années de sa vie. L’un d’eux, Arte constructivo universal [Art constructif universel], est, comme son nom l’indique, une composition à la fois primitive et géométrique (ce n’est pas pour rien que Torres-Garcia a été, de même que Leon, Van Doesburg ou Mondrian, l’un des pionniers de l’abstraction géométrique), dans laquelle on peut suivre le fil de pratiquement toutes les avant-gardes historiques. L’autre, cependant, La maternidad, la familia [la maternité, la famille] est un dessin de type figuratif, duquel provient la fresque du même nom dont est responsable une institution de Montevideo,et dans lequel le canon classique inspiré de la Renaissance de la représentation de la figure humaine semble triompher.
En apparence, ils ne pourraient pas être plus différents. Toutefois, il s’avère difficile de les reconnaître comme étant du même auteur, puisqu’ils évoquent, selon Tomas Llorens, conservateur, «le même trait appuyé et décisif d’une personne sachant ce qu’elle veut transmettre”.
Peut-être qu’il ne s’agit pas là de la qualité la moins remarquable de son oeuvre, la facilité qu’il a pour abolir n’importe quelle antithèse entre des termes qui se présentent souvent comme étant antagonistes, tels que la raison et les sentiments, l’abstrait et le figuratif, l’avant-gardisme et le classicisme, le moderne et l’ancien, au travers d’un art personnalisé qui se sert d’un style particulier et unique pour atteindre sans effort supplémentaire, en apparence, l’unité des contraires. C’est pour cela que son empreinte artistique a parfois déjà été comparée à celle de Goethe, vu qu’ils ont tous les deux tenter de fusionner la modernité et le classique un chemin qui est, à proprement parler, toujours interminable.
Interminable et pimenté par des croisements constants, pour lesquels l’exposition tente de démontrer que l’on peut s’approcher,sans renoncer, des aspects les plus intimes de son processus créatif, parmi lesquels il est nécessaire de ne pas séparer les thèmes et les sujets les plus récurrents.
La majorité des pièces exposées, plus de quatre-vingt, sont inédites et mettent en relief l’importance d’une oeuvre dont la valeur traverse les époques, depuis la période associée au modernisme catalan (il fut membre de “Els Quatre Gats” et a aidé Antonio Gaudi pour la création des vitraux de la cathédrale de Palma de Majorque), jusqu’à son activité de pionnier de l’avant-garde en passant par son adhésion à l’art nouveau aux teintes néoclassiques et modernes loin de la nostalgie du passé. Il n’a pas arrêté de s’amplifier avec le temps. En dépit de leur disparité, sa création au fil du temps garde un trait commun qui la rend unique, une certaine spontanéité de qualité qui confère à ses oeuvres la marque du véritable et du sincère.