Depuis 1972, date où les changes ont commencé à flotter, le commerce mondial s’est développé trois fois plus vite que les richesses nationales (PNB). Il ne peut pas y avoir de croissance économique sans que quelqu’un ne fournisse de la liquidité. Dans les économies nationales, c’est le rôle de la Banque Centrale. Dans l’économie internationale, il n’y a pas de banque centrale, ce qui amène immédiatement à se poser la question : d’où vient l’argent qui a permis cette croissance ? Il est curieux qu’apparemment personne ne se pose cette question, alors que tout le monde passe son temps à étudier ce que font la BCE, la Fed ou la Banque de Chine, mais passons pour apporter aux lecteurs la réponse.
Le dollar est la monnaie de réserve du monde, ce qui veut dire en termes simples que les USA n’ont pas de contrainte de commerce extérieur. En d’autres termes, s’ils ont des déficits extérieurs, ils peuvent les solder en payant avec leur propre monnaie. C’est le « privilège impérial » de la puissance dominante. Donc quand ils ont un déficit extérieur, des dollars apparaissent à l’extérieur des USA pour se retrouver dans les comptes de ceux qui les ont gagnés, c’est-à-dire les sociétés du secteur privé à l’extérieur des USA. Dans un monde sans contrôle des changes, ces dernières peuvent les garder pour satisfaire leurs besoins de roulements, les vendre à d’autres sociétés du secteur privé ou les vendre à leur propre banque centrale contre de la monnaie locale. Dans ce dernier cas, les réserves de change de la dite banque centrale augmente
En termes simples, cela veut dire que la liquidité nécessaire à la croissance du commerce internationale est fournie par le déficit de la balance des comptes courants américains. S’il n’y a pas assez de dollars, le taux de change du dollar monte et, deux ans plus tard, les déficits extérieurs se creusent. S’il y a en a trop, les réserves de change augmentent dans le monde entier et le dollar baisse, jusqu’à ce que la baisse du dollar soit suffisante pour que les comptes US s’améliorent et que le système se renverse, le plus souvent au milieu d’une crise de liquidités internationales, marquée par de nombreuses faillites de banques et d’États qui avaient eu la mauvaise idée de s’endetter en dollar (Amérique latine dans les années 80, Asie à la fin des années 90).
Pour résumer, si les comptes extérieurs US s’améliorent, tout se passe comme si nous avions une restriction monétaire, rarement propice a une hausse des marchés, le contraire étant bien sûr vrai. Quand la crise de liquidités devient aiguë, les intervenants endettés doivent s’adresser à leur banque centrale pour avoir des dollars, qui leur en fournit à partir de ses réserves qui du coup se mettent à baisser, signe certain que nous sommes en crise.
Où en sommes aujourd’hui ?
Hors pétrole et Chine (qui tous deux facturent tout leur commerce en dollars US), les USA ont un excédent des comptes courants vis-à-vis du reste du monde. Ce qui veut donc dire que le reste du monde ne gagne plus les dollars dont pourtant ils ont besoin pour servir leurs dettes extérieures, payer leur pétrole, solder leur déficit avec la Chine, etc. Comme ils ne peuvent plus les gagner, ils les empruntent : les banques européennes ont émis pour 1100 milliards de dollars de papier commercial aux USA, achetés par les fonds de trésorerie locaux, ce qui revient a dire que l’Europe a accumulé une position à découvert égale à deux fois le déficit extérieur total annuel Américain… Oops !
Parallèlement, les réserves de change déposées à la Fed pour le compte des banques centrales étrangères sont en baisse sur les six derniers mois pour la première fois depuis 1999, ce qui est le signe que nous sommes entrés en crise de liquidités.
Financer des déficits extérieurs ou budgétaires va donc devenir quasiment impossible, surtout si ces déficits ont été creusés dans une monnaie qui ne peut pas être imprimée par la banque centrale locale (ce qui est le cas de tous les pays de la zone Euro) ; et toutes les sociétés industrielles ou commerciales en cash flow négatifs vont aller au tapis. Les pays vulnérables sont dans l’ordre : la Grèce, l’Irlande, la Biélorussie, le Portugal, l’Espagne, la France, la Turquie, l’Inde… Les pays qui devraient souffrir le moins sont Singapour, la Suisse, l’Allemagne, la Hollande, la Norvège, la Malaisie, Hong-Kong.
Pour l’investisseur, il faut donc continuer à éviter partout toutes les valeurs financières, ne détenir que des actions à cash flow positifs dans des pays à cash flow positifs, et bien sûr acheter massivement des « calls » à deux ans sur le dollar aux alentours de 1.25 dollar par euro. En effet, dans des circonstances similaires dans les années 80 et dans les années 90, le dollar à chaque fois avait quasiment doublé. Il n’est pas inutile aussi de vérifier que sa ceinture est bien attachée, l’atterrissage va se faire sur le ventre.