Un Indien dans le vil

Par Borokoff

A propos de La dernière piste de Kelly Reichardt 3 out of 5 stars

Michelle Williams

Oregon, 1845. Trois familles se dirigent vers l’Ouest en chariot, sous l’égide du trappeur Stephen Meek. Parce qu’il croyait connaitre un raccourci à travers les hauts plateaux désertiques, Meek se perd avec les trois familles dans les montagnes des Cascades. Sur une piste non tracée, ils capturent bientôt un Indien qui les suivait seul. Perdus au milieu de nulle part, les hommes et les femmes de cette embardée sauvage s’en remettent bientôt à l’Indien, conscients qu’il est leur dernière chance de trouver un point d’eau…

La dernière piste est un film sur l’attente. L’attente dans toute son acceptation absurde et beckettienne. Trois familles américaines et un trappeur attendent de trouver une piste pour les mener vers l’Ouest, cet Eldorado américain mythique du XIXème siècle. Ils n’attendent pas Godot mais de l’eau.

Paul Dano

Ce qu’ils vont trouver à la place, c’est un Indien qui ne parle pas leur langue. Parce qu’il n’est vêtu que de quelques oripeaux, parce que Meek entretient le groupe dans une paranoïa et des légendes plus ou moins inventées sur la supposée sauvagerie des Indiens, le groupe se méfie de cet Homme et le traite comme un animal étrange tout en comptant sur lui pour trouver de l’eau. Seule Emily Tetherow (Michelle Williams) réagit différemment et regarde avec considération l’Indien. Sans apriori mais avec l’intuition que ce n’est pas un homme mauvais comme le pense le reste du convoi.

La dernière piste a été tourné avec un format carré (utilisé dans le cinéma muet) parce que la réalisatrice aimait la profondeur de champ mais aussi la vision hors-champ qu’il permettait.

Toute l’intrigue s’articule autour de la relation qui nait entre Emily et cet Indien Cayuse. Une relation sans paroles, où tout se joue dans les regards. Faits d’abord de méfiance voire de défiance entre eux, les rapports entre Emily et l’Indien glissent peu à peu vers une confiance mutuelle mais implicite. La tension qu’instaure le format carré est renforcée par l’importance attachée au son (des micros ont été placés partout, dans les buissons, les roues des charriots, etc…).

La dernière piste, conte moraliste contemporain sur la vanité humaine ? Tous ces hommes qui croient profondément en Dieu et lisent à voix haute la Bible implorent qu’un Dieu les sauve, pauvres pécheurs égarés dans le désert. Emily elle-même accuse Meek d’être « vaniteux ». Seule certitude, La dernière piste est une fable sur la force tenace des aprioris et l’hypocrisie d’une société qui tout en condamnant un Homme, s’en remet entièrement à lui pour les sauver.

On pourrait dire de ce western ; « Rien de nouveau sous le soleil ». Mais la chute, extraordinaire d’ambiguïté, vient donner tout son sens à la narration et au récit écrits par Jon Raymond. A la fin, on n’en sait pas plus qu’au début sur le devenir de ce convoi. Et c’est toute l’intelligence de ce récit…

www.youtube.com/watch?v=4xB_VTd9dwU

Film américain de Kelly Reichardt avec Michelle Williams, Paul Dano, Bruce Greenwood, Will Paton, Zoe Kazan. (1 h 44)

Scénario : 4 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars

Acteurs : 3 out of 5 stars

Dialogues : 3 out of 5 stars