Un ZEHST d'audace

Publié le 29 juin 2011 par Toulouseweb
Faut-il prendre au sérieux le concept d’avion civil Mach 4 d’EADS ?
On s’interroge, on hésite entre imagination enflammée, ręve d’ingénieur condamné ŕ l’oubli ou début d’une grande aventure technologique. Une chose au moins est certaine, l’indifférence n’est pas de mise face au ZEHST, Zero-Emission High-Speed Transport : un trčs long-courrier capable de voler ŕ plus de Mach 4.
Nous avons heureusement tout le temps de nous préparer ŕ une telle révolution, l’entrée en service de ce descendant lointain de Concorde est envisagée ŕ l’horizon 2050. Le ZEHST est né de l’imagination d’EADS Innovation Works et plus particuličrement d’une vision ŕ long terme de Jean J. Botti, directeur général technique, trčs convaincant au point de ramener les multiples difficultés ŕ résoudre au niveau de la routine…trčs haut de gamme.
Cela étant dit, il convient de replacer ce travail hors du commun dans son juste contexte. Les fils et filles de Sud-Aviation et Aerospatiale sont encore et toujours fascinés par Concorde, un supersonique qui occupe une place unique dans l’histoire de l’aviation. Avec le recul voulu, peu importe son coűt et son échec commercial, seul reste l’exploit, qu’il faudra tôt ou tard renouveler, prolonger, parfaire. Personne n’a le droit d’affirmer aujourd’hui que le concept ZEHST est trop compliqué, trop difficile et probablement hors de prix. Tout au contraire, il y a en quelque sorte obligation Ťmoraleť ŕ s’y intéresser.
EADS Innovation Works n’est d’ailleurs pas seule. Elle s’appuie trčs logiquement sur les travaux d’Astrium consacrés ŕ un projet de petit avion spatial actuellement en panne de financement tandis que l’Onera apporte son savoir-faire. Enfin, scientifiques et ingénieurs français trouvent un encouragement au Japon, pays intéressé avec une belle constance par un hypothétique SST de nouvelle génération. Ces liens entre Paris et Tokyo ont été officialisés en 2005 par un accord liant le Gifas et son homologue nippon.
Au plan technique, ZEHST est tout …sauf simple. Cet appareil, dont la capacité se situerait entre 50 et 100 places, serait en effet doté d’une triple motorisation : deux turboréacteurs pour le décollage et la phase finale de l’arrivée ŕ destination, des accélérateurs d’inspiration spatiale pour monter jusqu’ŕ 23.000 mčtres et deux statoréacteurs pour atteindre Mach 4. Ces technologies sont maîtrisées depuis longtemps, ŕ commencer par celle du stato, une avancée française.
S’il est prématuré d’évoquer le rôle du ZEHST dans le transport aérien de la seconde moitié du sičcle, il est d’ores et déjŕ évident qu’il reposera sur une logique commerciale rappelant les grands principes qui avaient conduit ŕ Concorde au tout début des années soixante. C’est-ŕ-dire une vision élitiste du segment trčs haut de gamme du marché associée ŕ des tarifs inévitablement trčs élevés. Est-ce raisonnable ? Poser la question reviendrait ŕ tuer dans l’œuf un exercice peu ordinaire qui mériterait d’ętre poussé plus avant et pourrait conduire ŕ des conclusions probablement plus sages mais néanmoins pleines de promesses.
On en revient toujours au męme constat : l’aviation commerciale, que justifie avant tout la vitesse, Ťplafonneť ŕ 800 km/h depuis l’apparition des premiers jets. Concorde (et dans une moindre mesure le Tu-144) sont allés au-delŕ, mais l’ont fait de maničre malheureusement éphémčre. Les chocs pétroliers, les accidents conjoncturels, les difficultés de tous ordres qui agitent constamment la plančte Terre, ont fait le reste. D’oů l’intéręt suscité par toute tentative de reprendre l’ascension, surtout quand l’audace est au rendez-vous.
Pierre Sparaco - AeroMorning