Je ne sais trop si c'est parce que je reconnais certains sons se rapprochant de celui des marteaux piqueurs sur le bitume ou si c'est parce que j'aurais peut-être découvert cet album par un chaud mois d'été.
Ou tout simplement pour ses deux raisons. Mais cet album que je plante ponctuellement dans mon lecteur de cd à ce temps-ci d l'année rime toujours avec chaleur et sensualité.
L'album Loveless de la formation anglo-irlandaise My Bloody Valentine est toujours un incontournable pour mes oreilles et le four que devient ma voiture en été.
Je préviens tout de suite, ce n'est pas commode pour toutes les oreilles.
Kevin Shields et Colm O Ciosoig sont des amis de la petite école secondaire. En voyant le film d'horreur My Bloody Valentine en 1981, ils viennent de trouver le nom de leur band. Reste à en trouver le son. Et du son ce sera surtout.
Ils multiplient les concerts dès 1983 avec Shields à la guitare, O Ciosoig à la batterie, Dave Conway au chant et son amoureuse aux claviers. Gavin Firiday les aide à se trouver une niche en Hollande pour quelques concerts, mais incapables de payer le loyer, après trois mois, ils se sauvent à Berlin. Ils engagent la bassiste Debbie Googe en Angleterre.
Le groupe de Kevin Shields et Colm O Ciosoig (ainsi que Googe) venait tout juste de s'installer à Londres qu'il perd son chanteur Dave Conway et sa partenaire aux claviers qui quittent tous deux le monde de la musique. Le premier pour vivre de l'écriture romanesque (et sa santé est mauvaise pour la vie de tournée) et l'autre parce qu'elle ne croit pas en son talent de claviériste. Les deux ne croient plus tellement en la musique de toute façon.
Après une série de mini-albums et de concerts avec Conway entre 84 et 87 ils tiennent des auditions pour un nouveau chanteur. Comme ils mettent dans leur annonce que le band apprécie les mélodies de The Smiths, ils ont droit à une panoplie d'androïdes tentant d'immiter l'inimitable Morrissey. C'est l'adorable Bilinda Butcher qui décroche le poste et à qui on apprendra aussi à jouer de la guitare.
Ils enregistrent finalement leur premier effort en 1988.
Ce premier album fait tourner les têtes car les textures de guitare y sont étonnantes. Si les ventes sont moyennes, le milieu musical qui se perd dans le grunge de Seattle, s'intéresse au band. Assez pour que la nouvelle étiquette Creation les signent pour un deuxième opus.
Ce sera Loveless. Un album qui sera à la fois leur saint-graal et qui signera aussi leur mort. Album prévu pour être enregistré en 5 jours en 1989, il prendra finalement 2 ans à compléter et dans 19 studios!!!. Kevin Shields est si méticuleux, si maniaque de tous les sons, (relativement improductif aussi) qu'il ne se trouve jamais satisfait du résultat. Il enregistre, réenregistre et reréenregistre. Pour une chanson il superpose 13 fois sa voix et celle de Butcher. Bien qu'il ne voulait pas vraiment chanter sur le premier album non plus, il glisse encore la sienne à celle de Bilinda Butcher et fait en sorte que la musique soit toujours plus forte que les paroles sur celui-là.
Découvrant PJ Harvey à peu près au même moment, et Butcher ayant une très forte ressemblance à Harvey (la généreuse bouche surtout), je suis amoureux. Je veux ses lèvres (toutes les sortes), caresser ses cuisses, danser avec elle dans ses draps. Elle est irlandaise en plus!!!!!!!
(Non elle était anglaise et alors? elle restait toujours adorable)
I freaked out.
Mais pas autant que Shields. Pour enregistrer les voix, il fait poser des longs rideaux noirs sur les fenêtres et enregistre avec Butcher dans le noir sans que personne ne les voit ni les entendent. Les ingénieurs (il y en aura 18!) ne savent que le travail se déroule qu'en regardant les aiguilles qui bougent (ou pas) et n'entendent rien. Shields a une vision claire de ce qu'il veut mais la partage peu. Si bien que Debbie Googe se sentant inutile cesse de se présenter. Elle sera crédité sur l'album à la basse mais c'est en fait Shileds qui joue toutes ses partitions sur le produit fini. O Ciosoig a des problèmes personnels et bien qu'il joue sur tous les morceaux ses partitions sont courtes et répétitives. Sur l'un des morceaux, un interlude en fait, il fait toutefois tout dessus. Son, mixage, joue tous les instruments. La batterie sur l'album offre généralement des loops préenregistrées par O Ciosoig sur des subséquents morceaux récupérés par Shields. Certains éléments de production causent de sérieuses frictions. Shields prend 13 jours pour faire un mixage qui nécéssite généralement une seule journée. Le courant est coupé avec l'étiquette de disque quand Shields refuse de faire de la promotion pour l'album, n veut pas de single et ne veut pas que le nom du band soit sur la pochette (ce qui sera contourné avec l'avènement du CD)
L'album sera reconnu par le milieu. NME, Melody Maker, The Rolling Stones & Pitchfork Media, des sommités dans le monde de la musique le classe parmi les meilleurs sinon le meilleur album rock de 1991. Toutefois il devient évident que l'album ne jouera pas à la radio, ne recoupera jamais ses coûts et que l'avenir du groupe au sein de cette étiquette (ou ailleurs car la réputation de Shields est faite) est nulle.
Shields vit ensuite en hermite, "deviens fou" selon ses propres mots et on compare sa chute vers la folie à celle de Syd Barrett ou de Brian Wilson.
O Ciosoig a joint Hope Sandoval & the Warm Inventions.
Debbie Googe a fait du taxi à Londres.
Bilinda Butcher a joué avec Collapsed Lungs et Dinosaur Jr.
Shields a travaillé avec quelques artistes dont les excellents Yo La Tengo.
Loveless m'offre un son de ville assiégée par les pelles et les drills, mais avec une sensualité Ballardienne en même temps. Comme un rêve mécanique où on trainerait des chaises sur du plancher de granit.
Du chaud béton estival.
Luv it big time
I know you probably don't
Comme une moto faisant cavalier seul qui, fonçant dans un nid de poule géant, ramasserait les vidanges pleines de cannes de conserves.
Anyhow.
I'm Loveless toward summer.
Tout le monde sait ça.
And I Luuuuuuuuuuuuuuuuuuuuv Bilinda.