Par Yoani Sánchez, de La Havane, Cuba
La demande est si forte que pendant ces dernières semaines de cours les maisons de ces professeurs freelance sont prises d’assaut. Le coût d’une heure de soutien scolaire oscille entre 20 et 25 pesos cubains, le dixième d’un salaire moyen mensuel. Suivre ces cours permet de compenser le très bas niveau des enseignants du collège et du lycée, particulièrement dans des matières comme les mathématiques, la physique, la chimie et la grammaire. Mais il faut également dire que beaucoup de collégiens veulent rattraper dans la dernière minute le contenu de dix mois de cours auxquels ils n’ont pas prêté attention. La paupérisation matérielle et conceptuelle, l’excès d’endoctrinement idéologique et le peu de sérieux dans le respect des horaires scolaires se paient au moment des examens finals, et des milliers de parents sont prêts a payer plutôt que d’accepter un échec.
La réalité se moque ainsi des slogans. Ceux qui ont les moyens peuvent procurer à leurs rejetons un maître additionnel ; ceux qui ne les ont pas devront se contenter d’accrocher au mur un diplôme de fin de premier cycle. Ces jours-ci dans le séjour de n’importe quel appartement on voit des mains qui écrivent précipitamment, prennent des notes comme jamais, gardent le silence et manifestent un intérêt surprenant. Il s’agit des étudiants face à un professeur particulier, cet appui d’un enseignant supplémentaire sans lequel ils ne pourraient pas aller très loin. Ils savent que chacun de ces cours représente un sacrifice pour toute la famille, aussi absorbent-ils les mots, les chiffres et les théorèmes. Ils auront sans doute une longueur d’avance vers la ligne d’arrivée, avec un avantage sur ceux qui n’auront jamais eu de tuteur privé.