Hier, je me penchais sur la future ex-re-candidate à la présidence. Aujourd’hui, puisque l’actualité m’en donne l’occasion, je vais me pencher sur son indétrônable sidekick, le futur ex-re-président (vu le nombre de candidats à gauche). Nicolas Sarkozy, histoire d’occuper un emploi du temps probablement un peu trop vide, a décidé de présenter son bilan du Grand Emprunt. Grimaces et petites phrases.
Balayons rapidement l’objection que Nicolas Sarkozy aurait de façon parfaitement calculée présenté son bilan histoire d’occuper un terrain très encombré par la douzaine de socialistes de droite et de gauche qui parlent déjà des élections présidentielles de dans dix mois.
Oui, c’est évident, le locataire de l’Elysée a fait une opération de communication. Et oui, c’est aussi évident que le timing est propice à rapprocher son allocution des petits frémissements sporadiques des membres du parti officiellement socialiste alors que Titine va présenter sa super candidature qui va roxxer.
Mais on ne peut pas écarter non plus que le président ait aussi tenté le débriefing sur un sujet dont, au demeurant, tout le monde se fout (Le Grand Emprunt ? Quel Grand Emprunt ? Combien ? Quand ? Où ?) tout simplement parce que … le reste de l’actualité mérite largement qu’on détourne l’attention des Français.
Il ne faudrait pas que nos braves compatriotes s’inquiètent trop de ce qui se passe actuellement au plan international. Il y a deux bonnes raisons à cela : d’une part, les vacances approchent, et ce serait dommage de ruiner la consommation des touristes en leur rappelant la triste réalité. Et d’autre part, c’est la première semaine de solde, et ce serait dommage de ruiner la consommation des fashion-addicts en leur rappelant la triste réalité.
Tout est donc sous contrôle, rassurez-vous : les missiles à 150.000€ pièce continuent de dégringoler en pluie fine sur Tripoli. On va bien débloquer de l’argent pour sauver les banques françaises embourbées en Grèce l’Etat Grec de son impéritie, ça tombe bien, on a plein de thunes en coffre. Et il n’y a aucune raison de s’inquiéter d’un éventuel bank run (les déposants qui retirent tous leurs billes des banques) dans ce pays. Après tout, si Moody’s le redoute, c’est forcément pipeau :
A sustained decline of deposits by more than 35% (roughly equal to the consolidated banking system’s liquid assets and ECB funding availability) within a short period of time, would cause a severe shortage of cash among banks.
Et comme tout baigne, autant parler du reste, comme — au hasard — les réussites fulgurantes et les succès retentissants de notre président dans ses différentes aventures.
C’est facile, en plus, il y en a tellement ! Le thème choisi est encore plus fécond puisque le Grand Emprunt aura permis de sauver la France des affres de la misère totale. Rien de moins. Sarkozy n’y va en effet pas par quatre chemins pour l’expliquer, lui qui est même étonné de constater la sous-analyse chronique de « la plus grave crise que le monde ait connue » par une presse incapable de voir la gravité de la situation…
En tapant ainsi sur la presse, le président ne peut pas se tromper : la bande de chiffes molles qui forme le gros des éditorialistes de presse actuellement n’est pas très à jour sur les notions économiques de base ; c’est une belle brochette de littéraires, tentant fébrilement d’accéder au Graal de la règle de trois avant de s’attaquer bille en tête aux règles de composition des tranches de crédit mezzanine, prime et sub-prime que la crise aura jeté sur leur route. On imagine la panique.
Mais, à cette pique facile près, il n’en reste pas moins que le reste de l’intervention présidentielle a dû en faire bailler plus d’un.
Pour résumer, sur les 35 milliards que représentait le Gros Emprunt Joufflu (ah bon, 35 milliards seulement ?), déjà 20 ont été engagés. Pour rappel, le déficit budgétaire cette année s’établit à plus de 90 milliards d’euros, soit près de trois fois ce « gros » emprunt, qui a été contracté, pour mémoire, en 2010.
Cette année, la France a donc fait, très très discrètement, plus de 2.6 « Gros Emprunts Joufflus » pour simplement boucler ses fins de mois.
Ça a l’odeur de la cavalerie. Ça a la couleur de la cavalerie. Ça a la forme de la cavalerie et ça fait les mêmes bulles pétillantes. Bernie Madoff est formel : c’est de la cavalerie.
Si le président s’étonnait de la mollesse de la presse concernant les petits muscles présidentiels pendant la crise la plus grave que le monde ait connue, je m’étonne quant à moi de la mollesse de la presse devant ce constat : le gouvernement et les joyeux clowns à roulettes qui nous gouvernent crament 2.6 grands emprunts par an pour faire tourner la boutique, et ça ne semble choquer aucun de nos scribouillard.
Bref.
Pour en revenir au Petit Gros Emprunt Rikiki Devant Le Déficit, il faut comprendre que les 20 milliards claqués engagés l’ont été de façon à « éviter le saupoudrage« . Ce qui est comique et pas du tout relevé par nos amis de la presse, c’est que cet argent a donc été investi dans des entreprises dans lesquelles soit le privé n’avait pas investi (et dans ce cas, ce n’est pas très très bon signe, ne trouvez-vous pas ?) soit dans lesquelles le privé, justement, a déjà investi (et dans ce cas, pourquoi la puissance publique est-elle employée pour des gens qui se passent d’elle ? Pour pouvoir encore y mettre son grain de sel, avec le brio qu’on connaît ? Miam.)
Et puis, ces 20 milliards, il faudra bien les trouver quelque part, quand il faudra les rembourser. Et où, d’après vous ?
Dans la popoche des Français ?
Ah, mais non, mon bon monsieur : on y a déjà pris les 300 milliards du budget normal, on va aussi y piocher les déficits de 90 milliards par an, et les intérêts des dettes précédentes. On y prendra aussi les sous pour aider nos amis grecs, portugais, irlandais, et les autres. Alors bon, pour les 20 petits milliards, …
Tout ceci sent bon la préparation minutieusement réfléchie.
Quant à tirer un bilan, c’est, monsieur Sarkozy, un peu tôt, ne trouvez-vous pas ? D’une part, vous n’avez pas encore cramé tout le fric que vous avez su trouver (et que vous n’aurez jamais à faire rembourser, petit malin). D’autre part, tout investissement nécessite du temps pour mûrir. Un an après le début de l’opération, n’est-ce pas un peu tôt ?
Non, décidément. Cette opération de communication doit certes beaucoup aux agitations socialistes. Mais elle doit aussi, à n’en pas douter, aux signaux alarmants qui proviennent d’Europe.