Hier, sur twitter, nous avons eu une micro conversation sur une phrase d’isabelle Alonso qui disait qu »‘une jeune femme qui s’habille sexy pour aller au boulot est aliénée« . (précision elle a dit qu’elle même l’était).
Fouyouyou que n’avait-elle pas dit là. (entre la défense de Osez le féminisme et d’isabelle Alonso, la chaleur doit m’atteindre).
Il faut préciser qu’avec la femme occidentale, il faut prendre des précautions.
Tu peux parfaitement dire que la femme africaine est soumise, que la femme musulmane l’est aussi et obéit à des conditionnements mais il ne faut pas trop toucher à la femme occidentale. En gros quand Rachida met son voile c’est sous pression patriarcale, masculine mais quand Régine colle ses talons hauts c’est par libre choix indépendant de femme libérée qui s’assume.
Régine qui pense sincèrement que quand elle s’épile les grandes lèvres à la cire chaude le fait par goût personnel. Sisi.
Qui pense qu’elle s’applique une couleur bleue sur les paupières par goût personnel. Sisi.
Qui pense que se promener sur 12 cm de talons est pour se plaire à elle même.
Comment dire.
Je vais d’abord faire un petit apparté, toujours nécessaire. Aucune féministe n’a jamais interdit à qui que ce soit de se maquiller, de s’épiler ou de mettre des talons hauts. (scoop plein de féministes le font d’ailleurs).
Nous questionnons ici l’idée du libre choix ; auquel je ne crois pas, pour aucun domaine de la vie. Etre libre signifierait qu’on est affranchi de toute influence extérieure et qu’on agit indépendamment d’elles. Comme je vous l’avais déjà dit une fois ; si nous tentions l’expérience – certes peu éthique – d’enfermer un enfant fille dés sa naissance dans un labo loin de toute influence extérieure, je doute qu’elle nous demande un jour de la cire Veet.
Si nous sommes nombreuses à considérer, par exemple, que les jambes féminines sont plus jolies sans poil, cela n’est pas parce que d’un coup, par une sorte de miracle collectif, nous avons toute eu cette idée ultra personnelle de nous les épiler. Il y a derrière quelques 30 ans de conditionnement social.
L’épilation qui est hautement codifiée sert de manière implicite à dissocier les hommes des femmes, et à se poser comme sujet sexuel bien défini.
« je suis femme parce que j’ai des poils à tel endroit mais surtout pas à tel autre« .
Comme on avait « je suis de telle ethnie et belle car j’ai des poils à tel endroit » (voir Frida Kahlo).
Si je me trouve jolie avec tel type de vêtements cela n’est pas par goût personnel. Mon esthétique est façonnée depuis ma naissance. Je serai née au 18eme siècle que je trouverai les vêtements actuels ignobles. Je vivrai chez les Hulis en Papouasie Nouvelle Guinée que je ne me maquillerai pas alors que mon mari le serait.
Et si je me sens mieux, plus jolie, avec du fond de teint, et une jupe comme ci ou cela, c’est parce que l’esthétique, qui se construit sur des goûts collectifs et une culture commune m’y a poussée.
Pensez-vous vraiment que vous avez eu seule l’idée hautement saugrenue de vous coller du gras de couleur sur les lèvres en trouvant cela joli ?
Et donc que voulait dire Alonso au final ?
Qu’une femme qui s’habille sexy (et le fait peut-être car elle se sent mieux ainsi) a intégré des codes sociaux qui font qu’elle associe le « sexy » à « être bien ». Un homme sera par exemple rarement sexy dans un contexte de travail ; il a intégré d’autres codes ; professionnels, impression d’autorité etc.
Elle est donc aliénée (au sens marxiste ou hegelien). On l’est tous et toutes et cela ne veut pas dire qu’Alonso porte un jugement sur cette femme.