Des chiffres et des maĂŽtres...

Publié le 28 juin 2011 par Guy Deridet

Des chiffres et des maîtres...

Un article d'Edouard LAUNET dans Libération, sur les délire de la lexicographie, qui m'a fait sourire. Et, croyez moi, le blogueur que je suis, qui parcourt Internet à longueur de journée, n'a pas souvent l'occasion de se dérider. ce qui est tout de même un comble...


Astérix et son gros copain sont réputés pour leur propension à assommer tout ce qui passe à portée de poings. Si bien qu’une équipe d’universitaires allemands, épluchant les 34 albums déjà dédiés aux aventures des deux irréductibles, a pu y recenser 704 cas de traumatismes crâniens de gravité variable.

L’article de ces chercheurs, tout juste paru dans les Acta Neurochirurgica, indique que les Romains sont les victimes les plus fréquentes (63,9% des cas) et les Gaulois les agresseurs les plus probables (près de 90%). Plus de la moitié des traumatismes s’accompagnent d’une perte de conscience avec souvent un effet sur le nerf hypoglosse, c’est-à-dire que la langue de la victime pendouille lamentablement sur le côté de la bouche. Cependant, aucun décès ni déficit neurologique permanent n’a été constaté.

Les chiffres ont cette qualité, parfois, d’éclairer sous un jour radicalement nouveau une œuvre littéraire ou graphique.

Profitant d’une nuit d’insomnie, nous venons de reparcourir crayon en main l’intégralité d’A la Recherche du temps perdu et n’avons pu y trouver le moindre cas de traumatisme crânien, sauf peut-être lors du déraillement du train qui fait arriver monsieur de Grouchy chez les Guermantes avec une heure de retard. On croise malgré tout quelques attaques cérébrales comme celle, bien connue des proustiens, dont la grand-mère du narrateur est victime dans les jardins des Champs-Elysées. Plus remarquable : il y a 9 occurrences du mot baromètre dans la Recherche, ce qui dénote chez Proust un intérêt soutenu pour la météorologie.

Flaubert était beaucoup moins attentif au ciel. Relisant rapidement Madame Bovary ce matin, nous y avons repéré 18 fois le mot pluie, mais jamais les termes averse, crachin, ondée ou bruine. C’est dire si la météorologie flaubertienne ne fait pas dans la nuance. Le climat normand non plus, il est vrai.

Une impasse sur le déjeuner vient de nous permettre de souligner 26 fois le mot rain dans Finnegans Wake, mais une seule fois ragnowrock, présent dans l’expression «playing ragnowrock rignewreck». Cette occurrence du mot ragnowrock est d’ailleurs la seule connue dans toute la littérature mondiale. Se passer également de dîner devrait nous permettre de lancer nos logiciels de lexicométrie à l’assaut des œuvres de Tolstoï et de Mishima, à la recherche du nombre de blessures par sabre.

Concernant le roman policier britannique, une bonne partie du travail a déjà été faite. La Crime Writer’s Association vient en effet d’annoncer que, sur l’ensemble de la production de l’an passé, le nombre moyen de cadavres par ouvrage était de 8,38. Le maximum est de 150. Quelques techniques originales parmi les assassinats 2010 : collages simultanés de la bouche et des narines à la superglue, coup d’euphonium - gros instrument à vent aussi appelé tuba ténor - sur la tête de la victime, taxidermie effectuée sur un sujet humain vivant (au début du moins).

Autre atrocité chiffrable : la prochaine rentrée littéraire est grosse de plus de 700 nouveaux titres. Euh… il reste un peu de potion magique et une paille ?

N.D.D.R

Édouard Launet, reporter au service Culture du quotidien Libération, auteur du rafraîchissant : Viande froide cornichons. Dans les Annales des sciences médico-légales...