Laurent WAUQUIEZ a récemment jeté un pavé dans la marre en abordant le problème selon lui de l’assistanat, qualifié de « cancer de la société française ». Cette idée était en partie appuyée par une étude menée par l’Ifop1 .
Cette enquête prend corps dans un pessimisme général extrême : pour la première fois depuis 1979, plus de la moitié de la population (51%) croit en une détérioration prochaine de ses conditions de vie personnelles. Avant 2007, ce taux n’avait jamais dépassé les 41%.
Les perceptions et attentes des Français vis-à-vis des prestations sociales sont donc directement conditionnées par ce climat et par une anticipation fortement négative de l’évolution du taux de chômage : début 2008, 47% des Français anticipaient une augmentation, un an plus tard ce chiffre était monté à 85%.
Une demande profonde de réformes en matière d’aides et de protections sociales
N’en doutons point : le système d’aides et de protections sociales sera un thème majeur de la campagne présidentielle. Tous s’accordent, dans une large majorité, sur la nécessité de profondes réformes.Depuis 2007, la proportion de Français estimant qu’ « il faut apporter de profonds changements en matière d’aide et de protection sociales » reste stable autour de 8 personnes sur 10. Dans le détail des ventilations, presque toutes les catégories de population partagent ce constat avec une majorité d’au moins trois individus sur quatre.
Il est à noter que cette proportion a particulièrement augmenté chez les personnes âgées de 70 ans et plus (+4), les cadres supérieurs (+9) et chez les résidents dans des villes de moins de 2.000 habitants (+6).
A l’inverse, les étudiants marquent la chute la plus forte (-10 points, de 84% à 74%).
Le jugement à l’égard des différentes prestations
Des prestations sociales insuffisantes
Depuis 1981, une large majorité de Français estime que les prestations sociales attribuées aux familles qui ont des enfants ne sont pas suffisantes (62% de 64% à 52% des Français les jugent insuffisantes, quand 26% à 42% estiment l’inverse).
En 2009, 62% les jugent insuffisantes quand un tiers des répondants pensent l’inverse.
Le RMI : coup de pouce ou revenu désincitatif ?
Jusqu’en 1993, le débat n’existe pas : au moins deux Français sur trois estiment que le RMI constitue avant tout un coup de pouce.
En 1993, année de forte crise économique, ce chiffre chute à 57% ; la part des personnes considérant que le RMI risque d’inciter les gens à s’en contenter et à ne pas chercher de travail – la logique de l’assistanat dénoncée par Laurent WAUQUIEZ – monte à 39%.
Ce point de vue se développe progressivement pour devenir majoritaire en 1999 (période de forte croissance économique) jusqu’en 2005.
La proportion est relativement proche jusqu’au début de la crise où l’aspect solidaire prend le dessus sur la dénonciation d’assistanat (54% contre 44%). Il est à noter que les travailleurs indépendants (53%), les non-diplômés (52%) ou les retraités (50%) sont les plus fervents dénonciateurs de l’effet décinsitatif.
Mais cette tendance ne cache pas une générosité béate car une large majorité considère les minima sociaux en général avant tout comme un moyen devant permettre « à tous les membres du ménage susceptibles de travailler d’exercer une activité » (62%). Les sexagénaires et les titulaires de revenus moyens-hauts (compris entre 2.300 et 3.100€ par mois) sont ceux qui insistent le plus sur cette dimension (à respectivement 68% et 67%).
A peine un tiers ne justifie ces revenus dans leur aspect le plus solidaire en permettant « au ménage bénéficiaire de disposer d’un certain niveau de revenus » (34%).
Ce lien, si présent à l’esprit d’une majorité, entre le RMI et retour à l’emploi, existe peut-être parce que perdure la croyance en la possibilité d’un retour à l’emploi : depuis 1991, au moins trois répondants sur quatre considèrent que les personnes qui touchent le RMI « sont, pour la plupart, des gens capables de trouver un travail, si on les aide ». Ce chiffre monte même jusqu’à 85%. Les étudiants (93%), les jeunes (92%), les bacheliers (92%) ou les titulaires de revenus élevés (90%) en sont particulièrement convaincus.
Seuls 14% pensent à l’inverse que ces bénéficiaires du RMI sont, pour la plupart, « des gens qui ne pourront jamais trouver du travail ». Les non-diplômés se montrent les plus pessimistes (21% d’entre eux estiment que, pour la plupart, les personnes qui touchent le RMI ne pourront pas retrouver un travail).
Une autre tendance forte, malheureuse en l’occurrence, mais qui peut expliquer ce phénomène de diédabolisation du RMISTE, renvoie à la banalisation quotidienne au statut de RMIste. Alors qu’en 1992, seulement un tiers de la population connaissait dans son entourage un RMIste, ce chiffre ne fait que s’amplifier pour devenir la normalité avec 57% des gens dans cette situation. Ce constat est particulièrement vrai chez les urbains d’agglomérations de 20.000 à 100.000 habitants.
Une majorité estime que les pouvoirs publics n’en font pas assez pour les plus démunis
Contrairement à une idée reçue, les rapports de force entre les partisans d’un renforcement de l’action de l’Etat en faveur des plus démunis et ceux d’un relatif désengagement est relativement stable depuis 20 ans. A peu près les deux tiers de nos concitoyens considèrent que l’Etat n’en fait pas assez, cette tendance tend à progresser légèrement (de 62% en 199168% en 2009) quand pas plus de 5% pensent le contraire. C’est en fait le cas des « juste assez » qui constitue la seconde majorité avec environ un tiers (de 34% en 1991 à 27% en 2009) estimant que l’Etat fait ce qu’il doit faire.
Le sentiment que les pouvoirs publics ne font « pas assez » pour les plus démunis varie de 55% (chez les plus de 70 ans) à 78% (chez les bénéficiaires d’un minimum social). Les ouvriers (75%), étudiants (74%), parents d’un seul enfant (74%) ou allocataires de prestations familiales (73%) partagent ce constat.
Sur cette question, il est intéressant de noter que contrairement à ce que l’on aurait pu penser, il n’existe désormais plus de corrélation directe entre le nombre d’allocataires du RMI et la proportion de personnes estimant que les pouvoirs publics n’en font pas assez. Si ce lien était vrai entre 2001 et 2008, ce n’est désormais plus le cas.
Les liens entre les perceptions des effets du RMI d’un côté et des bénéficiaires du RMI ainsi que du rôle de l’Etat dans l’aide aux plus démunis de l’autre est résumé dans ce tableau.
Se dénote une cohérence assez claire qui permet d’opérer une typologie :
- les « optimistes » : ils soulignent l’aide que constitue le RMI et considèrent que les prestataires de cette allocation sont pour la plupart des gens capables de trouver un travail (90%). Les trois quarts estiment que les pouvoirs publics n’en font pas assez.
- Les « fatalistes » : ils pensent que les personnes vivant dans la pauvreté « n’ont pas eu de chance », 86% d’entre eux estiment que ces personnes peuvent s’en sortir et les trois quart attendent plus des pouvoirs publics.
- Les « solidaires » : ils mettent en avant la nécessité du RMi qui permet aux familles défavorisées de vivre (86%) et attendent (74%) plus des pouvoirs publics.
- Les « responsabilistes » : une plus petite proportion considère que la prise en charge des familles défavorisées leur enlève tout sens des responsabilités (84%). Ils ne sont cependant que 8% à estimer que les pouvoirs publics en font trop, une majorité (57%) pensant même le contraire
Les attentes en matière de revalorisation de prestations : en haut les retraites, le RMI et les prestations en chômage en queue de peloton
C’est une constante désormais, les prestations vieillesse sont celles qui bénéficient du plus large soutien : « le solde net » entre les personnes souhaitant voir ces prestations augmenter et celles appelant sa diminution est au plus haut (+28). A l’autre extrême, les prestations chômage accusent un solde négatif de -10. L’ensemble des soldes est présenté dans le tableau ci-dessous.