Patients 2.0 vs médecins 2.0

Publié le 27 juin 2011 par Cathcerisey @cathcerisey

J’ai eu la grande chance d’être invitée au colloque Doctors 2.0 organisé par Denise Silber qui s’est tenu à la Cité Universitaire de Paris les 22 et 23 juin dernier. Cette conférence a réuni pendant deux jours tout le gratin mondial de la santé 2.0 : médecins, pharmaciens, industriels et quelques patients se sont retrouvés pendant deux jours pour débattre de la présence des acteurs de la santé dans un internet désormais incontournable. 

La santé 2.0, c’est quoi?


La santé 2.0 est une extension du web 2.0 : un internet simplifié, interactif qui, avec l’émergence des forums, réseaux sociaux et des blogs a changé notre façon d’utiliser cet outil. Depuis quelques années, non seulement l’utilisateur trouve des informations mais il y contribue lui même en commentant et étoffant ainsi le contenu grâce à une participation active.

Nous sommes tous des patients 2.0

Le thème de la santé est très présent sur internet : il est loin le temps où nous ne disposions que du Vidal pour essayer de décoder la consultation médicale. Les patients recherchent des informations sur leurs symptômes, pathologies, diagnostics, traitements et si l’on recherche le simple mot « cancer » sur google, nous trouvons pas moins de 651 millions de résultats. Lequel d’entre vous ne s’est pas précipité sur un moteur de recherche afin de comprendre un résultat d’analyses aux termes nébuleux, de trouver des astuces pour supporter la chimio, de lire des pourcentages de survie pour se rassurer … ? De fait, même si vous ne connaissiez pas ce terme de santé 2.0 auparavant, en lisant cet article, vous êtes vous même un patient 2.0.

Et si, comme je l’expliquais dans un post précédent, le trio internet, médecin et patient est incontournable, malheureusement, le problème majeur est que l’on trouve un peu tout et n’importe quoi sur le web. Il est, il faut bien le dire, difficile de faire le tri dans cette mine d’or à notre disposition. Les sites santé poussent comme des champignons et certains contiennent des informations peu fiables et/ou obsolètes. Il existe pourtant  une certification, HONcode très peu connue du grand public, qui atteste du sérieux des sites et de leurs éditeurs mais dont la charte ne s’intéresse pas au contenu. Rien ne vous assure donc que vous n’êtes pas en train de lire un article totalement fantaisiste. Les forums et les blogs sur lesquels les patients sont très présents, véhiculent des informations non vérifiées, parfois fausses qui les laissent avec des réponses que doivent souvent infirmer les médecins dans le secret du cabinet. Qui n’a pas entendu son praticien pester devant le temps qu’il allait devoir perdre en discutant avec vous de vos dernières trouvailles sur le net.

Et le médecin 2.0  dans tout ça? 

Mais, finalement, ne serait-il pas plus simple pour les médecins, plutôt que de critiquer l’inévitable, d’utiliser eux aussi le net afin de fiabiliser l’info qu’obtient le patient? Et de fait, les médecins sont les grands absents du net. En effet, le patient définitivement 2.0, se retrouve à échanger, non pas avec un professionnel de santé, mais avec un autre patient, que ce soit sur les forums, les réseaux sociaux type Facebook ou les blogs. Les médecins sont denrées rares sur la toile. Et quand ils sont présents c’est sous forme de  sites institutionnels plus 1.0 que 2.0 ne permettant pas l’interactivité nécessaire ou dans quelques sites de médecins destinés à leurs collègues.  Quant à twitter, il faut noter une présence confidentielle, essentiellement tournée vers l’échange d’informations et des blagues de potaches sans intérêt pour le patient et très border line déontologiquement. Le patient 2.0 a donc finalement peu de chance de croiser un médecin 2.0.

Or, si, comme il a été dit, il paraîtrait un peu exagéré d’ être ami avec son médecin sur Facebook, on aimerait trouver plus de médecins blogueurs, et de sites édités par des professionnels à destination du grand public.

Si les médecins doivent d’avantage venir sur le web, ce n’est pas seulement pour discuter entre eux mais bien pour se tourner vers nous. Or vulgariser l’information pour la mettre à notre portée n’est pas chose facile, soyons honnêtes, mais c’est pourtant ce vers quoi nous devons tendre. Qui mieux que les professionnels de santé peuvent nous renseigner et nous informer clairement? Qui mieux qu’eux peuvent éviter les dérives tant décriées ? Nous empêcher d’aller chercher de l’info sur Google est une utopie, tirons en les conclusions.

Bref, comme dans la vraie vie, ces deux mondes se croisent peu ou pas et finalement ont un problème de communication patent.  Si le dialogue patient/médecin est indispensable IRL, il l’est tout autant via internet. Manque de temps, des générations peu sensibilisées à l’outil, une déontologie et un conseil de l’Ordre pas encore très clairs… un tas de raisons ont été avancées lors de cette conférence  pour justifier cette défaillance. Mais l’existence même de ce colloque prouve bien qu’il y a problème et donc … solution. Et la présence de patients lors de ce genre de conférence a permis de confirmer leur place comme essentielle dans le paysage de la santé 2.0.

Le patient est devenu un acteur avec lequel il faut compter et devient un véritable partenaire de son médecin dans le processus de guérison. Internet fait partie des outils avec lesquels cet échange peut se faire, facilement et sans intermédiaire. Croisons les doigts pour que nos médecins français deviennent les Doctors 2.0 de demain en amorçant rapidement ce virage important de leur profession.

Catherine Cerisey