Web & Législation
LE DROIT A L'IMAGE EN CONSEIL MUNICIPAL
Nous voici reparti dans le droit à filmer une séance de Conseil Muncipal puisqu'un article paru récemment dans le quotidien régionalLe Parisien / Aujourd'hui en Frances'est fait l'écho, dans sa version papier, des nouveaux déboires du blog citoyenLe Raincy Nonosuite à l' incident survenu le 17 juin dernier entre le blogueur et Eric Raoult, Mairedu Raincy et patron emblématique de l'UMP en Seine-Saint-Denis. Le blogueur aurait en effet été interdit de captation vidéo de la séance publique. Face au refus du blogueur, justifié et conforté par la jurisprudence, le Maire du Raincy aurait alors décidé d'une séance à huis-clos. Toute la salle aurait été évacuée.
Politiquement, c'est, à mon sens, contre productif. Vis-à-vis des ses administrés électeurs, il pourrait passer pour un censeur, ce qui n'est jamais bon pour une saine démocratie locale.Être élu, c'est aussi savoir accepter le débat contradictoire, des opinions différentes et de les repecter.
Le Blogueur est dans son droit
Ce problème a été soulevé à moult reprises sur de nombreux blogs et, nous-mêmes, l'avions évoqué sur nos pages le 3 février 210 suite à un incident similaire survenu à Noisy-le-Sec avec un autre blogueur. ( « Blogs, posteurs et Politique : Peut-on filmer un Conseil Municipal ? »)
En effet, une séance publique de Conseil Municipal est par définition "publique"sur le plan du Droit, édicté en l'espèce par le Code des Collectivités Territoriales. Les Elus qui y siègent, de surcroît dans un bâtiment public, étant présents dans le cadre de leur mandat électif,leur droit à l'image n'est plus opposable à un tiers pour ce qui concerne la captation. Le cas s'était présenté il y a quelques années avec nous à Noisy-le-Sec : Une élue n'avait pas souhaitée être filmée et s'était recouvert le visage d'une écharpe. Le Maire à l'époque des faits, en bonne garante de la Police de l'Assemblée, avait invité cette élue à soit se découvrir soit quitter la salle du Conseil. Cette élue a donc quitté la salle quelques instants, et de notre part, pour ne pas transformer notre salle du Conseil en champs de foire, bien que nous étions dans notre droit, avions fait savoir que nous ne cadrions plus sur cette élue. Fin de l'incident.
Cliquez sur la photo ! Un article très en rapport avec le sujet !
Quoi qu'il en soit,notre édile avait tout à fait raison: Un élu ne peut siéger visage caché et ne peut refuser d'être filmé dans l'exercice de son mandat. Il peut donc s'agir d'une séance de Conseil Municipal mais aussi de toute manifestation publique où l'élu est présent en qualité d'élu dès lors que l'on peut aisément justifier qu'il n'était pas présent à titre personnel. Ainsi un élu, même en tenue décontractée, peut être filmé ou photographié par exemple lors d'une inauguration d'une fête, d'un évènementiel, d'une remise de trophées, ...
C'est en ce qui concerne la publication qu'il faut être plus prudent. En effet, la loi précise bien que les images des élus doivent présenter un caratère illustratif probant, donc avoir un lien substentiel avec le contenu de l'article ou bien avoir un caractère historique. Nos images d'archives qui illustrent cet article répondent à ces critères (Elles sont en rapport avec le sujet et présentent un caractère historique).
C'est sur le détournement de l'usage qu'éventuellement l'élu peut poursuivre.
Ce peut être un texte grossier, insultant ou diffamant associé à l'image. Ou bien une image truquée, dont le but est de nuire à la personne photographiée ou filmée.Cette loi protège aussi le bloggueur pour ce qui concerne ses images publiées. Par exemple, une de nos photos de notre voiture de Police Municipale a plu semble-til à d'autres internautes et l'on utilisée pour illustrer leurs billets. N'ayant pas de caractère commercial, nous en restons malgré tout garant du "caractère moral" de son utilisation.
Je n'évoque pas ici la caricature ou le dessin de presse humoristique dont la subjectivité doit parfois être tranchée par les Tribunaux. Par défaut elles sont autorisées (liberté de la presse) mais parfois, selon la susceptibilité des uns ou des autres, elles sont attaquées.
Cas particuliers
Prenons l'hypothèse d'un mariage. Il se déroule dans un bâtiment public, donc on devrait pouvoir filmer. Il en est de même pour l'élu qui préside la cérémonie puisqu'il exerce dans le cadre de son mandat électif. Mais vous ne pourriez pas filmer les mariés et leurs convives qui, eux, sont présents dans le cadre de leur vie privée !
Autre exemple :LorsqueMonsieur Gilles Garnier (PC), Conseiller Général de Noisy-le-Sec s'était vu remettreses insignes de Chevalier dans l'Ordre National du mérite, la cérémonie était publique ce qui nous a permis de vous en rapporter des images.
Le 29 juin prochain,Madame Nicole Rivoire (MoDem), ancien Maire et actuelle adjointe au Maire, recevra ses insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur. Mais cette cérémonie, bien que se déroulant dans un lieu public qu'est la Mairie, se déroulera sur invitation nominativeet les invités devront se munir de leur carton d'invitation pour y assister.De facto, la cérémonie devient privéeet il nous faudra obtenir tant l'autorisation de tournage du Maire en sa qualité de propriétaire des murs que de la récipiendaire elle-même à titre personnel, si l'on veut pouvoir vous en ramener des images (y compris photographies).
D'emblée, il faut préciser qu'à Noisy-le-Sec, à ma connaissance, la première fois qu'une Séance de Conseil a été filmée en vidéo, c'était en 2007, lors du dernier Conseil Municipal présidé par Nicole Rivoire (Modem ex UDF) lors de la mandature 2003/2008. Tout d'abord surprise par cette nouveauté, elle me demanda de ne pas filmer. Alors que je m'apprêtais à lui remettre les documents cités dans cet article, son Directeur de Cabinet s'est penché vers elle. J'ai alors été autorisé à filmer dans les conditions également présentées dans cet article.
Sous la mandature de gauche suivante (2008/2010), les blogueurs (Sur Noisy-le-Sec, on est pas mal servis, paraitrait même que notre ville serait un cas d'école dans ce domaine) on a pu filmer sans aucune difficulté, y compris un blogueur qui était en procès avec certains élus.
Et depuis décembre 2010, Monsieur Laurent Rivoire (NC), Nouveau Maire depuis les partielles n'a pas non plus posé de problème.
Donc à Noisy-le-Sec, il faut l'admettre, les élus, de toutes sensibilités, sont ouverts d'esprits. Bien qu'il y ait eu plusieurs procédures judiciaires relatives à certaines publications, cela reste finalement un nombre limité face auxmilliers de billets publiéssur les blogs noiséens (blogs citoyens mais aussi blogs des groupes politiques).
De même, il faut préciser que les blogueurs ont toujours été discrêts et n'ont pas posé de problème non plus.
Voici donc quelques règles opposables à vos Maires, et dont il faut reconnaître que beaucoup d'entre-eux (36.000 maires en France je crois), ne posent aucun problème.
Les Blogueurs sont auteurs & éditeurs de presse
En effet la léfislation numérique implique aux blogueur le statut d'auteur mais aussi d'éditeur de presseet les poursuites sont toujours en rapport avec des "délits de presse". Voici ce que j'avais rédigé le 3 février 2010.
Il convient donc peut-être de rappeler quelques règles de droit applicables lors d'une séance du Conseil Municipal.
Image d'illustration. Conseil Municipal à Noisy-le-Sec Octobre 2009
© Archives JENB Productions
Dispositions générales
Hormis les cas aussi rares que particuliers desséances tenues à huit-clos[1]auxquelles le public n'est pas autorisé à assister, le cadre législatif général d'une séance du Conseil Municipal estla publicité des débats[2]
Ainsi, la convocation et l'ordre du jour doivent être affichés en Mairie (voire sur des panneaux annexes d'affichages municipaux dans les quartiers) pour inviter le public à assister aux débats.
D'usage, la séance se déroule en mairie.Elle peut être délocaliséeen un autre lieu de la commune, comme ce fût le cas à Noisy-le-Sec le 14 janvier2010, mais le lieu de la séance ne doit pas contrevenir «au principe de neutralité, qu'il offre les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires et qu'il permet d'assurer la publicité des séances»[3]Il doit répondre aux critères habituels de sécurité appliqués aux lieux recevant du public, critères variables selon la capacité de la salle.
En conséquence, toute personne est invitée et peut assister à une séance du Conseil Municipal. Vous pouvez également assister à une séance publique d'un Conseil Municipal d'une autre ville, d'une intercommunalité,...
Police de l'Assemblée
C'est sans doute cette notion qui pose le plus de problème dans son interprêtation. En effet, C'est le Maire, et lui seul, qui détient les pouvoirs de Police de l'Assemblée : «Le maire a seul la police de l'assemblée. Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi.»[4]
Mais où se situe la notion de "trouble" pour une bonne sérénité des débats ?
D'une façon générale, le public n'est pas autorisé à s'exprimer. Il n'est pas autorisé non plus à manifester son approbation ou sa désapprobation lors des débats. Le public doit donc respecter cette règle de base, applicable à tous, dès lors que la séance est déclarée ouverte.
Cas particuliers des blogueurs
Les blogueurs citoyens qui assistent à une séance du Conseil municipal le font généralement dans le but de diffuser ensuite sur leur blog tout ou partie des débats. Progrès technologiques obligent, de plus en plus d'entre eux procèdent à un enregistrement de la séance, audio ou vidéo, ainsi que des photographies.
En l'espèce,l'affaire Ferdinand Bernhard, est assez éloquente[5].Cet élu UDF en 2005 avait vu l'une de ses décisions (faire une demande écrite 72h à l'avance pour filmer un conseil municipal) annulée par le Tribunal administratif. Malgré tout, au début de la séance suivante, l'édile avait déclaré : «(...) Je précise donc que je considère que le fait de filmerest de nature à troubler les débats, je demande donc aux personnes qui sont en train de filmerd’arrêter de filmer. Premier avertissement. Les personnes continuant de filmer, je fais donc réquisition à monsieur le commissaire de police pour faire arrêter les films, (...)» Il y a là unabus de pouvoircaractérisé parfaitement attaquable en justice.
D'ailleurs, un jugement dutribunal administratif de Nice en date du 5 mai 2008est précis : «l'enregistrement audiovisuel ne peut pas être soumis à un régime d'autorisation préalable.»
Mais c'est sans doute l'intervention d'une Députée qui expose clairement la problématique.
Suite à unequestion posée en mai 2005 par la députée UMP Mme Zimmermann[6], le Ministre de l'Intérieur est catégorique: «En vertu des pouvoirs de police de l'assemblée qu'il tient des dispositions de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, il appartient au maire de prendre les mesures propres à assurer le déroulement normal des séances du conseil municipal. Le principe de publicité des séances posé par l'article L. 2121-18 du même code, qui a conduit le législateur à prévoir la retransmission des séances par les moyens de communication audiovisuelle, fonde le droit des conseillers municipaux comme des membres de l'assistance à enregistrer les débats. Ce droit reconnu par la jurisprudence administrative a conduit les juges à considérer comme illégale l'interdiction par le maire de procéder à un tel enregistrement dès lors que les modalités de l'enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux de l'assemblée communale (CAA de Bordeaux, 24 juin 2003 n° 99BX01857 ; CE, 2 octobre 1992, commune de Donneville ; CE, 25 juillet 1980, M. Sandre).»
Une position ministérielle confirmée au Sénaten décembre 2008 lors d'une réponse à une question du Sénateur Jean-Louis Masson (NI)[7]
En l'espèce,la position ministérielle, confortée par la jurisprudence, autorise tout citoyen à filmer une séance du Conseil Municipal
Dans quelles conditions filmer
Sauf si le Maire l'autorise à se placer en un endroit plus propice à une captation de qualité, ce qui est généralement accordé si la demande est formulée poliment, le blogueur devra donc se positionner dans l'espace réservé au public, sans gêner ce dernier. Le fond de salle semble le plus adapté. Les zooms actuels permettant malgré tout des plans rapprochés. Autre avantage, le public est ainsi filmé de dos, ce qui évite tout problème de droit à l'image. La torche (ou minette) est à bannir, d'autant que l'éloignement la rendra inéfficace.
Pour les photographies, le flash est fortement déconseillé.
Image d'illustration. Conseil Municipal à Noisy-le-Sec Octobre 2009
© Archives JENB Productions
Droit à l'image
La législation est très claire en ce domaine: «Toute personne, quelque soit sa notoriété, dispose d’un droit exclusif sur son image (brute ou faisant partie d’un montage photographique) et l’utilisation de celle-ci. Elle peut s’opposer à une diffusion sans son autorisation et éventuellement aller en justice»[8].Concrêtement, lors d'un Conseil municipal, on ne peut filmer ou photographier sans son autorisation, unepersonne isoléedans le public. En vidéo, vous pouvez enregistrer l'accord de la personne en début de captation. De même, le seul fait pour une personne de répondre à une interview vidéo vaut accord tacite. En photographie, en revanche, vous n'avez d'autre choix que de faire signer une autorisation écrite pré-remplie.
Toutefois, un conseil municipal étant par définition une manifestation publique dans un lieu public, des plans larges (plans masse) du public sont autorisés.
Concernant les élus: «Les personnages publics ou célèbres peuvent ainsi voir leur image utilisée à des fins d’actualité ou de travail historique, dans l’exercice de leur activité professionnelle et dans le respect de la dignité humaine»[8]
La loi autorise donc les élus à être filméslors de manifestations publiques lorsqu'ils interviennentdans le cadre de leur fonction élective. Ce qui est le cas du Conseil Municipal, mais aussi de toute autre manifestation : prise de parole lors d'un évènement sportif, culturel ou associatif, par exemples.
Retranscription des débats sur son blog
Tout citoyen peut demander copie du compte-rendu des séances[9]pour les publier sous sa responsabilité.
Il apparait donc très difficile de faire un résumé vidéo d'un Conseil municipal qui a duré plusieurs heures. Il faudra immanquablement faire des coupes dans les rushs au risque de dénaturer les débats et d'apporter au lecteur une information tronquée involontairement ou manipulée volontairement. L'intérêt de la vidéo peut donc, à mon sens, se concevoir uniquement sur un sujet particulier porté par le Conseil.
Pour retranscrire une séance complête, il y a plus intérêt à la traiter sous une forme analytique écrite en citant des passages des intervenants préalablement enregistrés sur un dictaphone numérique.
Si vous avez des informations jurisprudencielles plus récentes ou un témoignage particulier sur cette thématique, n'hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires.
Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret
© 27 juin 2011 -JENB PRODUCTIONS(Noisy-le-Sec)
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Références
JENB Productions;Le Blog Raincy-Nono;Le Parisien / Aujourd'hui en France(je ne sais pas si l'encart est diponible sur le site) et les références suivantes :
Autres sources et références :[1]CarrefourLocal.sénat.fr
[2]Article L2121-18 du Code des Ciollectivités territoriales
[3]Article L2121-7 du Code des Collectivités territoriales[4]Article L2121-16 du Code des Collectivités Territoriales
[5]Article de Olivier Vermert sur Cuverville.org
[6]Question N° 64615 - Députée Mme Zimmermann (UMP) au Ministre de l'Intérieur
[7]Question n° 05849 du Sénateur Masson du 16.10.2008
[8]Site du gouvernement
[9]Article L2121-26 du Code des Collectivités territorales