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Tannhäuser

Publié le 27 juin 2011 par Porky

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On connaît l’avis de Mérimée sur cet opéra de Wagner : sortant de la première parisienne en mars 1861, il se serait écrié : « ça m’embête aux paroles et ça me tanne aux airs » ! Jeu de mots amusant, certes, et qui en dit long sur son opinion, mais qui, tout compte fait, ne rend pas vraiment hommage à son auteur. Car même si Tannhäuser comporte quelques longueurs, cela n’en reste pas moins un splendide opéra. 

Le titre complet de l’ouvrage est en fait Tannhäuser et le Tournoi de Chant sur la Wartburg : c’est le cinquième opéra de Wagner et on comprend aisément pourquoi la postérité a réduit ce titre interminable, qui, d’ailleurs, n’était pas le titre original. Il avait cependant l’avantage de donner d’emblée des renseignements sur une partie du contenu, mais une partie seulement, car le sujet de cette œuvre va bien au-delà d’un simple tournoi de chanteurs.

1841 : Wagner est à Paris, il a fini de composer Le Vaisseau fantôme ; la vie qu’il mène dans la capitale française n’a rien d’agréable : c’est privations et compagnie, faute d’argent… Alors, il lit ; et comme il a le mal du pays, il lit des poèmes germaniques et notamment celui consacré à Tannhäuser,  devenu chevalier servant de la déesse Vénus mais qui s’en étant repenti, demande son pardon au Pape et se le voit refuser. Par ailleurs, Wagner consulte beaucoup d’ouvrages traitant des tournois de chant s’étant déroulés au 13ème siècle au château de la Wartburg, près d’Eisenach en Thuringe. Il n’en faut pas plus pour enflammer l’imagination du compositeur qui, à partir de ces deux éléments commence à bâtir une histoire dans laquelle il mêlera Tannhäuser et ce fameux concours de chant. Disons tout de suite que si les personnages de l’opéra ont tous réellement existé, certains ne pouvaient en aucun cas se rencontrer à la Wartburg. Tannhäuser naît à Salzbourg aux environs de 1200 et après une jeunesse tumultueuse qui le mène en Orient en tant que croisé, il devient ménétrier errant. Quant à Elisabeth, fille du roi de Hongrie, elle naît en 1207, et n’est pas la nièce du Landgrave de Thuringe comme l’affirme l’opéra mais sa femme ; et comme le tournoi sur la Wartburg se déroula en 1207, ni Tannhäuser, ni Elisabeth ne pouvaient y participer. Par contre, les concurrents de Tannhäuser, eux, ont fait partie des chanteurs reçus à la cour du Landgrave : Wolfgang von Eschenbach, et le plus célèbre des Minnesingers, Walter von Vogelweide.

Au printemps de 1842, Wagner et sa femme Mina retournent à Dresde et passent par la Wartburg ; le compositeur trouve là l’excitation intellectuelle nécessaire pour envisager sérieusement une œuvre consacrée à Tannhäuser et aux chanteurs du tournoi. Le 22 juin, en vacances dans les montagnes de Bohème, il commence à rédiger le livret d’un opéra appelé Der Venusberg  (Le « Mont de Vénus ») qu’il termine en juillet. Revenu à Dresde, et devenu second chef d’orchestre, il remanie le livret et change le titre, après que des amis médecins lui eurent expliqué ce que signifiait le Mons Veneris dans l’anatomie féminine et l’eurent mis en garde contre les plaisanteries paillardes que ce genre de titre allait provoquer ; sans parler des protestations des ligues « bien pensantes »…

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De 1843 à 1845, Wagner compose la musique et l’orchestration. Le succès de Rienzi et du Vaisseau Fantôme lui permet de faire accepter Tannhäuser à Dresde. La première a lieu le 19 octobre 1845 ; on trouva l’opéra un peu trop long et Wagner fit quelques coupures qu’il regretta par la suite. Mais dès la quatrième représentation, ce fut un triomphe. Quelques modifications furent encore apportées à l’ouvrage original dans les années suivantes et si le public de Dresde avait chaleureusement accueilli Tannhäuser, les autres scènes lyriques mirent du temps à le produire et le public à comprendre les intentions du compositeur. En 1861,La Princesse de Metternich ayant vu l’œuvre à Dresde insiste auprès de Napoléon III pour qu’elle soit montée à Paris. Pour cela, Wagner introduit un ballet dans la première scène entre Vénus et Tannhäuser et la remanie complètement. On connaît l’échec retentissant que ce fut : l’ouvrage dut quitter l’affiche au bout de trois représentations. Pourtant, c’est avec cette version que l’opéra allait conquérir le monde, et les représentations modernes utilisent le plus souvent ses composantes.

Tannhäuser est devenu célèbre bien plus grâce à la richesse de ses mélodies que par sa signification dramatique, politique et spirituelle, au grand désappointement du compositeur. Pour lui, ce qui primait avant tout, c’était l’interprétation psychologique des personnages et de l’action : un héros déchiré entre l’appel de la sensualité et celui de la spiritualité et donc fortement culpabilisé, un pardon refusé par le pape, l’intercession d’une femme qui, par son sacrifice, va provoquer le « miracle » et sauver le pêcheur. On retrouve dans Tannhäuser le même thème de la Rédemption par l’amour que dans le Vaisseau Fantôme : sœur spirituelle de Senta, Elisabeth n’hésite pas à sacrifier sa vie pour le salut de celui qu’elle aime.

Le problème qui se pose lorsqu’on veut monter Tannhäuser, c’est le choix des versions : celle de Dresde ? Celle de Paris ? A première vue, la seule notable différence entre les deux est la réécriture complète de la grande bacchanale du premier acte. Mais c’est, comme il a été dit plus haut, aussi et surtout dans la scène suivant cette bacchanale que l’on trouve le plus de modifications, seules les trois stances de Tannhäuser sont identiques dans les deux versions. Les légères modifications dans le début du deuxième acte « le tournoi des chanteurs » sont sans importance ; le troisième acte est inchangé. Wagner lui-même régla le problème du choix : il autorisa de passer de la version de Dresde à celle de Paris lorsque l’Ouverture en est au point culminant de sa section centrale en mi majeur –lorsque le rideau se lève- et de jouer à partir de là le ballet de la version de Paris. En revanche, en général, on revient à la version de Dresde lorsque les personnages entrent en scène. Cette façon de procéder se justifie par le caractère tardif des modifications apportées pour Paris par le compositeur : elles sont intervenues en 1860 ; Wagner avait alors commencé La Tétralogie, achevé Tristan et Isolde ; la différence de style est évidente et la première partie du premier acte aurait paru alors incongrue dans une partition au demeurant très cohérente.

Et Bayreuth ? La « colline sacrée » n’allait accueillir l’ouvrage qu’en 1891, dans une mise en scène de la seconde femme de Wagner, Cosima. Elle partageait le point de vue de son mari et sa mise en scène était en tous points fidèle aux aspirations du compositeur. Cette production fut reprise en 1904 avec Siegfried Wagner au pupitre de l’orchestre. La chorégraphie du ballet était signée Isadora Duncan. En 1930, une nouvelle production vit le jour, due cette fois à Siegfried Wagner ; Maria Müller tenait le rôle d’Elisabeth, le chef s’appelait Arturo Toscanini. Puis, ce fut une assez longue éclipse et Tannhäuser ne reparut sur la scène de Bayreuth qu’en 1954 ; la mise en scène était signée Wieland Wagner. La notion de culpabilité était alors mise en avant dans la conception scénique et dans l’interprétation.

En 1961, Wieland Wagner récidiva avec une nouvelle production, qui allait rester célèbre dans les annales de Bayreuth, pour plusieurs raisons : la première, c’est que, pour la première fois dans ce temple qui avait été au temps de nazisme le haut lieu du régime hitlérien, se produisait une artiste noire : Grace Bumbry tenait le rôle de Vénus ; face à elle, une Elisabeth blanche : Victoria de Los Angeles d’abord, Anja Silja ensuite. La seconde, c’est que le ballet d’ouverture, d’une sensualité franchement lascive et déroutante, était réglé très audacieusement par Maurice Béjart.

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« Wieland ne visait pas au sensationnel mais se voulait au contraire profondément « moral ». Pour lui, Tannhäuser apparaissait finalement comme un ouvrage strictement chrétien dans lequel les thèmes du repentir, du sacrifice et de la rédemption, ainsi que l’infranchissable barrière qui sépare l’eros de la religio sont exploités du point de vue du christianisme catholique. Les décors se remarquaient par leur sobriété. A part le Venusberg dont les occupants se tortillaient en jeux amoureux sur une sorte de toile d’araignée et le mur rehaussé d’or de la salle du concours de chant, ils montraient des arbres stylisés et une vaste surface en croix pour les scènes d’extérieur. […] Pour Wieland Wagner, le personnage de Tannhäuser représentait l’homme moderne, qui ne saurait se plier à la vie de cour et qui, par là, s’oppose à Wolfram, romantique, idéaliste mais, socialement, conformiste. Wieland se rappelait l’avis de son grand-père selon lequel Tannhäuser éprouve à fond chacun des sentiments qui s’emparent de lui. Mais il se souvenait aussi que le Richard Wagner de 1845 était un socialiste convaincu, qui s’identifiait fortement au héros de son opéra, un artiste et un individualiste absolument pas à son aise à la cour du Landgrave. Tannhäuser devait hésiter, souffrir et mourir parce que, après avoir goûté les joies interdites du Venusberg, il ne pouvait donner tout son amour à la pure Elisabeth, à celle qui était totalement vouée à la sainteté. » (1)

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(1) William Mann, traduction de Jean Dupart, livret de présentation de l’opéra.

Photos : Couleur 1 : fin de l’acte I Wolfgang Windgassen (Tannhäuser) – Bayreuth 1961 ; couleur 2 : Acte II, Wolfgang Windgassen (Tannhäuser) Anja Silja (Elisabeth) – Bayreuth 1961 ; NB 1 : Grace Bumbry (Vénus) ; NB 2 : Acte II, Le tournoi des chanteurs surla Wartburg ; NB 3 : Acte I,La Bacchanale du Venusberg, chorégraphie de Maurice Béjart – Bayreuth 1961.

 

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ARGUMENT : Dans et près de la Wartburg, au 13ème siècle, province de Thuringe.

ACTE I – Premier tableau : le Venusberg.

Tannhäuser est dans les bras de Vénus qui repose sur une couche fleurie. Nymphes et bacchantes dansent, des sirènes chantent et dans le fond, des silhouettes décrivent des figures amoureuses. Les voix lointaines des sirènes invitent au plaisir des sens. Tannhäuser chante un hymne passionné à la louange de la déesse mais exprime en même temps son désir de retrouver le monde extérieur et la nature. Il supplie par trois fois Vénus de le laisser partir. La déesse trouve des accents pleins de séduction pour le retenir puis comprenant qu’il est décidé à la quitter, le met en garde avec violence contre les malheurs qui l’attendent sur terre et prédit que le monde refusera de lui pardonner et qu’il lui reviendra, repentant, et la suppliera de le reprendre dans son royaume. Cette scène entre le héros et la déesse est extrêmement dramatique.

Deuxième tableau : La vallée de la Wartburg.

Contraste frappant entre les débordements de la scène précédente et le calme qui baigne la vallée ; décor serein, accentué par le crucifix devant lequel Tannhäuser, que Vénus a libéré, est prostré.  Un jeune pâtre joue sur sa flûte, accentuant ainsi l’effet pastoral.  Le chant des pèlerins s’élève dans le lointain, interrompu de temps à autre par la flûte du pâtre. Les pèlerins se rapprochent, leur chœur s’amplifie ; quand ils arrivent sur la scène, leur prière devient un immense psaume de dévotion. Tannhäuser, profondément affecté, donne libre cours à ses sentiments dans une complainte ; le chant des pèlerins s’éteint peu à peu. Le calme revient, troublé soudain par le son des cors de chasse.  Le Landgrave et ses chevaliers entrent et entourent Tannhäuser. Wolfram le reconnaît et tous lui font accueil. Wolfram voyant que Tannhäuser souhait accompagner les pèlerins à Rome demande au landgrave l’autorisation de lui révéler l’impression qu’il semble avoir faite sur Elisabeth. Tannhäuser, qui aime toujours Elisabeth, accepte de retourner au château. L’acte se termine par un ensemble enthousiaste.

ACTE II – La grande salle des chanteurs à la Wartburg.

Elisabeth entre et dans une célèbre et très belle aria  (« Dich teure Halle… ») chante sa joie de retrouver Tannhäuser. Wolfram introduit Tannhäuser auprès de la jeune fille. Le duo qui s’ensuit permet à Elisabeth de montrer son trouble et le combat qui se fait en elle entre sa pudeur et sa joie ; questionné, Tannhäuser répond évasivement quant à l’endroit où il se trouvait. Puis, la conversation vire au duo d’amour.

Entrée du landgrave qui annonce à sa nièce qu’il offrira sa main en récompense au chanteur qu’elle couronnera vainqueur du tournoi. C’est alors la solennelle et impressionnante « entrée des convives » puis après un discours du Landgrave, les chanteurs tirent au sort le nom de celui qui commencera l’épreuve. L’un après l’autre, les chevaliers chantent platement la beauté de l’amour chaste mais Tannhäuser, se remémorant soudain les séductions et la magie du Venusberg, perd tout contrôle de lui-même et se lance dans un hymne passionné à Vénus. Les femmes, horrifiées, quittent la salle ; les hommes dégainent leur épée, se lancent sur Tannhäuser ; Elisabeth s’interpose. Réalisant tout à coup ce qu’il vient de dire, Tannhäuser, écrasé de repentir, demande à se joindre aux pèlerins qui partent à Rome afin d’obtenir le pardon du pape. Le Landgrave l’y autorise.

ACTE III – La vallée de la Wartburg, en automne.

Elisabeth prie, agenouillée au pied de la croix. Wolfram se tient en retrait, et la regarde avec tendresse. Au loin, on entend le chœur des pèlerins qui reviennent de Rome. Ils entrent ; Elisabeth les regarde avec anxiété, cherchant Tannhäuser parmi eux ; en vain. Elle s’effondre à genoux devant la croix, entonne une prière, puis se lève et regagne le château, après avoir doucement repoussé l’aide de Wolfram. La nuit est tombée, l’étoile du berger brille dans le ciel : Wolfram chante la magnifique « romance à l’étoile » dans laquelle il exprime son amour pour Elisabeth.

C’est alors qu’abattu, désespéré, apparaît Tannhäuser. Il demande à Wolfram quel est le chemin du Venusberg. Wolfram lui ordonne de s’arrêter et de raconter son voyage à Rome. Tannhäuser raconte alors les souffrances endurées et le terrible jugement prononcé contre lui par le pape : il n’obtiendrait sa grâce que lorsque son bâton de pèlerin aurait fleuri. Ayant perdu tout espoir, Tannhäuser préfère s’adonner une fois de plus aux joies du Venusberg. Une lumière rose éclaire la montagne, et Vénus apparaît, les bras tendus vers Tannhäuser. La voix de la déesse se fait plus séductrice et persuasive que jamais ; alors que Tannhäuser va succomber, Wolfram prononce le nom d’Elisabeth. Vénus disparaît dans un cri  et un cortège funèbre descend de la montagne. C’est celui d’Elisabeth qui vient de mourir et que l’on porte en terre ; Tannhäuser meurt sur son corps tandis que retentit à nouveau le chœur des pèlerins apportant l’incroyable nouvelle : le pécheur est sauvé car son bâton vient de fleurir.

VIDEOS :

1 - Acte II, scène 1, air d'Elisabeth "Dich teure Halle..." : Montserrat Caballe

2 - Acte II, "entrée des convives"

3 - Acte III, scène finale.


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