Certes, comme l'a dit le poète, Florence a connu des siècles de massacres, empoisonnements, traitrises, trahisons, tueries - mais a généré dans la même période des génies comme Michel-Ange, Botticelli, Caravaggio, Vinci et autres alors que la Suisse a connu des siècles de paix et n'a produit « que » des coucous (et des chocolats et des banquiers ndrl).
Le Friuli, pourtant situé à une zone frontière des pays baltes et de l'Autriche qui a connu dans le passé quelques turbulences, est une région s'accordant maintenant parfaitement à l'épithète « paisible ».
Invité par l' "Assesor" Claudio Violino chargé de l'agriculture (et son bras droit Mirko Bellini) pour une série d'événements autour de la cuisine locale, des vins et du célèbre prosciutto "san daniele", ce furent deux journées de découvertes particulièrement sympathiques.
Les 33 membres du Consortio du Prosciutto San Daniele, et l'ERSA (Agenzia Regionale per lo Sviluppo Rurale de la Regione Friuli Venezia Giulia) recevaient donc les populations locales et de proximité (allemands, autrichiens, slovènes) à la gloire de ces produits dont la réputation dépasse les frontières de cette région orientale.
La manifestation s'appelle « Gran Noé ». Je n'ai pas compris le rapport avec le biblique : pas grave ! On passait de Trieste à Udine pour finir à San Daniele une grosse bourgade où tout tourne autour du fameux prosciutto que bien trop d'amateurs approximatifs situent encore en Toscane ou Emilie-Romagne.
90.000 exemplaires en attente de gourmets
Le prosciutto « san daniele »
Bon : une chose est évidente. On a là, un produit artisanal de très haut niveau. Certes, on peut préférer la puissance « noisette » du belota-belota patta negra espagnol, mais si on aime la finesse extrême, le velouté fondant d'un grand jambon, on ne peut passer à côté des meilleurs « san daniele ». La différence avec le Parme est double :
- le « manche » du san daniele n'est pas sectionné comme celui du parme (et donc le jambon s'oxyde moins vite)
- l'air local apporte une touche décisive lors du vieillissement (de 16 à 24 mois) comme c'est le cas pour le lardo de Colonnata près de Carrare. Et, au moins en dégustation, ce jambon est sensiblement moins salé.
On produit un peu plus de 3.300.000 pièces à l'année et cela se vend autour de € 35 le kilo, sachant que sur un jambon de 15 kilos, la part nette consommée est un peu plus du tiers seulement. La Berkel travaille ici à fond la gamelle tant il est vrai que les tranches doivent être le plus fin possible, quasi transparentes, et donc fondent dans la bouche comme un péché dans vos neurones chrétiens.
On vous reçoit dignement, ça, c'est sûr !
Inutile de vous confirmer que nous faisions plusieurs lectures de la chose…
Les Vins
Comme nous l'avions écrit pour la Wachau, le Friuli semble avoir trouvé un bel équilibre entre production et consommation. On a du mal à trouver des vignerons en difficulté. Certes, une belle partie de ce qui se fait ici part en Allemagne ou en Autriche (et pour les meilleurs, aux USA), mais fondamentalement l'équilibre offre-demande est régional. En fait, à part quelques grands noms connus comme Schiopetto, Gravner, Villa Russiz, Livio Felluga, Aquila del Torre, Tenuta Luisa, Radikon, Vie di Romans, les quelques 230 producteurs de cette région vivent correctement du fruit de leur travail. Les vins se vendent entre € 10 et € 30. Plus que correct.
Sans opulence ostentatoire, les communes traversées respirent le bien-être, la propreté, une réelle sérénité. Les larges maisons sont repeintes régulièrement, les jardins sont aimés (plein de magnolias) et les collines avoisinantes, notamment dans le circuit du picolit (un vin liquoreux rarissime) sont dominées par quelques fiers châteaux moyen-âgeux remis en état par un Viollet-Le-Duc local.
Si on ne doit choisir qu'un seul vin, ce sera le friulano qui cumule fraîcheur et puissance aromatique. Le Tenuta Luisa m'a particulièrement impressionné par sa longueur en finale.
Des ruines et des châteaux…
Plein de gnamas-gnamas associés aux crus locaux, dont le rarissime liquoreux "picolit"
Elle m'interviewa, il m'invita, il me nourrit
Crème de ricota associé à quelques funghi, fleurs et herbes à la Perrin
Les 20 producteurs retenus pour les prix avaient chacun leur panneau de présentation : excellente idée
Une présentation simple et claire des vins offerts en dégustation
… et encore d'autres noms
CuisineIl m'est impossible de ne pas citer un chef local, Président par ailleurs des "Jeunes Restaurateurs d'Europe" (section Italie), propriétaire du restaurant "Agli Amici dal 1887" (* Michelin) qui développe une cuisine de goût et non pas d'esbrouffe pour gastrolâtres fatigués. La carte des vins, fondamentalement locale et à prix doux, est simplement splendide, avec aussi des Lafite 95 à moins de € 400, des Claude Dugat et autres Trimbach. Vous connaissez vous, en France, un restaurant en province qui aligne quelques crus du Friuli ? Shame on us !
Emanuele Scarello, son prosciutto, sa berkel, son sourire
Fagioli et gambas quasi-crues, olio di oliva : je craque !
Sobriété du blanc, vins au frais, verres parfaits, bouquets discrets
Langue, fino vitello, verdura
Tout ça pour dire que si vous partez cet été en Croatie ou en Slovénie pour bénéficier de plages sympas dans un environnement loin de St Trop, un arrêt en agriturismo au Friuli ne sera pas de trop pour votre équilibre culturel. Sachez surtout que Trieste, la grande ville de cette région italienne est une ville à l'architecture plus que remarquable. Du Haussmann top niveau !
Le vignoble de L'Aquila del Torre (bel agriturismo avec Wifi), sur les collines orientales du Friuli…
… qu'on peut visiter en Vespa (il y a des modèles avec tandem, pour y mettre le Dr Bonobo et lui rejouer "La Grande Vadrouille")
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 30 octobre à 16:16
J'aime bien cet article, surtout la petite phrase qui fait allusion aux neurones de chrétiens. Mais de grâce, révisons notre géographie, dans le Frioul, on ne fait pas de vodka mais du bon vin, le voisin c'est la Slovénie et pas les Pays Baltes.