La communication est un autre concept d’actualité soulevé par les théoriciens autant que l’identité. Tous deux exercent un rapport d’interaction étroitement lié du moment où l’on ne peut aborder la communication sans se confronter à la notion d’identité qui n’est, en fin du compte, que « la condition, l’enjeu et la résultante d’un grand nombre de communications sociales (qu’il s’agisse de relations interpersonnelles, de communications politiques, de talk-shows ou de publicité. »[1]
Empiriquement le mot communication désigne une transmission d’informations corrélant le locuteur, l’interlocuteur et la relation qui les relie. Cette définition se présente étroite du fait que la communication peut se faire dans le but de nouer des relations, partager des émotions ou pour agir sur autrui, le séduire, l’attaquer ou le confronter. « Communiquer, cela signifie soit vouloir partager (vision noble qui ne représente que 15% des cas), soit convaincre (50% des cas), soit séduire. En général c’est dans ces trois buts en même temps que nous communiquons. »[2] Cela présuppose que des individus communiquent soit directement soit par des outils de communication. Mais autant par l’une que par l’autre manière, ceux-là se construisent, se définissent et se découvrent pluriels.
En effet, la communication désigne un des processus fondamentaux qui prennent partie dans la construction de l’identité : la conscience de soi ne se définit et ne se construit que dans une relation d’identification et d’opposition à autrui. « Le sujet n’accède à la conscience de son identité que dans un rapport à autrui où il dépend intrinsèquement de l’autre pour sa propre définition. »[3]
En fait, la communication est ce qui se passe entre les individus, de l’un à l’autre, au fond d’eux-mêmes, voir de l’un par l’autre : c’est le rapport moi-l’autre. Ce rapport ne peut s’établir que par le biais d’un canal de transmission sous forme de message. Or, communiquer ne se limite pas d’adresser un message, encore faut-il le recevoir. Par suite, s’interroger sur le récepteur est équivalent à soulever la question du moyen.
Effectivement, le développement technologique a mis à notre disposition des outils extrêmement évolués tels que la radio, la télévision communautaire, la presse écrite ou encore Internet servant ainsi le besoin d’expression revendiqué par la liberté personnelle qui est tributaire de l’identité personnelle. Ces techniques « ne font qu’amplifier et valider ce mouvement de revendication des identités individuelles. Chacun tient son blog, car chacun a quelque chose à dire. »[4]
Lorsqu’au XIXe siècle elles se sont affirmées comme un fait radicalement nouveau qui s’est imposé dans l’arène publique, le développement des mass médias a suscité l’intérêt de maints penseurs entre autres les philosophes qui les ont pris en charge non pas en tant qu’auxiliaires, simples instruments de communication de masse qui ne reçoivent leur sens que du type d’usage qui en est fait, mais en tant que réalité qui s’organise « dans une solidarité interne au moyen de visions du monde, c'est-à-dire d’un univers de signes, grâce à quoi elles « déchiffrent » leur réel et donnent à leur membres les repères identificatoires qui les rendent membres de la communauté. »[5]
Ainsi, les médias sont un univers de signes qui instituent la communication sociale. Celle-ci n’est autre que, comme le dit Claude Lévi-Strauss, échange de signes, échange de mots, échange de bien et services, échange symbolique, communication.
C’est dans ce bain sémiotique que s’inscrit le concept de marque. En effet, l’acception juridique du terme renvoie à « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale. »[6] Toutefois, cette définition ne couvre pas l’omniprésence de la marque. En fait, les experts et les entreprises en ont des points de vue différents selon leur métier, leur origine, et leur usage de la marque :
Pour certains « marketers » qui l’inscrivent dans une relation marchande et concurrentielle, elle est « un nom, un terme, un signe, un symbole, un dessin ou toute combinaison de ces éléments servant à identifier les biens ou services d’un vendeur ou d’un groupe de vendeurs et à les différencier des concurrents. »[7] D’autres l’abordent en tant que valorisation financière de l’entreprise « la marque supprime le risque. Le prix à payer rémunère la certitude, la garantie, l’extinction du risque. En achetant très cher des entreprises à marques, le financier acquiert des cash flows prévisionnels quasi certains. »[8] D’autres la définissent sous une optique sémiologique : « la marque est constituée par l’ensemble des discours tenus à son égard pour la totalité des sujets (individus et collectifs) impliqués dans sa création. Cette définition pourrait paraître décevante ou de bas profil car elle n’attribue à la marque ni un objet du monde, ni une fonction spécifique car la marque est une instance sémiotique. »[9]
Mais ce qui nous intéresse dans notre recherche c’est l’approche communicative de la marque. En fait, placée dans un contexte étymologique, elle est un concept qui agit sur le territoire mental de l’individu[10]. C’est une sorte de boîte mentale dans la tête de quelqu’un, « a brand is a mental box »[11] qui représente une expérience de consommation et le souvenir laissé dans la mémoire. Elle permet de démarquer un produit d’un autre car « un produit en soi n’a pas de sens suffisant pour le faire émerger de la catégorie « ouvre-boîte », « manteau », « montre » ou « automobile ». Une marque, elle, possède cette capacité de la faire émerger hors de la foule des objets anonymes. »[12]
Seulement pour qu’une marque puisse marquer ou démarquer, elle doit porter en elle un certain nombre de significations autonomes, une identité. Prenons, par exemple, le cas de la marque Coca-Cola. Celle-ci n’est pas seulement un soda à base de cola, mais un goût spécifique, une forme d’une bouteille, une façon de vivre à l’américaine, le symbole de l’éternelle jeunesse, un profil de la mondialisation, etc.
Ce sont toutes ces associations, cette « carte mentale » au tour de la marque qui lui donne de la valeur et qui lui permettent de se faire connaître et d’être reconnue pour cette identité. En effet, outre ses spécificités linguistiques, graphiques et sensorielles, c’est cette identité qui la différencie fondamentalement d’une autre marque. Elle véhicule tout un système de valeurs et s’inscrit dans un contexte large de l’entreprise et de son histoire comme source de communication. A ne pas confondre avec l’image de marque qui, elle, est une source de perception, c'est-à-dire la façon dont la marque est réellement perçue par les consommateurs (produits, services, attributs, etc.). C’est un objet sémiotique, communicationnel et éminemment opérationnel dans la mesure où elle est un creuset où se concentre du sens qui agit en émetteur de signes, et un objet de consommation par le biais des produits.
[1]E.-M. Lipiansky, L'Identité dans la Communication. In: Communication et Langages. N°97, 3ème trimestre, 1993, p. 31
[2]D. Wolton, De l’Identité à la Communication. In : Science & Devenir de l’Homme Les Cahiers du M.U.R.S., p 35
[3] E. Marc, Psychologie de l’identité : Soi et le Groupe, Dunod, Paris : 2005, p.169
[4]D. Wolton, op. cit. p.39
[5]A. Akoun. Philosophies de la Communication. In: Communication et langages. N°41-42, 1er-2ème trimestre, 1979. p. 164
[6] L 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle
[7] P. Kotler et B. Dubois, édition française réalisée par D. Manceau, Marketing Management, Pearson Education, 11ème édition, Paris : 2004, p.455
[8] J.-N. Kapferer, Les Marques, Capital de l’Entreprise, Editions d’Organisation, Paris : 1998, p.28
[9] A. Semprini, Le Marketing de la Marque, Editions Liaisons, Paris : 1992, p.11
[10] A. Ries, The 22 Immuable Laws of Branding, Harper Business, 1998. In: G. Lewi et J. Lacoeuilhe, Branding Management: la Marque, de l’Idée à l’Action, Pearon Education, 2ème édition, Paris: 2007, p.9
[11] D.-A. AAker, Building Strang Brands, Free Press, 1996. In: Ibid, p. 8
[12] M.-C. Sicard, Ce Que Marque Veut Dire…, Editions d’Organisation, Paris : 2001, p.26