Avant tout, ce titre m’interpelle, j’ai rarement entendu parler de « gentilles agressions » ou de « courtoises agressions »… Bref, le Popu « monte en haut » ou « descend en bas ». Mais ce n’est pas le plus grave, c’est pour l’anecdote…
Bref rappel des faits :
3 agresseurs ont donc passé à tabac un homme venu, disons pudiquement « draguer » près d’un célèbre lac en ZI Nord de Limoges.
« Sur les coups d’1 h du matin, les trois comparses se retrouvent au lac d’Uzurat, connu pour être fréquenté par les homosexuels souhaitant faire des rencontres à la nuit tombée. Manuel G. s’approche d’une voiture, aguiche l’homme à l’intérieur et l’entraîne dans un buisson. Surgissent alors ses deux acolytes. Tous trois frappent au ventre mais surtout au visage leur victime. » (dixit le populaire).
Après quoi, nos 3 Pieds Nickelés ont tentés de piquer l’Audi de leur victime, en lui demandant (comble ! ) comment on la démarre l’Audi qui finira calcinée dans un coin de rue.
L’homme agressé s’en sort avec de multiples fractures et contusions et 60 jours d’ITT mais cela aurait pu être bien pire, on s’en doute…
Les deux agresseurs ont été condamnés à 4 et 3 ans de prison ferme assortie de 5 800 euros d’amende. Le 3e, mineur, comparaitra devant le juge des enfants !
Pour seule défense, une fois de plus, l’alcool… Un argument un peu court quand il s’agit ni plus ni moins que d’un « cassage de pédé » alors que l’un déclare que les homos sont « des pervers qui font des choses sales », dans le Procès Verbal.
Arrêtons nous une seconde là dessus : les homos sont « des pervers qui font des choses sales » !
Des choses sales dites vous ? Qu’est ce qu’une chose sale pour vous ? Pourquoi c’est « sale » ? Alors, qu’est ce que le propre ? Y a-t-il une sexualité sale et une sexualité propre, une sexualité entre les deux ?! En quoi la sodomie et la fellation hétérosexuelle est-elle moins « propre » que ces mêmes pratiques entre hommes ? Et deux femmes ensemble, c’est sale pour vous ou ça vous excite ? Et si secrètement et/ou inconsciemment, de manière totalement refoulée, deux hommes ensemble, ça vous chauffait la nouille ? Voilà des questions auxquelles ces jeunes gens devraient travailler…
Pour ce genre d’agression il y a, outre une abyssale bêtise, un chemin psychologique à établir, une construction personnelle à étudier et surement un malaise à résoudre. Pourquoi s’en prendre spécifiquement à des gays et pas quelqu’un d’autre en pleine rue comme ça… « à cause de l’alcool » ?! Se pose la question du suivi en prison des coupables de tels actes et du suivi à leur sortie. Sans leur demander d’être militants d’asso LGBT, il faudrait qu’ils soient en paix avec eux même face à cette question. Rester cloitrer pendant 4 ans peut faire réfléchir… mais parfois dans le mauvais sens, s’il n’y a pas d’accompagnement. On l’a vu sur bien d’autres sujets.
La société, le législateur et aussi la médecine ont longtemps considéré l’homosexualité en générale, comme un « problème », comme une question difficile à trancher. Il a fallu et il faut toujours ménager les susceptibilités des électorats et des citoyens conservateurs, des ultra-cathos… Pour preuve de cette frilosité, la question du « mariage homo » en France que j’ai traitée dans un précédent post, ou encore de l’adoption du PACS !
Dans son ouvrage « La nouvelle éducation sexuelle » paru 1964[1], un certain Dr BERMOND se penche sur l’homosexualité. Je ne résiste pas au « plaisir » de vous faire partager les vues et les idées qui avaient cour à cette époque : Ça commence fort ; l’homosexualité est donc classée à la page 259 dans la catégorie « Les perversions se rapportant à l’objet sexuel », petit 4 « L’homosexualité ou inversion ». Pour la route je vous cite aussi les 3 parties qui précèdent : « 1° Le fétichisme, 2° Le Narcissisme, l’inceste, la pédophilie et la gérontophilie, 3° La bestialité et la nécrophilie ».
Tel Georges Montandon s’exprimant sur les Juifs (Voir cette horreur absolue : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Montandon rubrique « L’antisémitisme de Montandon »), voici comment le Docteur B. nous parle pour commencer des « variétés de leurs particularités physiques et psychiques » :
« Le public se fait volontiers de l’inverti masculin l’image cliché et toute conventionnelle d’un individu plus ou moins dégénéré, serré pour faire valoir ses formes (…) épilé, fardé à la mimique excessive (…). Ce type d’homosexualité est loin de représenter la majorité des cas (ndlr : j’allais dire OUF mais attendez la suite !). Il s’agit fréquemment de vulgaires anormaux bisexuels (…) poussant parfois la comédie de l’homosexualité jusqu’à s’habiller en femme et porter une perruque. En fait, beaucoup d’homosexuels ne sont nullement dégénérés, mais au contraire des gens qui, leur perversion mise à part, apparaissent comme normaux. » J’aime « leur perversion mise à part ».
Quelques douteuses démonstrations plus loin :
« Du point de vue bio-morphologique, la plupart extériorisent une constitution gynoïde dont témoignent par exemple : le développement du bassin, l’étroitesse des épaules (…), un indice de répartition graisseuse très abaissé ; les organes génitaux sont, fréquemment, ordinairement développés.
Entre en scène un bel exemple sexisme : « Du point de vue psychologique, les invertis complets présentent très souvent quelques traits du caractère féminins normal : passivité, besoin de plaire, manque de pondération et de suite dans les idées, penchant manifeste pour les occupations favorites et naturelles des femmes telle que besognes domestiques, ouvrage de broderie (…).
Je vous laisse apprécier toute la science de ce bon docteur qui n’avait pas oublié qu’il était un homme, un vrai ! Lui !
Souvenons nous que certains voulaient en 2007 « en finir avec l’héritage de mai 68 », cet héritage qui justement ne permet plus ce genre de propos !
Je vous passe sur les « invertis complets, invertis congénitaux », chapitre dans lequel on met dans le même panier les drogués (à la rubrique « homosexualité occasionnelle »), les hermaphrodites, sans parler aussi des « causes de l’inversion », et surtout « peut-on guérir l’inversion ? ». Guérir ! Tout était dit…
Bref, une quinzaine de pages de cet acabit sont consacrées à la question… Un bien bel ouvrage que monsieur V. aurait pu signer !
Même si globalement, on revient d’un lointain voyage dans les tréfonds de l’abject, ces idées là faisaient loi il y a moins de 50 ans et ont « éduquées à la sexualité » des milliers de jeunes gens, les pauvres !
On croyait ces idées d’un autre temps mais n’a t-on pas entendu à plus récente époque : « les pédés au bûcher » et autres magnificence lors de l’adoption du PACS, quand madame B. pleurait sur sa bible…!
Certaines (pas toutes j’espère !) des théories « de ce bon vieux-temps là d’avant 68 » nourrissent encore quelques politiciens aux déclarations coup de poing (que vous avez tous en tête), ainsi qu’un certain nombre d’individus même jeunes, élevés à la sauce « vieille (F)rance »… ! Cette France qui ne voit l’homosexualité qu’à travers la très objective lucarne de Radio Paris (émettant sur le canal N°1), avec pour seuls modèles, Steevy Bouley, La cage aux folles (version frico-vulgos de Campan & Clavier) et autres caricatures gay-pridesques, tenant plus du costume « folle-klorique » que de la réalité.
On s’étonne que certains simples d’esprits, sexistes et misogynes heurtés dans leur virilité toute préconçue, deviennent violents pour venger symboliquement cet « autre » homme qui ne leur semble pas en être un… Tel un roquet mal éduqué qui aboie et grogne sur tout ce qu’il ne connaît pas… C’est valable aussi pour la xénophobie et le racisme…
Combien de suicides d’ados liés à une homosexualité qu’ils pensent ne jamais pouvoir vivre et assumer, à cause d’une éducation étroite et formatée ?
Et combien d’agression homophobes comme celle de Limoges, combien de meurtres, faudra t-il encore pour qu’enfin toute la société se décrispe sur cette question, sur ce fait humain qui existe depuis toujours et qui existera toujours ?
Dialogue, éducation, prévention : trois enjeux majeurs où mettre l’accent et les moyens impérativement ! Que cessent ce genre de drames qui vont des suicides à l’homophobie ordinaire ! Puissent-ils, mes frères et mes soeurs ( !), devenir les plus rares possibles, et qu’enfin nous puissions tous vivre dans la Fra-ter-ni-té ! Fra-ter-ni-té !! (bis)
[1] Je précise que l’ensemble de l’ouvrage (511 pages) est un florilège de d’idées reçues et de propos plus ou moins fielleux à tous points de vus, grosso modo sauf quand il s’agit de copuler dans le noir dans l’unique but de se reproduire en se flagellant d’avoir eu un soupçon de plaisir !
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