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La fête de la musique, le “festivisme - roi”

Publié le 25 juin 2011 par Alex75

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Ce mardi 21 juin, à tous les coins de rue, c'était la trentième édition de la Fête de la Musique, encourageant les musiciens amateurs à se produire bénévolement, dans les rues et espaces publics. Coïncidant avec le premier jour de la saison estivale, c'est l'occasion d'une véritable liesse populaire, sous le slogan homophone ”Faites de la musique“… Une manifestation culturelle, qui aura connu un succès croissant au cours des trois dernières décennies, dans toutes les villes de France, la Fête de la Musique s'étant exportée dans de nombreux pays européens, mais aussi sur les cinq continents, jusqu'à Shangaï cette année ! La Fête de la Musique, c'est l'expression de la joyeuse convivialité collective, au travers d'une pratique musicale partagée, consacrée, pour néophytes et amateurs confirmés…

La Fête de la Musique est d'abord imaginée en 1976, par le musicien américain Joël Cohen, travaillant alors pour Radio France - France Musique, qui propose pour cette chaîne des “Saturnales de la Musique” pour le 21 juin et le 21 décembre (lors des deux solstices annuels). Après les élections présidentielles de 1981, cette idée est adaptée par Maurice Fleuret et la première Fête de la Musique est mise en place par Jack Lang, alors ministre de la culture. Le 21 juin coïncide le plus souvent, avec le solstice d'été, objet de nombreuses fêtes populaires. Soit l'un des jours les plus longs de l'année, où la nuit est la plus courte, pour ceux qui festoient jusqu'à l'aube. Le 21 juin 1982, c'est la première édition, correspondant à un essai, lançant des appels aux musiciens amateurs pour se produire, en début de soirée et en plein air, dans les jardins ou espaces publics… Et le succès est au rendez-vous, contre toute attente, des centaines, voire des milliers de musiciens amateurs prenant ainsi leur petit instrument, pour aller se produire individuellement ou en groupe, à Paris et dans plusieurs villes de province. C'est aussi le début du mitterrandisme, de “SOS Racisme”. Les compagnons de route de l'idéologie anti-raciste des années 80, se réunissent autour de la musique, à l'image des grands concerts de la Place de la Concorde. C'est alors l'éclosion des certitudes anti-racistes et progressistes, d'une une idéologie bien-pensante, dévoyée et désormais largement bousculée. Car en France, il est vrai : “tout commence par des chansons, et tout se termine dans le sang…“.

Mais outre tout aspect et toute dimension politique, la Fête de la Musique s'est pérennisée et en moins de quinze ans, l'idée est reprise à l'étranger, notamment dans de nombreux pays européens. Le nom français “Fête de la musique“ est d'ailleurs repris assez souvent, ou bien sous des appellations littérales traduites, comme “Fiesta de la Musica” (Espagne), ou “Festa della Musica” (Italie), “Swito Muzyki” (Pologne), pour les festivités affiliées au programme français. Depuis son lancement, le succès n'a pas été démenti, permettant l'organisation dans tout l'hexagone de plus de 18 000 concerts, avec près de cinq millions de musiciens ou chanteurs amateurs, rassemblant près de dix millions de spectateurs, à chaque édition. Dans une valse des chiffres, selon l'INSEE, un Français sur dix aurait contribué à la Fête de la Musique, soit en tant que musicien, soit en tant que chanteur, et 79 % de nos concitoyens, aurait été spectateur, à au moins une occasion. Les pratiquants réguliers, en France, jouant d'un instrument, se comptent en effet par milliers, avec plus de 80 000 élèves inscrits dans des cours privés ou publics des écoles de musique. On pourrait sinon concéder que la Fête de la Musique, en dépit de l'inégalité de la qualité du répertoire, autant dans sa composition, que dans son interprétation, a peut-être su montrer des genres musicaux dits morts, voire “ringards” ou sans public. Cette réussite en fait aujourd'hui un élément majeur et incontournable de “la vie culturelle française”, mais bien au-delà, la Fête de la Musique est devenue un énorme évènement culturel mondial, participant à l'image de la France et dans la Francophonie, dans le monde, etc. 

Mais c'est aussi la manifestation la plus probante, de ce qu'a décrit feu Philippe Muray, chroniqueur et contempteur infatigable de la période contemporaine. Cette époque où “le risible a fusionné avec le sérieux”, où le “festivisme” fait la loi. C'est la stigmatisation par la dérision et l'outrance de la caricature, des travers de notre temps, par la création de néologismes assassins, tels “Homo festivus”, le citoyen de la post-modernité, fils naturel de Guy Debord… Il est vrai, que la Fête de la Musique reste une idée, consistant essentiellement à lâcher dans les rues, tous les plus mauvais musiciens de France. Et la Fête de la Musique s'apparente le plus souvent à une vaste cacophonie généralisée. “Tous ces gens qui font prendre l'air à leur guitare“, selon la formule humoristique de Laurent Gerra. “On écoute un petit peu, c'est très Fête de la Musique”. Mais l'on y est un peu contraint. Et lorsque le 21 juin tombe dans la semaine, les riverains ne peuvent assister à la fête, mais se voient plus ou moins limités dans leur sommeil, jusqu'au milieu de la nuit, voire jusqu'à l'aube, suivant la proximité avec les lieux des festivités… A défaut d'une suppression ou de limite, à l'image de certains réactionnaires en réclamant l'abolition immédiate, il est vrai que le choix de la date fixe est criticable, ayant été plus judicieux de choisir par exemple, le 1er samedi des mois de juin ou de juillet. D'ailleurs, il est curieux que notre peuple présenté comme frondeur se plie à ce calendrier. Par ailleurs, des débits de boissons, petits commerces de proximité ou épiceries, sont autorisés à repousser leur ouverture / fermeture, au-delà des horaires habituels, par de larges autorisations.

A Paris, mais aussi dans toutes les grandes villes de province (Lyon, Bordeaux, Marseille) et nombre de villes moyennes, la Fête de la Musique a pu s'apparenter, certaines années, à une vaste kermesse populaire à ciel ouvert, avec vendeurs ambulants et bistrotiers, où la musique n'apparait plus comme l'élément central, sur fond de drague, sexe, drogue et alcool, auquel s'ajoute de nombreuses rixes entre badauds, autres débordements violents et dégradations sur la voie publique. Ce qui a pu faire fuir, nombre de spectateurs, voire des musiciens, préférant l'organisation plus convenue des festivals et cafés-concerts parfois traditionnels et souvent de qualité, nuisant définitivement à la réputation de “la fête voulue par tous“. Et par son ampleur et par le fait, qu'elle expose un public varié, composé de badauds, de riverains de tous âges, à des risques particuliers, la Fête de la Musique nécessite la mise en oeuvre de moyens bien plus importants, que ceux utilisé habituellement pour ce type de manifestations, nécessitant la collbarotation de la police nationale, la gendarmerie, les pompiers, le samu et un milieu associatif largement mobilisé ce soir-là…

Comme l'a analysé cyniquement, Alain Gérard-Slama : ”ce jour, quand j'entends de la cacophonie généralisée dans les rues, je me dis que les musiciens méritent le traitement qu'ils s'infligent, mais pas celui qu'ils s'infligent aux autres“. On parle de remède contre la sinistrose… Mais moi, j'ai la nostalgie du silence.

   J. D.


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