Débat sur la (ré) élection présidentielle : PAUL BIYA EST JURIDIQUEMENT ELIGIBLE

Publié le 25 juin 2011 par 237online @237online

Écrit par 237online.com   

Samedi, 25 Juin 2011 10:59

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Depuis quelques jours le débat des universitaires portant sur l’éligibilité ou l’inéligibilité du Président de la République pour la Présidentielle 2011 anime la sphère publique. Qui a raison et qui a tort dans une discute qui prend des allures de querelle des Encyclopédistes ? À son tour, Dr Efon Kaladje, politologue, tranche sur le vif, en se servant des arguments contrastés des uns et des autres.

À cinq mois de l’élection présidentielle d’octobre 2011, tandis que le Président sortant, Paul Biya, laisse planer le mystère sur sa candidature, pourtant réclamée par des milliers de motions de soutiens et des tomes d’Appels du peuple, le débat portant sur son éligibilité ou son inéligibilité s’invite dans une arène intellectuelle qui oppose certains universitaires et constitutionalistes. L’un des faits de l’actualité de l’heure tourne autour de ce débat brulant dont l’écume des passions et des positions tranchées occupe les colonnes des médias nationaux et des agences de presse internationales, à l’instar de la dépêche de l’AFP (Agence France Presse) du 03 juin 2011 qui dévoile ce qui suit : « L'éventualité d'une nouvelle candidature du président camerounais Paul Biya à la Présidentielle de 2011 fait l'objet d'une controverse au Cameroun, certains affirmant qu'elle serait anticonstitutionnelle, d'autres, le contraire… » La problématique est posée. Le décor est planté. Le sujet semble d’autant plus intéressant qu’il met sur la scène, une kyrielle de panélistes de renom dont les positions demeurent cependant immuables, nonobstant la pertinence et l’impertinence des arguments juridiques déployées par des plumes expertes. Face à l’impasse que  schématise une discussion bloquée, j’ai cru bon de donner mon avis, en partant des assertions dichotomiques des collègues et experts qui m’ont précédé dans l’arène. Puis, en dressant une synthèse qui tienne compte des éléments nouveaux versés au débat sur la constitutionnalité juridique de la candidature du Président Paul Biya dont la presse nationale s’est fait l’écho ces derniers temps. Afin de permettre une lisibilité et une compréhension plus aisée des différents aspects de la problématique en cours, la démarche scientifique consiste à résumer les avis contraires qui alimentent le débat au quotidien. Ensuite, de manipuler les hypothèses controversés qui se chevauchent dans la cité, pour, enfin, extirper le bon grain de l’ivraie, et en déduire notre contribution. Pour commencer, place aux acteurs et à leurs avis.

Le débat sur l’inéligibilité juridique du Président Paul Biya part de la plume acerbe de l’internationaliste Alain Didier Olinga (ADO), dans la chronique juridique du 21 avril 2011 qu’il anime dans le quotidien Mutations. Il y dit ceci: « La modification constitutionnelle du 14 avril 2008 peut-elle avoir eu pour effet, et si oui sur quelle base, de changer la nature du mandat en cours du président de la République, d’un mandat obtenu du peuple en 2004 sous les auspices de la clause constitutionnelle de limitation de mandats, en un mandat renouvelable indéfiniment, en l’absence de toute précision de cette nature dans le texte constitutionnel même, à l’instar de ce qui avait été prudemment fait dans les dispositions transitoires lors de la révision du 18 janvier 1996 ? » Autrement dit, selon ADO, la modification constitutionnelle du 14 avril 2008 (l’article 6 alinéa 2) ne serait pas suffisante pour que l’actuel président de la République brigue un troisième septennat. Ce serait transformer rétroactivement le mandat confié en 2004 par le peuple…

Comme pour s’inscrire en faux contre l’assertion d’ADO le professeur. Narcisse Mouelle Kombi, constitutionnaliste, et  Directeur de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), affirme le 27 mai dans  Cameroon Tribune que : « La Constitution ne s’oppose pas à une éventuelle candidature de Paul Biya ». Il va plus loin en déclarant que « L’inéligibilité ne se présume pas, elle ne peut pas être construite sur la base d’arguties ou de raisonnements spécieux qui, à défaut de s’apparenter à des contre-vérités juridiques, constituent un défi à l’orthodoxie et à la logique juridiques. » Donc acte, pour Kombi, « la Constitution aujourd’hui permet au président Paul Biya d’être candidat Car l’article 6 alinéa 2 issu de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 est sans équivoque et sans ambiguïté. Il dit clairement que le président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans. Il est rééligible. Cette rééligibilité est sans réserve. Il en découle l’absence de limitation du nombre de mandats, donc la rééligibilité possible du président en fonction, au cas où il serait candidat, à la prochaine élection présidentielle. »

Un autre juriste, Dr Mathias Eric Owona Nguini, rétorque que si l’on s’en tient strictement au droit, le mandat actuel du président Paul Biya est le dernier. Selon lui, c’est le successeur de Paul Biya qui devrait bénéficier de la non-limitation des mandats présidentiels. « Le mandat du président en fonction a effectivement été obtenu à l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 2004 où les institutions compétentes l’ont reconnu comme étant élu par le suffrage universel. Or, ce mandat a été effectivement obtenu sous les auspices de la clause constitutionnelle de limitation des mandats présidentiels, laquelle clause avait été introduite dans la constitution en janvier 1996… » Pour souligner l’inéligibilité du président Biya, Me Fidèle Djoumbissie pense de son côté que « le problème juridique qui se pose se situe au niveau de l’application de la loi dans le temps de laquelle découlent des règles précises régissant les actes, des faits ou situations juridiques nés sous le régime de l’ancienne loi... »

Hypothèses
Voilà pour ce qui est des avis juridiques et des questions relevant du droit constitutionnel. La problématique posée dans cet ordre comme dans l’ordre sociologique, consisterait à dire que les rédacteurs de la révision constitutionnelle d’avril 2008 ont péché par un hiatus d’article et d’alinéas qui couteraient cher au président Biya aujourd’hui, dans ses desseins de candidature pour la Présidentielle de 2011. La thèse de « l’oubli » ou celle de « l’incompétence » relevée pour demander un retour à l’Assemblée nationale, pour y adjoindre un  additif juridique modifiant et complétant les dispositions de la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 pourtant révision constitutionnelle afin d’y introduire une disposition rendant rétroactive la loi querellée, s’impose-t-il ? Cette querelle de concepts juridiques remet-elle en question la scientificité du droit perçu non pas comme un simple sujet de littérature politique, mais comme un essaim de basics juridiques dont tout commentaire devrait rester dans le cadre de la loi et du droit. L’interprétation du droit ne relève pas, à ce que je sache, de la subjectivité des opinions, mais du diktat des lois, quitte à ce qu’elles nous ébranlent ou qu’elles nous violentent. De ce fait, les lois ne sont pas faites pour être commentées, mais pour être appliquées. La loi est comme le droit, elle s’impose à tous dès lors qu’elle est conçue et promulguée. La loi prend autorité in extenso dès l’heure de son applicabilité. Dois-je, ici révéler ou rappeler à mes chers collègues qu’il existe une sacralité du droit qui se passe des avis et humeurs sociales et/ou individualistes ? Dura lex, sed lex, dirait-on. La sacralité de la Loi fondamentale découle du fait qu’elle est la colonne vertébrale des lois sociales, et donc qu’elle ne se met pas sur la sellette des jugements profanes. Le juriste aguerri est un initié de la science qu’il devrait se réserver tout droit de violation. C’est également là, un principe de la science juridique. Cela dit, il est étonnant de voir d’éminents juristes apposer à la science leurs opinions et humeurs personnalisées, sous le prétexte fallacieux de combattre des dispositions constitutionnelles sur la base des arguties qui ne tiennent plus compte des postures juridiques, mais des calculs et intérêts égoïstes. C’est grave ! Non, chers collègues, vous le savez mieux que tous, l’applicabilité du droit n’est pas synonyme d’un devoir de dissertation philosophique où chacun laisse primer son avis sur la morale et l’esprit des lois. La science ne se négocie pas, elle s’impose à la cité, en partant des soubassements légaux.

Du point de vue de la forme, l’interprétation de la loi est dangereuse dès lors que les sentiments se mêlent à l’évidence juridique. La querelle actuelle portant sur l’éligibilité et/ou l’inéligibilité du Président Paul Biya fait croire qu’il y a mille manières de lire le droit. C’est grave ! S’il y a cent façons de dire le droit, il n’y a qu’une seule lecture du droit. On ne vous demande pas de donner des avis, mais d’appliquer la Loi, fut-elle défavorable et opprimante. La Loi est une et indivisible, les opinions relèvent des passions.

Le débat sus-évoqué tend à complexifier le droit au lieu de simplifier la loi. Heureusement ou malheureusement, pour vos étudiants qui sont désormais perdus entre les conceptions disparates des uns et des autres, votre discussion reste cloitrée dans des amphis… La querelle des gardes universitaires se manifeste et se déterre dans cette dispute anachronique où la mauvaise foi est manifeste dans la lecture subjectiviste faite de la Loi fondamentale du 18 janvier 1996 et de sa révision datée du 14 avril 2008 dans l’article 6 et l’alinéa 2. Mon intervention se justifie d’ailleurs par le fait que l’écho assourdissant de cette querelle d’encyclopédistes ait dépassé à dessein, les campus pour les médias, avec tous les effets secondaires et déviances qu’elle peut susciter sur la paix sociale. Je ne suis pas adepte des conflits de grades, mais personne n’est dupe, l’université s’est fortement politisée. L’aigreur d’ADO affronte-t-il le carriérisme de son chef Mouelle Kombi ? Ce sont les pauvres étudiants de l’IRIC qui trinquent des faix de la discorde des profs, et des effets collatéraux de leur adversité scientifique. ADO a-t-il cru pouvoir se venger, à la dernière minute, en taisant sciemment les prétendus manquements de l’article 6,2 objet de la querelle, pour dresser un piège faisant office d’une bombe à retardement jonchant la voie royale d’une éventuelle candidature du Président Paul Biya vers la Présidentielle 2011 ? On peut le croire, au regard du moment de cette révélation, et des propensions prises en dehors de l’aire académique. Non ! Mon cher ADO, sciences et sentiments ne font pas bon ménage. Comme on peut le constater les acteurs qui s’affrontement se distinguent davantage par leurs prises de position et leurs postures politique que par la pertinence des arguments qu’ils développent. De prime à bord, la forme prime sur le fond. La déviance de notre problématique réside dans cette querelle de tranchées où la science juridique sur la constitutionnalité de la candidature du Président Paul Biya vient après la stature sociale et la posture politicienne des panélistes.

L’implicité de la non rétroactivité

Dans le fond, et sur le plan technique, les ambigüités sont moins contradictoires. La controverse semble plus formelle que la pertinence du droit suscité. Les subtilités juridiques révélées par ADO et amplifiées par Mathias Owona Nguini et l’avocat Fidèle Djoumbissié ne sont perceptibles que dans la quête de nuisance ayant sous-tendue une lecture transversale de la modification de la Constitution d’avril 2008. C’est-à-dire, des prés requis du droit négatif ou spéculatif, tant il est clair que l’on fait dire à la Constitution ce qu’elle ne dit pas, et on s’appuie sur ce qu’elle dit, de fait, pour notifier son déficit. Le constituant dans son amendement ne calque la loi sur aucun individu précis, mais sur tous les citoyens camerounais remplissant les critères prescrits par la Loi fondamentale, au-dessus de laquelle il n’existe aucune autre loi de primat. La nullité implicite de la non rétroactivité se souligne d’elle-même dès qu’on applique cette loi à tous les Camerounais, sans exclusive et sans réserve, sans lui soupçonner la prétention d’être taillée à la mesure d’un homme, et à aucun autre camerounais. Or tel n’est pas le cas, comme indique Mouelle Kombi. « L’esprit et la lettre de la révision visent à permettre à tout candidat présidentiable de bénéficier de la non limitation des mandats présidentiels, donc de la rééligibilité », tant il est vrai que le patronyme de Paul Biya n’est pas mentionné dans la Constitution, mais la fonction du Président de la République élargie à tout présidentiable, et possible à chaque camerounais. Les Constitutions se passent des restrictions, mais élaborent des généralités qui la rendent immanente. Autrement dit, la Constitution est complète et suffisante. Elle se suffit en elle-même, dans son élaboration comme dans son applicabilité. On ne saurait lui prêter des intentions sans sortir des arcanes du droit positif.

Le gros de la problématique en cours semble résider sur la rétroactivité ou la non rétroactivité de la loi querellée. Or Mouelle Kombi fait bien de noter qu’il est « constant en droit que la loi n’a pas d’effet rétroactif, elle ne dispose que pour l’avenir. » (J’ajouterais, pour ma part, qu’elle prend effet à partir de sa promulgation pour ne s’éteindre qu’à la prochaine abrogation). Narcisse Mouelle Kombi conclut en précisant que « ce sont des principes élémentaires mais fondamentaux de tout ordre juridique. La loi constitutionnelle de 1996 limitant les mandats a été expressément et valablement abrogée en 2008. Ainsi son abrogation légale empêche qu’elle puisse encore produire un quelconque effet juridique pour l’avenir, la loi nouvelle ouvrant la possibilité de la rééligibilité illimitée à partir du moment où elle est entrée en vigueur dès sa promulgation ». Tout est dit, et bien dit. Tel est le droit de la Loi ou inversement, la loi du droit.

Au demeurant, le législateur ne confectionne pas les lois pour qu’elles soient applicables dans l’utopie, mais dans la réalité historique du temps de leur mise en application. Les amendements reposent sur des faits constants et palpables. Paul Biya est camerounais à part entière, son éligibilité est donc, au regard des faits et contours sus-évoqués, crédible, l’effacement de la rétroactivité des lois promulguées étant implicite et fondamentalement juridique. La loi actuelle vivra jusqu’à la révision future, tant elle abroge tout antécédent théorique (mentionné) et lié à la loi n° 96/06 du 18 Janvier 1996. Depuis le 14 avril 2008, les compteurs sont à zéro pour tous, et Paul Biya est bel et bien éligible. Sa candidature ne souffre d’aucun doute juridique. Sauf que la passion qui entoure cette clause légale et légitime s’explique, on le comprend, enfin, par la querelle des grades universitaires que sur la problématique de la constitutionnalité de la candidature de Paul Biya, qui sert de prétexte à des batailles jadis non avouées, mais que trahit l’article psychanalytique de Mathias Éric Owaona Nguini : « La densité technique, analytique, théorique et philosophique dont le Pr. Alain-Didier Olinga fait preuve en ce qui concerne les sciences et arts du droit, interdit en dehors de tout fétichisme des titres et des grades, qu’on puisse insinuer à son sujet, sans avoir le courage de le nommer que sa démarche relève d’un activisme pseudo-juridique. Qu’on se le dise, en matière de doctrine constitutionnelle camerounaise, Alain-Didier Olinga n’est pas n’importe qui. Il est aujourd’hui, n’en déplaise à ses contradicteurs et détracteurs, aux côtés des grands anciens tels que Joseph Owona, Maurice Kamto, Joseph-Marie Bipoun Oum et aussi du patron montant qui est Magloire Ondoa, une figure forte de cette doctrine constitutionnelle camerounaise et/ou camerouniste qui mérite respect et considération, même à supposer qu’il puisse se tromper et qu’il se trompe effectivement dans le débat considéré… » Comme on peut le constater, pour s’en convaincre, définitivement, la problématique persévérante, ici, ne réside plus dans la candidature du Président Paul Biya, mais dans la rixe des grades savants.

Correspondance particulière pour 237online.com

Dr Efon Kaladje, politologue.