Une nouvelle fois, le magazine féminin Paris-Alger nous donne des conseils de maquillage, cette fois-ci version "soir".
Un maquillage adapté à la mode des années 1930, de même qu'aux produits cosmétiques de l'époque.
MAQUILLAGE ELEGANT POUR LE SOIR
par E. Bouttier
Fond de teint
La question du fond de teint est une des plus discutées : certains spécialistes conseillent un fond de teint assez coloré, qui unifie la couleur du visage en le fonçant légèrement ; d'autres - non moins célèbres - s'opposent au principe du fond de teint et veulent que, même le soir, la femme garde un épiderme aussi naturel que possible et clair, de préférence.
Le fond de teint s'impose pour la scène : là il n'est pas question de s'abstenir.
Pour la ville, la question reste indécise : elle sera résolue diversement selon la nature de chaque épiderme, selon la toilette portée et l'allure de la personne. Il y a des femmes à qui l'artifice convient mieux qu'à d'autres : le fond de teint qui met un masque léger - mais un masque - sur le visage, embellit merveilleusement certaines physionomies un peu énigmatiques, un peu vamp ... tandis qu'il vulgarise d'autres types féminins.
Disons tout de suite que l'usage du fond de teint ne saurait être recommandé à une toute jeune fille : cela la vieillirait immanquablement.
Pour obtenir un fond de teint bien uni, il faut employer une crème assez épaisse, mate et absorbante. Certaines crèmes grasses ont l'inconvénient de "ressortir" en faisant briller le visage : c'est très désagréable ... Avant de partir pour la soirée ou le bal, la jeune femme qui n'est pas très sûre de sa crème devra l'appliquer une heure d'avance, sans poudrer, et observer le résultat.
Les connaisseurs nous recommandent les crèmes ocrées pour le soir. Il est à remarquer, en effet, que le jaune blanchit aux lumières et donne beaucoup plus d'éclat que le rose. Les crèmes rosées seront employées le jour.
En étendant la crème fond de teint sur le visage, pensez bien, mesdames, à ménager un passage entre le visage et le cou, de même qu'entre le cou et les épaules. Comme on ne peut envisager de farder tout le décolleté, il faut s'ingénier à établir un "dégradé", un "fondu" sans lequel notre tête ocrée, posée sur des épaules trop blanches, prendrait un pénible aspect de tête rapportée, de poupée de bois ...
Même pour les blondes, le fond de teint ocré est très à la mode. Il le sera de plus en plus en avançant dans l'été.
Rouge du soir
Le rouge du soir est beaucoup plus vif, plus lumineux que le rouge du plein jour. Selon la carnation de chacune et surtout selon la couleur des cheveux, on emploie un rouge mandarine, un rouge carminé ou un rouge pourpré, c'est-à-dire un rouge qui s'éloigne ou se rapproche de l'orangé.
Le rouge le plus clair (orangé ou mandarine) convient aux blondes platinées. Le carmin (rouge de rose) s'harmonise avec les chevelures châtain ou acajou ; le rouge-pourpre (parfois même un peu fuchsia) relève la pâleur marmoréenne des femmes très brunes, à chevelure d'ébène.
Mais à vrai dire, on ne peut établir une règle fixe pour ce délicat rassortiment ; car le teint et la couleur des yeux démentent parfois la nuance de la chevelure - surtout pour les femmes décolorées ou teintes au henné - et il faut évidemment en tenir compte dans le choix du rouge à employer.
Les rouges gras tiennent mieux que les rouges secs, aussi doit-on les employer de préférence avec le fond de teint, sous la poudre. Le rouge sec rendra service pour faire des raccords, après le poudrage.
Le même rouge s'impose pour farder les pommettes, les lèvres et le lobe de l'oreille. Nous estimons même que cette recherche d'harmonie devrait être poursuivie jusque dans le choix du vernis pour les ongles. Le fard des mains doit compléter celui du visage pâle ou à peine rosé ; et, inversement, des ongles clairs étonnent quand les joues et les lèvres sont violemment fardées.
Il existe maintenant autant de nuances dans le vernis pour les ongles qu'il y en a dans les rouges à fard : on peut donc procéder à un rassortiment très exact.
La poudre
Le travail qui consiste à étaler la poudre sur le fond de teint et le rouge ne peut être mené à bien qu'avec un soin méticuleux et une certaine lenteur.
Il faudra d'abord s'assurer que le fond de teint est parfaitement sec, que la crème est absorbée ainsi que le rouge gras des pommettes, du menton et des oreilles.
Si l'on poudrait hâtivement sur de la crème encore collante, on obtiendrait des plaques de poudre, des surfaces inégalement poudrées et trop épaisses dans les creux.
Il faut employer du coton très fin pour étaler la poudre et en ôter l'excès. Eviter de poudrer trop abondamment les rides du visage (on a toujours quelque ride un peu accentuée, même dans la jeunesse : par exemple, celle qui contourne l'aile du nez et qui se marque parfois dès la vingtième année). La poudre accentue les rides au lieu de les effacer.
Il vaut mieux employer une poudre de la même couleur que le fond de teint. Les poudres trop claires grossissent les traits, tandis que les poudres colorées les affinent.
Les yeux
Le maquillage des yeux mériterait tout un chapitre.
Disons rapidement que, pour une grande soirée, on peut farder ses yeux beaucoup plus que pour un dîner d'amis ou une partie de bridge.
Il est permis d'hésiter entre le bistre, le bleu clair ou le bleu foncé, ou encore le brun profond du Kohl ... Mais ce dernier fard - très accentué - ne peut convenir qu'à une brune et tragique beauté, dans le style quelque peu arabe.
Les gris-bleu, les bistres clairs s'accordent avec les teints de blonde et les yeux bleus ou gris. Le bleu outremer ne choque pas sur des paupières naturellement pigmentées, pour faire valoir des yeux grands et noirs, à cils épais. Il nécessite le voisinage de pommettes très fardées, en rose fleuri.
On peut farder assez fortement la paupière supérieure et même l'espace compris entre la paupière et les sourcils, si les yeux sont plutôt "enfoncés" et noyés d'ombre ... Si, au contraire, ils sont un peu saillants et très découverts, on devra les farder avec beaucoup plus de légèreté et n'employer que des bleu lavande, des bistres rosés.
Ne jamais ombrer la paupière inférieure sous peine d'avoir l'air vieux et malade. Les femmes qui se donnent ainsi, gratutement, des yeux "cernés", ne savent pas le tort qu'elles se font. La morbidezza, chère à nos romantiques aïeux, est absolument passée de mode.
Image : Marlene Dietrich en 1935, par Nickolas Murray