L’industrie aéronautique n’a pas fini de nous surprendre : au moment oů l’IATA prévoit des résultats financiers 2011 trčs médiocres pour l’ensemble de ses membres, que de sérieuses incertitudes pčsent sur le prix du pétrole, les avionneurs engrangent des commandes spectaculaires. Mieux, chez Airbus, l’euphorie s’installe.
On peut le comprendre, sur base des chiffres annoncés au salon du Bourget, une semaine folle au cours de laquelle ont été annoncées par l’avionneur européen les commandes de seize clients portant sur 730 avions d’une valeur (au prix catalogue) de 72 milliards de dollars. Boeing a fait beaucoup moins bien, avec 142 ventes d’un montant de 22 milliards, mais cela sans qu’il faille en tirer de conclusions hâtives. Cette valse de milliards est en effet artificielle dans la mesure oů son impact est avant tout médiatique.
On ne dira jamais assez qu’Airbus retient l’annonce de contrats dans les semaines qui précčdent les grands salons pour obtenir le plus grand retentissement lorsque les grandes agences, les titres les plus influents, sont réunis en face d’eux. Personne n’est dupe, l’ambiance est assurée. Les autres exposants (ils sont 2.100 au Bourget) sont sans doute un peu frustrés de rester dans l’ombre, encore qu’ils apprécient ces preuves de retour de la Ťhauteť conjoncture. Sans parler des grands motoristes qui entrevoient des jours heureux, principalement Pratt & Whitney et le duo Snecma/General Electric. Rolls-Royce, pour sa part, perd du terrain.
Cette frénésie est porteuse d’enseignements. Air Asia confirme symboliquement que le coeur du marché glisse vers l’Asie oů se trouvent dorénavant les plus grands gisements de croissance du transport aérien. Ces jours-ci, on parle beaucoup d’une commande importante du groupe Air France-KLM (avec interférence politique d’une autre époque) mais elle ne risque pas de ternir l’image, par exemple, du groupe malaisien Air Asia qui, au total, a maintenant acheté trčs exactement 375 A320, dont 200 NEO (New Engine Offer) annoncés au Bourget.
L’enthousiasme communicatif de Tony Fernandes, son directeur général, fait plaisir ŕ voir. Cet homme sympathique au rire tonitruant sait que l’avenir lui sourit, qu’une stratégie de développement judicieuse va le conduire jusqu’aux plus hautes marches du podium. Mieux et encore plus brillamment que certains observateurs ne le prédisaient récemment, et au point de surprendre Tom Enders, patron d’Airbus, et John Leahy, son super vendeur.
On retiendra aussi ŕ cette occasion que le succčs spectaculaire de l’A320 NEO s’affirme de jour en jour, avec plus d’un millier d’exemplaires placés en six mois. Du jamais vu, au point de conduire l’avionneur européen ŕ envisager une nouvelle augmentation de la cadence de production de son best-seller. Lequel sera pourtant bientôt livré au rythme de 42 exemplaires par mois.
Le NEO apparaît de plus en plus comme le résultat d’une bonne idée toute simple. Airbus investit un milliard et demi de dollars seulement dans le développement de cette nouvelle version, l’essentiel de l’effort financier étant le fait des motoristes. Il est désormais évident que Boeing devra riposter sans plus attendre, bien que Seattle donne l’impression de se hâter trčs lentement vers la rénovation du 737 ou l’annonce d’un avion entičrement nouveau.
Il est ŕ peine nécessaire de préciser, au moment oů le salon du Bourget se termine, que la Chine et la Russie, quel que soit le bien-fondé de leurs ambitions sur ce męme segment du marché, ne joueront pas de sitôt dans la cour des grands.
Pierre Sparaco - AeroMorning