ÊTRE UN PORT DE HAUTE MER.
Même à mon âge
J’aimerais être un port de haute mer
D’où partiraient les navires de tous mes espoirs
Port ouvert sur le large et les tempêtes
Sur les embruns et les vagues
Sur les îles de mes révoltes apaisées
Port aux mugissements longs des cornes de brumes
Aux phares éclairant le bout du monde et l’éternité
Je quitterais ma petite maison
Et ma chambre ombragée par les feuillages du jardin
D’où j’entends des gens sur le trottoir qui chuchotent
Pour ne pas troubler ma quiétude
Comme s’ils suçotaient des bouts de silence
Ici les femmes ferment les tentures
Les persiennes glissent sur mes paupières
Je vois passer les convois funéraires des imaginations
Et mes rêves sont peuplés des cris des pleureuses
Mes yeux se bouchent sous leurs baisers humides
Les femmes se meuvent lourdement
Dans mes songes éteints
Le long de couloirs étroits et interminables
Qui s’enfoncent derrière moi
Très loin dans la jungle des villes
Les nébuleuses se sont écartées de moi
J’ai du plomb dans l’aile
J’ai les plumes hérissées
Autour d’anciennes blessures mal cicatrisées
Tous nous sommes marqués par le sceau d’incurables scléroses
De nos sentiments de chair
Les larmes d’acier du ciel se sont figées dans nos crânes
D’autres sont descendues jusqu’au cœur
Pour y rouiller au fond de l’âme
L’alchimie de nos vies est pesante
Elle nous plombe les pieds à la terre
Alors que la mer toujours nous appelle