Ne cherchez pas ici le regard sociologique sur la banlieue : Hamid Jemaï est totalement dans la fiction, les clichés qu’il assume (gitans, russes et autres gangsters) et il écrit son livre comme s’il maniait une caméra. Détaillant la technique de certains plans, usant du flash-back comme dans un film. Il demande seulement au lecteur d’accepter de se laisser mener dans le récit, de ne pas s’effrayer s’il entend crier, de jouer à faire tomber les masques ou à en porter, d’écouter la musique qu’il lui propose.
Il donne la règle, au milieu du livre, à la page 100 : « Tu m’diras, le récit va trop vite, j’suis plus ? Mais dans ma tête c’est comme ça, alors adapte-toi. Crée-toi un chemin si t’es perdu. C’est ce que j’ai fait. »
Des onomatopées, des caractères de tailles différentes, des phrases uninominales, la large palette d’un vocabulaire où il prend un plaisir évident (même hors du dictionnaire : « tout ça, c’est trop petit »), l’usage de métaphores et une intrigue bien menée qui ne révèle rien de son issue.
Une histoire de famille où il ne faut pas prononcer le mot « mafia », interdit, mais où le héros (pas toujours héroïque) baigne au risque de se noyer. Une histoire où il ne s’agit pas d’être riche, mais d’être « au beurre », de serrer son bonheur…
Et l’auteur a de l’audace. Il cite, en exergue, René Char :
« Impose ta chance,
serre ton bonheur et va vers ton risque.
A te regarder, ils s’habitueront. »
C’est ce qu’il fait, lui, en écrivant et en publiant son deuxième livre. Je crois qu’on va s’habituer à cette généreuse hardiesse.