A l’occasion du 49ème salon du Bourget Paris Air Show, la DGA a présenté en première mondiale le CTH-Num, issu de travaux financés par le PEA du même nom. L’objectif de ce PEA était d’explorer de nouvelles possibilités de présentation des informations au pilote en se basant sur une nouvelle technologie numérique qui permet d’obtenir désormais des informations en couleurs.
Un CTH actuel analogique et monochrome
Le CTH, Collimateur Tête Haute encore appelée HUD (Head-Up Display) d’un avion de combat est un « écran transparent », fixé au cockpit, qui affiche les informations de vol directement devant les yeux du pilote. Conçu pour éviter à l’aviateur d’avoir à détourner le regard de son champ de vision, ce système projette à la fois les informations des instruments de bord, mais également les éléments critiques de pilotage comme l’horizon artificiel, la trajectoire de l’avion, la conduite de tir…, le tout en superposition avec le monde extérieur. Sa capacité eyes out, c’est-à-dire la possibilité donnée au pilote de surveiller son environnement extérieur tout en disposant directement des informations des instruments de bord, contribue à améliorer de manière significative la perception de la situation et l’efficacité de la mission et fait du CTH un élément incontournable au cœur de la conception de tout cockpits d’aéronefs modernes.
Jusqu’à présent, à bord des avions de chasse, le CTH était analogique. Autrement dit, il publiait les informations sous des formes géométriques en deux dimensions, avec une unique police de caractères, inchangeable et de couleur vert (couleur utilisée par tous les aéronefs, pour sa capacité à demander moins d’énergie que toutes les autres sources lumineuses équivalentes). Cette uniformité du système pour tous les types de collimateurs d’avions de chasse est aujourd’hui dépassée grâce à l’étude de la DGA, qui développe actuellement un prototype de collimateur tête haute numérique.
Vers le numérique polychrome
« Passer du CTH analogique au CTH numérique, c’est un peu comme de passer de la télévision avec écran à tube cathodique à l’écran LCD » explique Guillaume Grasset, ingénieur d’essais en simulation Rafale à la DGA. Cette amélioration a plusieurs conséquences majeures : « outre la vision améliorée, qui existait déjà, le pilote pourra obtenir une vision synthétique 3D offrant une représentation visuelle du terrain en relief, une vue des obstacles ou de la position de la piste, assurant le pilotage en toute circonstance, de jour comme de nuit, même par mauvaise visibilité. Une meilleure résolution des données et des prises de vue ouvre aussi la possibilité de projeter les vidéos en temps réel en plein champ : par exemple, en cas d’atterrissage à visibilité réduite, le pilote pourra utiliser les images filmées « en direct » sur le CTH, permettant une vision sans défauts !
Améliorer la performance de vision
Mais l’innovation majeure réside dans la capacité d’afficher désormais les informations sur le CTH en plusieurs couleurs. « Nous avons trouvé comment tracer des symboles dans d’autres couleurs que le vert, comme le rouge, qui a l’avantage de ne pas se fondre dans l’environnement extérieur. Un affichage polychrome nous permettra, par exemple, d’appliquer le code couleur utilisé généralement dans l’aviation de chasse : rouge pour spécifier les hauts risques (pannes, menaces détectées…), ambre pour les dégradations mineures, vert lorsque tout est normal… ».
De nouvelles polices de caractères pourront être également utilisées, ainsi que de la surbrillance, des épaisseurs de trait différentes… la qualité du tracé des formes s’améliore également de façon fulgurante. Là où, jusqu’à présent, les cercles étaient représentés par des hexagones, on pourra désormais tracer des cercles parfaits. Autant de nouvelles fonctionnalités qui améliorent la qualité d’affichage du CTH et sa lisibilité, et permettront probablement d’alléger la charge du pilote, pour améliorer la perception de l’environnement et la prise de décision au bénéfice de la sécurité aérienne.
Un réel défi technologique
Le passage au numérique des CTH est une véritable prouesse technique. Il n’est plus possible d’utiliser des patterns holographiques classiques, qui avaient l’inconvénient de perturber parfois la vision des pilotes par une coloration violacée (couleur complémentaire du vert) de l’environnement.
De plus, la puissance électrique nécessaire pour que la couleur rouge possède une luminance suffisante quelque soient les conditions d’éclairement extérieur est bien plus importante que pour le vert. Ceci est lié à la sensibilité en vision photopique de l’œil, qui est dix fois moindre dans le rouge que dans le vert (pour lequel on atteint le rendement maximum de 683 lm/W).
Le CTH numérique au Salon du Bourget P.A.S. 2011
Si le CTH existe sur le Rafale depuis sa conception, cette amélioration entre dans une réflexion globale pour une interaction de l’Homme et des systèmes de plus en plus poussée. « La DGA travaille en permanence avec les forces et les industriels, pour définir et conduire les études qui permettront à la Défense française de garder une avance technologique. Présenter notre prototype au Bourget 2011 est aussi une façon de le souligner. » Le stand sera ouvert au public, et des simulations proposées. Un scénario de plusieurs minutes, comportant l’ensemble des phases de vol d’un Rafale, sera proposé à tous afin de tester le CTH numérique.
Sources :
- article sur le site officiel de la DGA