Écrit par La Nouvelle Expression
Jeudi, 23 Juin 2011 16:25
ééééééééè
Quelques cheveux blancs ressortent d'un foulard massif qui rehausse sa robe kaba de fond bleu. Une fine couche de poudre recouvre ce visage au teint clair. Honorine Massing, 61 ans, garde une attitude digne en égrenant cette aventure dans laquelle elle et ses huit enfants sont embarqués depuis le décès de son époux, en 1994. « Je n'ai aucune activité à cause de mon état. C'est un miracle que les enfants arrivent encore à manger. Heureusement, l'aînée s'est mariée et de temps en temps, elle m'achète mes médicaments », souffle-t-elle.
En effet, Samuel Massing s'est éteint en laissant ses camarades du service armement de l'ex-Office national des Ports du Cameroun (Onpc) poursuivre la revendication de leurs droits sociaux attachés aux heures supplémentaires. A l'époque commandant du remorqueur Grand Batanga, il aurait empoché pas moins d'une trentaine de millions Fcfa aujourd'hui.
« Mon mari a poursuivi cette affaire pendant huit années ; il est mort sans avoir bu un seul verre d'eau avec cet argent » (sic), se plaint celle qui revendique le titre de « première veuve » – elles sont sept à présent – du Collectif des marins du service armement du Port autonome de Douala. Vingt cinq agents marins et cadres navigants courent depuis 25 ans après leurs droits.
Nationalisation
Avant sa nationalisation en 1976 et son incorporation à l'ex-Office national des ports du Cameroun (Onpc), le service armement (remorquage et pilotage) était sous la coupe de l'Union des remorqueurs de Douala créée en 1957. Les heures supplémentaires de ceux qui y travaillent grimpent jusqu'à 120 unités par mois. « Le responsable administratif et financier de l'Onpc a jugé que c'était beaucoup et que, de toutes les façons, les autorités n'accepteraient jamais de payer des sommes pareilles », indique Jean Ekoune Etindele, porte-parole du collectif. Un compromis est alors trouvé : 80 heures forfaitaires mensuels, « que tu sois malade ou absent », précise Richard Ndoumbe Njanga qui exerçait alors comme maître machine.
La donne change en juillet 2006, avec l'arrivée de Sigfried Dibong à la tête de l'entreprise publique. « Il a constaté des abus, en s'apercevant que des responsables faisaient en sorte que leurs secrétaires et chauffeurs, qui n'étaient pas concernés au départ, puissent en bénéficier. Il a décidé de suspendre momentanément le mécanisme pour y mettre de l'ordre. Mais, il ne l'a plus rétabli », évoque Jean Ekoune Etindele, 61 ans, commandant de remorqueur à l'époque des faits.
Répercussions
Un état de fait qui aura des répercussions sur les vingt-cinq bénéficiaires. « A l'époque, les heures supplémentaires me donnaient 65 000 F Cfa. Imaginez quelqu'un qui gagne 230 000 F Cfa par mois et à qui on enlève du coup 65 000 ? Il ne peut plus marcher sur ses deux pieds », se désole Richard Ndoumbe Njanga qui, à 67 ans, compte sur ce qui lui revient pour rebâtir une maison ravagée l'année dernière par les flammes. « Depuis cette suppression, j'ai connu un abaissement de mon niveau de vie, car ces heures supplémentaires me rapportaient 155 000 F Cfa par mois », renchérit Jean Ekoune.
S'en suit une longue procédure avec quelques rebondissements. Le 29 octobre 1997, le directeur des affaires maritimes et des voies navigables constate l'échec des démarches à l'amiable avec l'employeur par un procès verbal de non conciliation. Ce qui débouche sur un procès trois années plus tard contre le Port autonome de Douala (Pad), né après la disparition de l'ex-Onpc dans le cadre de la réforme portuaire de 1999. Le 07 janvier 2002, le conseil d'arbitrage de la cour d'appel du Littoral condamne le Pad à verser 627 millions F Cfa aux vingt-cinq plaignants. Le Pad s'y oppose en faisant recours et perd devant la Cour suprême.
Liquidation
La liquidation de l'ex-Onpc décide de ne s'acquitter que du quart de cette somme, en leur versant 157 millions Cfa. « Notre avocat nous a dit de récupérer d'abord cette somme, en attendant d'obtenir le reste. Ce que nous avons fait », fait remarquer Jean Ekoune.Repreneur de l'actif et du passif de l'ex-Onpc, le Pad fait la sourde oreille pour libérer le reliquat, s'abritant derrière une décision du ministre des Finances interdisant aux entreprises publiques d'éteindre des dettes de cette nature. Les démarches de maître Jean Paul Ngalle Miano auprès de différentes autorités, y compris le chef de l'Etat, n'y feront rien. Devant cette impasse dans le paiement des droits de ses clients, l'avocat s'oblige à constater « les limites du judiciaire et le silence de l'administration. »