Magazine Culture
Jean-François Kahn s'est excusé dans son bloc-notes du magazine Marianne. Un bon point! Cependant, cela suffira-t-il à faire oublier les 2 mots fatidiques qu'il a prononcés dans une émission à propos de l'affaire DSK? Que retient-on de cet homme intelligent, cultivé, éloquent? Qu'il est un journaliste et un écrivain talentueux mais on n'effacera jamais, de nos mémoires, son débordement verbal.Certes, Mr Kahn confesse qu'il a "Toujours refusé de réduire une opinion, une pensée à un simple cliquetis verbal, fût-il malencontreux..." Il s'attend, donc, à ce que son propre "cliquetis verbal malencontreux" ne soit pas pris en considération et que le déballage que l'on a fait sur le sujet est bel et bien démesuré. Et d'ajouter:
"Peut-on, pendant des jours, fusiller quelqu'un, non pas pour avoir mal formulé ce qu'il pense, ou pour avoir révélé le fond de sa pensée, mais pour avoir en deux mots, paru exprimer le contraire de ce qu'il pense et que personne ne peut ignorer qu'il le pense..." Plutôt embrouillée votre manière de vous exprimer, Mr Kahn. Vous affirmez que celles et ceux qui vous connaissent n'ignorent pas ce que vous pensez réellement bien que vous ayez exprimé le contraire. Mais il est des mots tabous, des mots de trop, qui ont rendu vos nuits, hantées par le spectre de votre dérapage, encore moins belles que vos jours. Auriez-vous oublié le dicton populaire: "Il faut tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler"?
Vous reconnaissez ne pas avoir voulu sortir la phrase de son contexte car vous assumez votre faute. Bien! Et vous ajoutez: "Pour la raison très simple que, réentendue, l'expression devenait inadmissible à mes propres oreilles". On ne vous le fait pas dire. Vous ajoutez que, depuis près de 50 ans, vous défendez, pour l'essentiel, la cause des féministes mais croyez-vous, sincèrement, que c'est une raison suffisante pour qu'elles vous pardonnent votre écart de langage? Vous écrivez avoir créé Marianne "Par rejet de ce que, idéologiquement et philosophiquement, représente une personnalité, au demeurant talentueuse, comme Dominique Strauss-Kahn. Par rejet également de ce monde, de cet univers-là." C'est bien là une des raisons pour lesquelles on vous appréciait et ces deux mots de trop ne correspondent pas à l'image que l'on se faisait de vous. Alors que les déclarations déplacées de Badinter, de Lang et de Levy ne nous ont pas surpris outre mesure, vos deux mots de trop nous ont révoltés parce que nous sommes persuadés que vous n'êtes pas un réactionnaire sexiste et misogyne mais nous avons le sentiment d'avoir été trompés.
"Vous croyez vraiment que le républicain sourcilleux que je suis banalise l'une des pires pratiques de l'Ancien Régime?" On ne demande qu'à vous croire. Pourtant le "troussage de domestique" est bel et bien sorti de votre bouche.
"Une maladresse verbale, une note arrachée à sa musique et la gonfler comme une bulle spéculative...Deux mots jetés valent toutes les idées projetées...."
Vous maniez à merveille la beauté de la langue française. Vous savez utiliser ses mots comme personne. Vous l'employez avec une aisance que je vous envie. Dommage que deux mots de trop aient taché votre verve.
Quant à la palme d'or des propos déplacés, elle revient à une femme. Pas de paroles ni d'écrits sexistes mais une vision très particulière des classes sociales. Christine Angot, écrivaine, n'a pas fait dans la dentelle:
"De Zahia à Carla Bruni, il (DSK) aurait pu cibler n'importe qui. Là, il n'a pas eu la sexualité d'un chef. Une femme de ménage noire, s'il y tenait, il aurait dû la payer ou être prudent. Personne n'imagine qu'il a eu envie d'elle....." Article publié dans Libération. 561 réactions