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Le cultivar Kominami me ramène plusieurs années en arrière, à une époque où j’étais encore tout débutant dans le thé japonais. Un fukamushi sencha de Kakegawa 掛川(Shizuoka), plutôt cher, me fut alors vivement recommandé par le patron de ma boutique favorite. Il s’agit d’un cultivar très rare, seul deux ou trois producteurs l’exploitent. Je fais alors acquisition du produit. Néanmoins, il ne me convainc pas. Bien qu’il soit évident que je me trouve en face d’un thé de qualité, je ne sais pas, mais j’ai du mal, bref je ne le prépare pas bien. En avançant dans cet univers du thé japonais, J’en saisirai vite la raison : c’est un thé qui ne sera réellement intéressant qu’avec une infusion très tiède, pas forcement très longue, mais pas trop courte non plus. Mais à ce moment là, ce sont encore des choses que je ne commençais que tout juste à ressentir. Ceci dit, je ne ma suis par la suite jamais créer l’occasion de retenter l’expérience avec ce produit qui est pourtant de toute évidence, de réputation aussi, de grande qualité.La particularité de ce cultivar est une forte concentration en acides aminés, éléments de la douceur du thé. Aussi, ce sencha, en fukamushi (étuvage long) des plaines de Shizuoka, crachera vite une astringence parasite.
Et cela m’amène donc à ma sélection 2011. J’ai un échantillon d’un Kominami de Kamiyashiro 神谷城(ville de Shimada 島田), en lisière de Makinohara 牧之原. J’ai bien retenu ma leçon, eau bien tiède pour un dosage eau/feuilles classique, et une minute d’infusion. Le résultat est une liqueur vert clair, pas trop troublée pour un fukamushi. C’est un vrai gros fukamushi du plateau de Makinohara, mais au bon sens du terme. Beaucoup de goût, de force, mais pas de « saveurs parasites », long en bouche, et surtout, c’est un sencha très très doucereux.C’est donc bien un thé de très grande qualité, mais ce n’est pas un thé « typé », avec un parfum ou des saveurs personnelles. Alors que le Hon.yama présenté précédemment est LE classique du futsumushi sencha de montagne, celui-ci est LE classique du fukamushi sencha de plaine. Ils peuvent se voir comme les deux grandes écoles ou tendances du sencha.Aussi, il s’agit d’un thé parfait pour l’été puisqu’il est du tout meilleur effet en thé glacé, infusion à l’eau froide (mizudashi 水出し). J’en vois déjà me lancer des « un thé pareil, le préparer à l’eau froide, c’est gâââcher ! », et je ne pourrai pas les contredire trop vigoureusement. En effet, il faut charger en feuilles un peu plus que d’habitude, d’autant plus que l’on va vouloir en préparer plus pour bien profiter du caractère rafraichissant de la boisson. Il n’empêche que ce thé s’y prête vraiment exceptionnellement bien, tout l’accent est mis sur la douceur, et malgré l’eau froide, un très fort parfum sucré se fait présent. Cinq ou six minutes sont suffisantes.