- Les faits à l’origine de la compensation
Urbanisation de terrains naturels, implantation de zones d’activités, construction de nouvelles infrastructures… : les espaces artificialisés s’accroissent d’environ 60 000 hectares par an depuis 1993, aux dépens principalement des terres agricoles, mais aussi des milieux semi-naturels. Les atteintes à la biodiversité qui en découlent sont multiples.
Depuis 1976, les aménageurs ont pourtant l’obligation d’éviter et de réduire les impacts d’un projet sur les espèces, leurs habitats et les fonctionnalités écologiques. En derniers recours, la compensation des atteintes à la biodiversité est une obligation.
- Un exemple de compensation
Par exemple, pour la phase 2 de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) Est Européenne, 50 hectares de bois détruit ont été compensés par la création de 60 hectares d’îlots forestiers soustraits à l’exploitation durant 10 ans à des fins de gestion conservatoire.
Pour mettre en place cette compensation, aux Etats-Unis, en Australie ou en Allemagne, se sont créés des opérateurs qui sécurisent des terrains et les restaurent par des actions de long terme. Ils créent ainsi des « unités de biodiversité » qu’ils revendent à des maîtres d’ouvrage qui doivent s’acquitter d’obligations de compensation.
Les avantages d’un tel système sont désormais bien connus : les opérations de restauration bénéficient d’une gestion à long terme et d’un suivi scientifique ; la restauration des milieux peut avoir lieu avant l’aménagement destructeur.
En 2008, un premier opérateur s’est lancé avec l’appui du ministère du Développement durable sur cette nouvelle approche par l’offre : la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC), en s’appuyant sur sa compétence historique à mobiliser et gérer des financements sur le long terme, a créé la CDC biodiversité et initié une première opération d’offre de compensation sur la plaine de Crau dans les Bouches-du-Rhône.
Nathalie Kosciusko-Morizet, a souhaité développer cet outil. Pour ce faire, elle a lancé un appel à projet pour sélectionner des opérateurs sur quatre nouvelles zones. Ce dispositif s’inscrit pleinement dans la nouvelle Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB).
Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, « L’obligation de compensation a eu du mal à se mettre en place, notamment parce que les aménageurs ne savent pas forcément acquérir, restaurer et gérer sur le long terme des espaces naturels. L’offre de compensation permet d’anticiper la demande et de proposer une solution « clé en main » dans des territoires où la pression sur les milieux est forte. Les outils économiques innovants doivent également être mis au service de la préservation de la biodiversité. »
- Plusieurs zones géographiques pré-identifiées
L’appel à projet vise à autoriser le lancement d’une à quatre nouvelles opérations représentatives d’une diversité d’habitats et d’espèces.
Trois secteurs géographiques potentiels ont été pré-identifiés par le ministère :
- l’Alsace, où l’enjeu de l’opération est lié au maintien des populations de grand hamster,
- le Nord-Pas-de-Calais avec la reconstitution d’une trame verte sur les coteaux calcaires,
- le Poitou-Charentes avec la lutte contre le mitage de l’espace agricole qui impacte les populations d’oiseaux, notamment d’outarde canepetière.
Mais l’appel à projet reste ouvert à d’autres propositions. Les opérateurs sélectionnés prendront en charge le coût des opérations et bénéficieront de l’appui du comité de pilotage de l’expérimentation.
Les dossiers sélectionnés ne viendront pas en substitution des politiques de préservation et de restauration des espèces, habitats et milieux mises en œuvre par l’Etat, notamment au travers des plans nationaux d’actions. Ils sont dédiés à la compensation des impacts résiduels de projets.
La sélection des dossiers se fera au regard de plusieurs critères, notamment le choix du site au regard des pressions d’aménagement connues ou potentielles, l’additionnalité écologique de l’opération, les compétences d’ingénierie écologique et financière de l’opérateur, le soutien des acteurs locaux. Toute entité, quels que soient son statut (public ou privé) et sa nationalité, pourra candidater pour réaliser une ou plusieurs opérations.
Les dossiers devront parvenir au Ministère avant le 26 septembre 2011, pour une sélection prévue fin octobre 2011.
- Avis de Sequovia
On estime aujourd’hui que le rythme de disparition actuel des espèces est de 10 à 100 fois supérieur que le rythme naturel des extinctions. Pire encore, d’ici 2050, celui-ci devrait s’accélérer considérablement et devenir 100 à 1000 fois supérieur. Lorsque les circonstances imposent la destruction d’un espace naturel comme c’est le cas pour la construction de la Ligne Grande Vitesse (LGV), il faut pouvoir proposer des mesures pour limiter son impact. En effet, on imagine assez mal une ligne de train déviée de plusieurs kilomètres pour pouvoir contourner une forêt. La compensation biodiversité peut s’avérer être un bon compromis à condition que ces nouveaux espaces soient gérés durablement.