Les lois de protection sociale de type keynésien édictées dans l'immédiate après-guerre avaient un objectif politique clair : celui de proposer une alternative aux extrêmismes, qu'ils fussent nazi ou communiste.
On ne mesurera donc jamais assez le danger que fait courir actuellement à la collectivité le démentellement progressif, agressif et opiniâtre, de ces mêmes dispositions.
On ne s'étonnera donc pas non plus de la montée de l'extrême-droite franchouillarde, version Frida Oum Papa. D'autant que cette remontée des égouts coïncide avec une mutation sociétale de première ampleur : aux interactions fortes d'hier (les discours prescriptifs du professeur, du curé, de la morale, de l'humanisme) se substitue une société qui multiplie à l'infini les interactions faibles, et à laquelle l'élan puissant du collectif fait cruellement défaut.
Le totalitaire s'installe toujours plus vite qu'on ne le pense. Durant son passage à Vitrolles, et parmi d'autres forfaits qui valurent inélligibilité à leurs auteurs, le FN version Mégret avait déjà entrepris de vider les étagères de la bibliothèque municipale, édictant des listes de livres à proscrire et à remplacer par d'autres. On le sait depuis Heines, s'en prendre aux livres est toujours le prémisse aux chasses à l'homme. Une propédeutique de génocidaires.
Vigilance, donc. Pour autant il ne faut pas se laisser abuser par les signes historiquement déterminés. L'extrême-droite, il ne faut pas attendre les défilés au pas de l'oie pour apprendre à la repérer et la combattre.
Au cours des années 50 et 60 furent poursuivis aux Etats-Unis d'étranges expérimentations, sous l'égide de la CIA, autour du programme MKUltra. L'idée consistait, grâce à la technique de l'électrochoc, à reconditionner un individu : à le reconfigurer façon disque dur. Privations sensorielles prolongées jusqu'au bord de la folie, déconnexion d'avec le monde réel, usage du LSD, ce programme ne produisit aucun résultat probant, à une exception près. Son protocole, auquel du reste des anciens militaires français avaient participé, devint un standard pour toute situation nécessitant le recours à la torture. Amérique centrale, Amérique du sud... et beaucoup plus récemment Irak, Etats-Unis post-11 septembre. Busch au fond ne fit que rendre légitime, donc visible, des procédés tenus secrets jusque là. Le scandale de la prison d'Abou Ghraib en fut une illustration tristement célèbre, pour ne rien dire de Guantanamo (dont soit dit en passant 75% des prisonniers furent finalement innocentés) ni de l'odieux concept de "guerre préventive".
L'extrême-droite ? Pas besoin d'attendre qu'elle monte : elle est déjà là, au coeur de ce système, en toute bonne conscience. Avec pignon sur rue dans l'un des pays phares de la démocratie moderne ! Elle a ses idéologues fondamentalistes, Hayek et Milton Friedman en tête ("L'école de Chicago"), ses maîtres d'oeuvre (la Busch family), sa couverture anti-radar (la globalisation), ses grand-messes (Davos), ses instances paramilitaires (la CIA), ses gardes rouges (OMC, FMI, Banque centrale), ses forces vives (les marchés financiers), ses roquets frétillants (Sarkozy, l'anti-président)... Elle privatise et privatisera toujours plus l'ensemble de ces biens qui nous étaient communs, l'eau, l'énergie, la santé, l'éducation, la culture... C'est une politique de terre brûlée : ne pas laisser de reste. Elle dépossède la multitude de ceux qui ont peu pour engraisser l'infime minorité de ceux qui ont tout. Un absolu déni de justice, d'équité, de démocratie. La liberté de tous s'arrête à celle des oligarques. Comment nommer un tel régime ? De quelle preuve supplémentaire avons-nous donc besoin ? C'est ce que dénonce Naomi Klein dans son livre "La Stratégie du choc" (Babel, Actes Sud). Faites passer.
A regarder sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=DretD1Np_yE