Le mur blanc, devant nous, n’est pas un simple mur. Son titre : Sister. Les jeunes femmes qui nous accueillent nous invitent à ne pas le regarder en face, et l’effet est saisissant : ce mur semble creusé, l’ombre formée par ce creux est à peine perceptible, mais le bord arrondi apparaît quand on le regarde latéralement. L’œil cherche le trait qui va permettre d’identifier l’image et Anish Kapoor joue avec cette définition, cette délimitation. On ne peut s’empêcher de se poser cette question : qu’est-ce que je vois ?
La salle suivante propose deux œuvres qui produisent des effets d’optique : un cube dont les faces se divisent selon l’angle où on le regarde, et un miroir concave qui crée une profondeur surprenante. Mais ces deux œuvres semblent posées là pour l’expérimentation visuelle. Un peu comme en laboratoire.
On entre dans une troisième salle, et, sur la droite, on aperçoit une surface carrée, à hauteur d’homme, au milieu du mur. Elle semble noire, comme collée sur le mur blanc. Il faut un peu de temps pour comprendre qu’il n’en est rien : la couleur vibre et passe du noir au rouge, sans vraiment se fixer, et, surtout, ce n’est pas une surface mais un trou dans la paroi verticale, un trou aux arêtes nettes et qui semble sans fond, d’une profondeur inimaginable. Est-ce ainsi que l’œil perçoit le vide ? Le vide, le trou noir, n’est-il que cette rencontre d’une forme et d’une couleur particulières que nous ne pouvons interpréter sans y mettre une dose d’anxiété, de mélancolie ?
Il faut aller au sous-sol pour voir la cinquième œuvre exposée ici. Son titre : The Healing of St Thomas (La guérison de St Thomas). Une plaie dans le mur, placée assez haut. La main pourrait la toucher, mais le regard doit monter. La première vision laisse progressivement place à une impression troublante : aux angles formés en haut et en bas de cette brèche dont l’intérieur est rouge, le mur semble bouger, la partie supérieure droite s’avancer et recouvrir partiellement la partie supérieure gauche, de même que la partie inférieure gauche semble recouvrir partiellement la partie inférieure droite. Faut-il en croire nos yeux ? Faut-il mettre la main dans l’ouverture ?
La première fois que j’ai rencontré le nom d’Anish Kapoor, c’était à l’occasion d’une chorégraphie de Catherine Diverrès, L’ombre du ciel. La terre tremblait, une faille profonde déchirait le plateau du théâtre et l’image a creusé en moi. C’était en 1995-96. Aujourd’hui, quinze ans plus tard, en voyant ces œuvres, je ressens comme la palpitation d’une blessure oubliée où le sang se remet à battre. Presque rien...
Cette exposition est visible à la Galerie Kamel Mennour, 47 rue St André des Arts à Paris, jusqu'au 23 juillet 2011. Les photos proviennent du site de la Galerie (cliquer sur la première photo pour accéder au site).