Pour vous dire que j’attends chacun de ses bouquins avec impatience mais que j’ai depuis longtemps aussi, beaucoup de mal à en être réellement satisfait. Il est courant de dire qu’un écrivain écrit toujours le même roman dans le fond, mais Philippe Djian lui, le prend au pied de la lettre et Vengeances ne fait pas exception à cette règle.
Marc est artiste plasticien, il est séparé de Julia la mère de son fils Alexandre, un adolescent de 18 ans qui s’est suicidé sous ses yeux, quant à Elisabeth qui partageait sa vie depuis, elle aussi s’est éloignée ne supportant plus le chagrin de Marc. Un matin, dans le métro, Marc ramasse Gloria, une jeune fille au bord du coma éthylique, et la ramène chez lui. Il s’avérera que c’est l’ancienne copine de son fils décédé. Quelques heures plus tard, elle a disparu après avoir tout cassé dans son appartement. Ses amis Michel (son agent artistique) et sa femme Anne (une ex) vont l’aider à retrouver la jeune fille. Mais qui est-elle, que veut-elle ? (« Je crois qu’elle nous déteste, déclara Michel … à un point que nous n’imaginons pas. »)
N’imaginez pas un polar ou un thriller haletant, Djian ne fait pas dans ce registre – heureusement car on serait déçu -, l’intrigue n’est qu’une toile de fond, il s’agit en fait d’une peinture des mœurs de notre époque, dans un certain type de société. Les personnages de Djian sont toujours d’anciens marginaux ou gauchistes reconvertis dans des jobs artistiques (« Je ne peignais plus sur les murs mais sur des toiles ou tout autre support transportable et susceptible d’entrer dans un salon ») ou de communication, sans problème de fric, menant une vie aisée ; leurs soirées sont toujours très arrosées au son de musiques modernes (ici, Wall Of Voodoo, Tuxedomoon, PJ Harvey) et une ligne de coke ne va pas les effrayer. Ils devraient se la couler douce, mais psychologiquement ils ont toujours du mal à mûrir, d’où l’angoisse de vieillir, la quête de sexe auprès de jeunesses, des problèmes de couple qui finissent par exploser.
C’est un peu ce qui m’agace le plus dans ces romans, des héros pas complètements cuits qui font souvent de mauvais choix et aux attitudes paradoxales « Quand on s’adonnait à l’alcool et aux drogues, mieux valait mener une vie saine et surveiller sa santé. » Un autre paradoxe de Philippe Djian, écrivain désabusé mais optimiste, s’il constate « qu’il n’y avait pas tant de moyens pour rendre ce monde supportable », néanmoins ses personnages finissent toujours par s’en sortir, ils se relèvent du décès d’un proche ou d’une femme qui les a quittés, temporairement peut-être mais c’est déjà un espoir.
Alors ? Comme toujours je reste indécis, des personnages qui peuvent être attachants puis agaçants, des scènes d’éthylisme pénibles car preuves de faiblesse, mais Philippe Djian a du style et la musique distillée par son écriture est remarquable. Autre trait du caractère de l’écrivain, têtu et/ou obstiné, il trace son sillon à son idée sans jamais en dévier, imperméable aux critiques.
J’ai du mal à penser que ceux qui ne connaissent pas l’auteur, trouvent leur compte dans ce bouquin, pour ma part j’en ai savouré la lecture mais je dois avouer que je range Philippe Djian, depuis bien longtemps, dans la courte liste de mes vices personnels.
« Les plus atteints étaient les plus jeunes, sans nul doute, ceux qui avaient une vingtaine d’années. Environ. Il suffisait de les regarder. Je l’avais réellement compris lors d’une petite réception chez nos voisins, quelques jours avant Noël. Lorsque mon fils de dix-huit ans, Alexandre, avait médusé, puis terrifié l’assistance en se tirant froidement une balle dansla tête. Ens’effondrant sur le buffet. J’étais rentré à la maison, avait réveillé Elisabeth – l’avait secouée, arrachée à son somnifère. « Regarde, Elisabeth ! Regarde ! lui avais-je fait d’une voix faible, encore tremblante. Regarde ce qui vient d’arriver. Regarde ce sang sur mes mains ! » A l’entendre, je m’étais mis à pleurer comme une fontaine au moment où j’avais prononcé ces mots. Incapable de rester au sec durant des jours. »