ŤUn Bourget recordť : c’est ainsi que Filippo Bagnato, directeur général d’ATR, résume la situation. Et ce n’est pas une exagération latine : le constructeur franco-italien a annoncé 88 commandes pendant le salon, ce qui porte ŕ 116 avions le bilan commercial du premier semestre de 2011.
Ce résultat est d’autant plus flatteur que le loueur américain GE Capital Aviation Services figure en bonne place sur la liste des nouveaux clients, avec quinze ATR 72-600, accompagnés d’options sur autant d’appareils supplémentaires. Sans préjuger de la nationalité des compagnies aériennes qui s’adresseront ŕ Gecas pour renforcer leur flotte, ce contrat est remarquable dans la mesure oů il consacre le retour d’ATR aux Etats-Unis, attendu de longue date.
D’autres contrats annoncés cette semaine confirment, si besoin est, la crédibilité des biturbopropulseurs. C’est le cas, par exemple, de la compagnie brésilienne Azul Linhas Aereas, déjŕ cliente. Son directeur du marketing, Giancarlo Panda Beting, s’adressant ŕ Filippo Bagnato, lui a déclaré, avec la plus grande simplicité : Ťwe love your airplaneť. Un compliment rare dans la profession.
La revanche des biturboprops sur les petits jets est bel et bien confirmée. Il est vrai que l’avion continue de bien évoluer, qu’il gagne en performances économiques, avec les encouragements involontaires de l’OPEP et celui des environnementalistes. Le carburant intervient désormais pour 30% environ des coűts directs d’exploitation des compagnies et, sur de petites distances, la vitesse de croisičre plus élevée des jets ne constitue pas un avantage, le gain de temps étant négligeable. Dans ces conditions, les avions ŕ hélices ont ŕ nouveau tout l’avenir devant eux, d’autant que leur image, jadis injustement ringardisée, est désormais ŕ nouveau respectée.
Compte tenu des prises de commandes enregistrées récemment, et qui correspondent ŕ une tendance que chacun suppose durable, ATR va devoir passer sans tarder ŕ la vitesse supérieure et produire 72 avions par an, venant d’une cinquantaine. C’est une situation envisageable.
Ces succčs relancent aussi l’intéręt que pourrait présenter un ATR de capacité accrue, de l’ordre de 90 places, un concept ŕ l’étude depuis plusieurs mois. Prudent, pragmatique, Filippo Bagnato se contente de confirmer qu’il prépare l’avenir mais qu’il reste encore Ťun peuť de travail technique ŕ faire avant de pouvoir présenter un bon projet, aux clients potentiels, d’une part, aux actionnaires, d’autre part. Le feu vert d’EADS et Finmeccanica est en effet requis avant de passer ŕ l’action, peut-ętre d’ores et déjŕ assuré, compte tenu des trčs bons résultats obtenus récemment. Au passage, Filippo Bagnato mentionne la puissance financičre de ses actionnaires, comme s’il cherchait ŕ se rassurer...
Le marché est porteur, il est estimé ŕ environ 3.100 turboprops au cours des deux prochaines décennies, un pactole de 70 milliards de dollars. C’est lŕ un argument qui intéressera les décideurs de Paris et Rome. Dans l’immédiat, chacun savoure Ťle printemps d’ATRť, loin du tintamarre provoqué par l’imposant voisin qu’est Airbus. D’autant que viendra, en septembre, la célébration du 30e anniversaire d’ATR, dans un contexte sympathique. Un programme réussi, qui sauve l’honneur d’une coopération franco-italienne traditionnellement faiblarde. On la voudrait plus ambitieuse.
Pierre Sparaco - AeroMorning