Il n'est pas nécessaire d'être d'accord en tous points avec quelqu'un pour l'estimer et lui rendre hommage. C'est ainsi que j'ai beaucoup d'estime pour Philippe Barraud et que je rends hommage à sa plume, alors que sur bien des points je suis en désaccord avec lui. Sur son site Commentaires.com ici ce journaliste anticonformiste fait preuve d'une indépendance d'esprit, que, m'a-t-on dit, il paie au prix fort. Raison de plus pour l'estimer.
Au talent du journaliste libre il faut ajouter celui du romancier, que je ne lui connaissais pas. Aussi, quand j'ai vu l'autre
jour chez Payot Les sphères silencieuses, publié par les Editions de l'Aire ici, ai-je aussitôt
jeté mon dévolu sur ce livre que j'ai lu d'une traite sans me laisser distraire. Car ce journaliste au tempérament littéraire se double d'un scientifique, qui a une
prédilection pour l'astronomie.
Un beau jour Christophe se promène avec son Grand-Pierre et fait la découverte dans les Alpes suisses d'une étrange plaque de métal, de bonne dimension enserrée dans la roche. Or son
Grand-Pierre, en fait son grand-père, n'est autre que Pierre Corajoux, un éminent géologue à la retraite, qui va prendre à raison très au sérieux cette découverte.
Il faut dire que cette plaque est on ne peut plus mystérieuse et qu'elle ne laisse pas d'intriguer le
scientifique. Elle émet de fortes radiations, qui, d'ailleurs, vont altérer gravement la santé de Christophe. Elle est de plus d'un métal inconnu, particulièrement résistant. Il
s'avère enfin qu'elle est en fait une toute petite portion d'une sphère gigantesque, enfouie là peut-être depuis des dizaines de millions d'années.
Cette découverte ne va pas longtemps rester secrète. Pierre Corajoux va envoyer un e-mail à un jeune professeur d'exobiologie du Lausanne Institute of Technology, Jean-Philippe Cheseaux. Cette
nouvelle va être interceptée par les services de renseignements occidentaux grâce au fameux programme Echelon qui permet d'analyser les échanges d'e-mails à travers le monde à partir de
mots-clés. Et l'affaire est lancée.
Philippe Barraud qui connaît bien son monde politique, médiatique et économique - il a traîné ses guêtres à la Gazette de Lausanne, à L'Hebdo et au Temps - nous montre comment tout ce petit monde économico-politico-médiatique s'empare très rapidement de cette nouvelle pour servir ses intérêts.
Certes on retrouve au passage les préoccupations de l'auteur telles qu'il les exprime sur Commentaires.com, mais cela
n'est pas le moins du monde rédhibitoire. Il ne s'agit pas en l'occurrence pour lui de convertir, mais de montrer tout simplement, en laissant le lecteur juge de la comédie humaine telle qu'elle
se joue aujourd'hui sous nos yeux, avec pour décor les dernières inventions technologiques.
A la fin du livre la sphère, qui a des soeurs sur d'autres planètes, ne livre pas ses secrets. Elle reste silencieuse sur elle-même, comme les autres, après avoir généré beaucoup de bruit
autour d'elle et beaucoup d'effervescence. Très poètiquement au fond l'auteur nous parle d'elle et de ce qui advient d'elle, à travers les yeux de Christophe, de Grand-Pierre et de Claudia, une
femme sensible et courageuse, qui vit dans les parages avec sa fille et qui s'est jointe au duo originel.
Philippe Barraud apparaît donc sous un autre jour que celui du journaliste aux formules qui font mouche et ce n'est pas à son désavantage. S'il nous parle en effet de technologie
savamment, il nous parle aussi bien avec tendresse de ces montagnes alpines où il passe lui-même une partie de son temps.
Francis Richard