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Rocs arrachés à leur sommeil

Publié le 22 juin 2011 par Arsobispo

Rocs arrachés à leur sommeilLes dessinateurs nés à Castres ne sont pas nombreux. Il y a François-Marius-Joseph Pagès qui ne figure pas au « Dictionnaire des artistes tarnais du XIXe siècle » de Charles Portal (Albi 1925) mais, heureusement, la Société Culturelle Du Pays Castrais a publié une bibliographie intitulé « Caricatures politiques castraises, 1890-1906 » en 1993.

Il y a aussi Joseph Paul qui, passionné par la nature et son pays castrais, a parcouru en long et en large le magnifique massif du Sidobre pour en dessiner les étonnants rochers et chaos granitiques. Il fut ainsi l’un des plus étonnants dessinateurs de l’univers minéral. La Société Culturelle du Pays Castrais l’avait bien compris en publiant un magnifique ouvrage des dessins qu’il consacra au « Sidobre » et qu’accompagnaient des poèmes d’Yvonne Boyer-Hérail, Jean Cros, l’autre grand amoureux du Sidobre, Louis et Germain Gabaude, l’ancien journaliste de la Dépêche du Midi Jean-Pierre Gaubert, l’auteur éditeur Arlette Homs, Gaston Marchal et Gui Viala.

Joseph Paul est né en 1887 et possédait une vitalité extraordinaire malgré un handicap physique lié à une jambe récalcitrante. Néanmoins, cela ne l’empêchait pas d’être un sportif accompli ; champion de tir, entraineur de football, boxeur. Comptable dans une banque castraise, il pratiquait assidument pendant ses loisirs la spéléologie, l’archéologie et bien évidemment la géologie. C’était un amateur reconnu de champignons et plus globalement de la nature. Ses qualités professionnelles et notamment sa rigueur se retrouvent dans ses dons graphiques. Sa passion du détail lui fit aborder ainsi l’art de la lettrine comme en témoignent ces quelques images.

Rocs arrachés à leur sommeil

Celle du U représente l’église de la Platé à Castres et celle du D, la cathédrale d’Albi. Quant à La Brescarié, il s’agissait d’un titre orné pour un projet de livre qui ne vit jamais le jour, du moins à ma connaissance. Sa technique – un pointillisme en noir et blanc - me rappelle les œuvres de jeunesse du catalan Antoni Calonge qui avait été l’un des premiers graphistes espagnols de la Movida que nous avions publié en France aux Éditions Artefact.

Rocs arrachés à leur sommeil
Rocs arrachés à leur sommeil
Les dessins de Joseph Paul me rappellent aussi ceux de Gérard Baty, dont d’ailleurs il partage un autre point commun, celui d’avoir été inspiré par Castres et sa région. Je me souviens avec ravissement par exemple d’un tableau représentant les vieilles maisons sur l’Agout que le souci du détail de Baty avait révélé avec splendeur. Dommage qu’elles ne se trouvent pas sur son site. Dommage également que Gérard n’utilise plus la technique de ses débuts.

Quant au Sidobre, je me promets d’aller sur les mêmes lieux qui inspirèrent tant Joseph Paul, afin de voir ce qu’ils sont devenus depuis que l’exploitation du granit ne cesse de déchiqueter ce magnifique massif languedocien. Car comme la si bien dit Gui Viala :

Les rochers arrachés à leur sommeil , livrés aux scies
Éclatés, meurtris, écorchés, polis,
Uniformément carrés selon les gabarits,
Partent sur les chemins, au-delà de cent lieux.

Joseph Paul est décédé en 1962 et n’a donc jamais eut le plaisir de voir la réunion de ses dessins du Sidobre dans le livre publié en 1992. Acte manqué qui ne serait pas trop grave si l’on ne continuait pas à l’ignorer. En effet, la plupart des dessins originaux de Joseph Paul ont été versés au fond du musée Goya de Castres. Je suppose qu’ils reposent dans un placard oublié car, à ma connaissance, les conservateurs n’ont jamais jugé nécessaire de les exposer au public. Puissent ces quelques images les réveiller…

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